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CHAPITRE 3 : STRATEGIES THERAPEUTIQUES DU TRAUMATISME

2. Efficacité des anti-oxydants

Un traumatisme sonore peut induire la libération de radicaux libres et donc un stress oxydant. Les substances anti-oxydantes peuvent donc représenter un outil thérapeutique du traumatisme sonore. Dans l’organisme, il existe des systèmes antioxydants endogènes qui se chargent d’éliminer les radicaux libres tels que des systèmes enzymatiques, des protéines non enzymatiques, des molécules hydrosolubles, et des anti-oxydants d’origine alimentaire. Ces systèmes sont présentés dans le tableau 4.

Nature de l’anti-oxydant Substances

Anti-oxydants enzymatiques Superoxyde dismutase (SOD)

Catalase (CAT)

Glutathion peroxydase (GPx) Glutathion-S-transférase Glutathion réductase Protéines anti-oxydantes non enzymatiques Ferritine

Transferrine Céruléoplasmine Albumine

métallothioneines Molécules hydrosolubles anti-oxydantes Glutathion

Acide urique Bilirubine Coenzyme Q Mélanines Acide lipoïque

Anti-oxydants d’origine alimentaire Vitamines E, C, B2, B3,B9 Caroténoïdes

Zinc Sélénium Polyphénols

Tableau 4 : Les sysèmes anti-oxydants

Le glutathion, un système anti-oxydant primaire, est retrouvé dans la strie vasculaire et dans le ligament spiral (Usami et coll., 1996). Yamasoba et coll. (1998) montrent que des animaux présentant une production endogène de glutathion faible sont plus susceptibles au traumatisme sonore. En administrant un inhibiteur de la synthèse de glutathion (le L-Buthionine -[S,R]-sulfoximide ou BSO), Yamasoba et coll. (1998) montrent que les animaux déficitaires en glutathion endogène sont plus susceptibles au traumatisme sonore. Inversement, des animaux traités par le 2-oxothiazolidine-4-carboxylate (OTC), une substance qui permet la restauration rapide du glutathion, sont moins susceptibles à un traumatisme sonore (Yamasoba et coll., 1998). L’importance des anti-oxydants endogènes a été mise en évidence par des expériences de manipulation génétique dans lesquelles la

protection endogène a été réduite par une délétion de la Cu-Zn superoxyde dismutase (Sod1) (Ohlemiller et coll., 1999 ; Mc Fadden et coll., 2001) ou de la glutathione peroxidase (Gpx1) (Ohlemiller et coll., 2000).

De nombreux chercheurs se sont donc intéressés à une thérapeutique du traumatisme sonore basée sur le glutathion. La N-acétylcystéine (NAC), un précurseur du glutathion et « piégeur » des radicaux libres, réduit les pertes auditives permanentes chez des cobayes exposés à un bruit (Ohinata et coll, 2003, Duan et coll., 2004) et chez des chinchillas (délivré en association avec le salicylate) (Kopke et coll, 2000). Cependant, le NAC n’a pas d’effets sur les pertes auditives temporaires chez l’homme (Kramer et coll., 2006) et chez les rongeurs (Kopke et coll, 2000 ; Duan et coll, 2004). La cystéine disponible dans la cellule est un marqueur du niveau de glutathion endogène. La cystéine pouvant dériver de la méthionine, l’utilisation d’un pré-traitement avec la D-methionine a donc été une stratégie thérapeutique alternative. La D-methionine permet de réduire les pertes auditives permanentes mais pas les pertes auditives temporaires (Kopke et coll., 2002). L’ebselen est une substance qui mime l’action du glutathion et qui réduit donc la formation de radicaux libres (Noguchi et coll., 1992). Contrairement à un traitement utilisant la NAC et la D-méthionine, un pré-traitement utilisant l’ebselen réduit aussi bien les pertes auditives temporaires que permanentes (Pourbakht et Yamasoba, 2003, Lynch et coll., 2004 ; Lynch et Kil, 2005 ; Yamasoba et coll., 2005). Bien que les comparaisons entre ces différentes études soient difficiles de par la variabilité des doses utilisées, la durée du traitement, le modèle de bruit et l’espèce utilisée, il est admis que ces agents thérapeutiques qui augmentent la production de glutathion endogène apportent une protection auditive partielle. Cette protection incomplète est due au fait que les « piégeurs » hydroxyles ne sont efficaces que partiellement dans l’inhibition de la peroxydation lipidique car ils entrent en compétition avec les groupes hydroxyles libres mais ne passent pas la membrane

lipidique pour piéger ces mêmes groupes à l’intérieur de la cellule (Halliwell et Gutteridge, 1998).

L’administration d’anti-oxydants exogènes a été testée également comme traitement potentiel du traumatisme sonore. Les anti-oxydants réduisent de façon efficace la mort des cellules sensorielles ainsi que les pertes auditives. Ceci a bien été démontré par de nombreuses études menées chez l’animal (Tableau 5).

Auteurs Substance testée Type de bruit Résultats

Ohinata et coll, 2000 Glutathion monoethylester (GSHE) en prophylaxie et post-traumatisme 115 dB, 4 kHz pendant 5h Limite les dommages auditifs, efficace en prophylaxie Kopke et coll, 2002 GSHE en prophylaxie et après traumatisme 105 dB, 4 kHz pendant 6h Réduit les dommages auditifs

Hight et coll., 2003 GSHE en prophylaxie Bruit impulsionnel 145 dB ou continu 4 kHz 105 dB Protection auditive surtout pour le bruit impulsionnel

Miller et coll, 2003 GSHE en prophylaxie 115 dB, 4 kHz

pendant 5h Limite les dégâts vasculaires

Seidman et coll., 2003 Resveratrol en prophylaxie et post-traumatisme

105 dB, de 4.5 à 9 kHz pendant 24h

Diminution des seuils

Seidman et coll., 1993 Allopurinol en post-traumatisme

90 dB pendant 60h Diminution des seuils

Cassandro et coll., 2003 Allopurinol en prophylaxie 125 dB, 2-3 kHz, 4 fois/s pendant 1.8h

Diminution des seuils

Seidman et coll., 1993 Superoxide dismutase-polyethylene glycol en post-traumatisme

90 dB pendant 60h Diminution des seuils

Quirk et coll., 1994 U74389F 90 dB pendant 60h Diminution des

seuils Hu et coll., 1997 R-phenylisopropyadenosine (R-PIA) en post-traumatisme 105 dB, 4 kHz pendant 4h Diminution des seuils et accélération de la récupération

Hight et coll., 2003 R-PIA+ GSHE en prophylaxie

Bruit impulsionnel 145 dB ou continu 4 kHz 105dB

Protection pour les 2 types de bruit

Fetoni et coll., 2009 Coenzyme Q10 en post traumatisme 120 dB, 6 kHz, pendant 1h Diminue l’apoptose et les dérