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6  Conclusion 123 

6.3  Efficacité croisée vaccinale 129 

6.3.1 Implications et contextualisation des résultats

Cette étude était la première revue systématique et méta-analyse de l’efficacité croisée vaccinale des vaccins contre les VPH. Elle constitue la première comparaison des efficacités croisées des vaccins bivalent et quadrivalent, et la première étude montrant que les essais cliniques plus longs estiment des efficacités croisées vaccinales moins élevées contre les infections avec des VPH non-vaccinaux.

Nos résultats ont des implications importantes pour le du choix du vaccin à utiliser dans les programmes de vaccination. L’efficacité croisée plus élevée du vaccin bivalent doit être soupesée contre la protection additionnelle du vaccin quadrivalent contre les condylomes. Cette revue systématique a permis à notre équipe de recherche de paramétriser l’efficacité croisée dans nos modèles dynamiques de transmission des VPH afin de mieux guider cette décision. Nous avons ainsi été parmi les premiers à modéliser l’efficacité populationnelle

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des vaccins bivalent et quadrivalent avec l’efficacité croisée, et à évaluer le bénéfice incrémental du vaccin nonavalent en tenant compte de l’efficacité croisée314,318,489. Les études de modélisation prédisent que le vaccin

bivalent aura une efficacité populationnelle plus élevée à long terme que le vaccin quadrivalent contre les CIN2, CIN3 et SCC en raison de son efficacité croisée supérieure113,314,437,490, mais qu’à prix égal le vaccin quadrivalent

demeure plus coût-efficace en raison des coûts économisés et QALYs gagnés grâce à la prévention des condylomes au Canada et au Royaume-Uni318,355. De plus, si l’efficacité croisée vaccinale dure uniquement

quelques années, celle-ci n’augmentera pas substantiellement l’efficacité populationnelle de la vaccination contre les CIN2, les CIN3 et les SCC314. Dans ce cas, les individus vaccinés à la préadolescence ne seront pas

protégés contre ces types de VPH pendant la majorité des années où ils seront sexuellement actifs. L’homologation récente du vaccin nonavalent impliquera également une réévaluation des programmes de vaccination contre les VPH dans les prochaines années. L’efficacité du vaccin nonavalent contre les infections avec les VPH-31/33/45/52/58 est nettement supérieure aux efficacités croisées trouvées dans cette revue de la littérature, et les titres d’anticorps plus élevés suggèrent que cette efficacité durera probablement plus longtemps également40. Des analyses de coût-efficacité suggèrent que l’adoption du vaccin nonavalent devrait être une

intervention coût-efficace si son efficacité et sa durée de protection sont supérieures contre les VPH- 31/33/45/52/58 que les vaccins bivalent et quadrivalent, en autant que son prix ne soit pas substantiellement plus élevé (environ 11$ par dose de plus que le quadrivalent)489,491.

Depuis la publication des essais cliniques et l’introduction de la vaccination dans plusieurs pays, des études de surveillance ont observé des changements dans la prévalence des infections avec les VPH vaccinaux et non- vaccinaux. Une méta-analyse des études de surveillance dans plusieurs pays a estimé que la réduction post- vaccination de la prévalence des infections avec les VPH-31, 33 et 45 a été de 28% chez les femmes de 13-19 ans (moyenne pondérée selon la taille des études), mais n’a mesuré aucune réduction de la prévalence de tous les types de VPH oncogéniques combinés (sauf VPH-16/18)492. Ces résultats suggèrent que les efficacités

croisées observées dans les essais cliniques peuvent effectivement mener à une certaine efficacité populationnelle, mais que celle-ci est spécifiquement contre les types VPH-31, 33 et 45 comme le suggère notre étude. Les réductions dans la prévalence de ces types n’étaient pas significativement différentes entre pays utilisant le vaccin bivalent ou quadrivalent492, mais la puissance statistique de cette comparaison n’était pas

suffisante en raison du faible nombre de pays utilisant le vaccin bivalent.

6.3.2 Forces et limites

Cette étude présente plusieurs forces. Toutes les études incluses étaient de haute qualité méthodologique en raison de la randomisation de l’intervention en double aveugle, la forte adhésion à l’intervention et la faible perte au suivi des participants. Cependant, le grand désavantage de ces essais cliniques était le recrutement d’individus pouvant déjà être infectés, ce qui diminuait leur comparabilité en raison de différences initiales dans

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la prévalence des VPH. Lorsque des individus préalablement infectés sont inclus dans les analyses, l’efficacité prophylactique des vaccins est sous-estimée. Nos critères de sélection ont permis d’augmenter considérablement la comparabilité des études. En limitant l’analyse à des populations non-infectées avec les VPH, les estimés deviennent plus comparables entre les essais cliniques parce que les populations ressemblent plus aux populations susceptibles aux VPH ciblées par la vaccination. Les estimés sont également difficiles à comparer entre les essais cliniques parce que les efficacités contre des types combinés sont dépendantes de la distribution des types dans la population étudiée, qui varie d’une population à une autre3. En analysant les

efficacités contre les types individuels comme issues principales, les estimés sont plus comparables et nos résultats sont plus généralisables à des populations externes. Le risque de biais de publication était élevé pour cette étude, parce que les efficacités croisées vaccinales sont souvent non-significatives et non rapportées dans les publications. Pour minimiser ce biais, nous avons effectué une recherche exhaustive des résumés de conférences et des sites web des fabricants, et nous avons obtenu, de la part des fabricants, des résultats non- publiés des essais cliniques identifiés lors de la revue systématique. Nous avons ainsi été capables d’intégrer des résultats qui n’avaient pas été publiés parce qu’ils n’étaient pas statistiquement significatifs.

La plus grande limite de l’analyse était le faible nombre d’études identifiées (n=4). Le χ2 a une faible puissance

statistique pour détecter l’hétérogénéité, surtout lorsque le nombre d’études est faible264,385. Malgré cette faible

puissance statistique, nous avons quand même détecté une hétérogénéité significative entre les essais cliniques; cela suggère fortement que les estimés d’efficacité croisée vaccinale sont hétérogènes entre vaccins et entre essais cliniques.

6.3.3 Directions futures

L’efficacité croisée vaccinale demeure pertinente même après l’homologation du vaccin nonavalent. Parce que le vaccin nonavalent risque d’être plus coûteux que les vaccins bivalent et quadrivalent, ceux-ci demeurent des options intéressantes pour des décideurs en santé publique cherchant à minimiser les coûts. L’efficacité croisée des vaccins demeurera donc une composante importante à évaluer dans le choix du vaccin à utiliser dans les années à venir. Nous avons effectué des analyses (qui ne sont pas reprises dans cette thèse) évaluant l’efficacité populationnelle et des analyses coût-efficacité lorsqu’on utilise des combinaisons de doses du vaccin bivalent et du vaccin nonavalent dans les programmes de vaccination. Nos résultats suggèrent que l’utilisation d’une combinaison d’une dose du vaccin bivalent et une dose du vaccin nonavalent est une stratégie coût- efficace au Québec. Néanmoins, si deux doses du vaccin nonavalent permettent d’augmenter l’efficacité vaccinale et de prolonger la durée de l’efficacité vaccinale contre les VPH-31/33/45/52/58 à plus que 10-20 ans, alors l’adoption de deux doses du vaccin nonavalent permettrait de prévenir plus de CIN et de condylomes anogénitaux tout en demeurant une stratégie coût-efficace493.

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Plusieurs études de surveillance post-vaccination ont déjà été publiées évaluant les changements dans la prévalence des types de VPH vaccinaux et non-vaccinaux, et l’incidence des condylomes et des anomalies cytologiques492. Ces études seront importantes pour évaluer l’efficacité populationnelle de la vaccination,

incluant l’effet populationnel de l’efficacité croisée. D’autres phénomènes sont également susceptible d’affecter la prévalence des VPH non-vaccinaux en plus de l’efficacité croisée vaccinale, dont les interactions entre types de VPH, des effets de cohorte dans l’activité sexuelle, les changements des pratiques de dépistage, l’augmentation de la sensibilité et la spécificité des tests de détection des VPH et la distribution de la couverture vaccinale selon des facteurs de risque d’infection et de cancer. Ces phénomènes seront difficiles à démêler dans des études épidémiologiques de surveillance, surtout dans les contextes où il n’existe pas de données comparables recueillies avant la vaccination. Des modèles dynamiques de transmission des VPH qui intègrent ces phénomènes pourraient aider à interpréter les observations épidémiologiques de prévalence et d’incidence des VPH et à estimer l’efficacité populationnelle de la vaccination en temps réel.

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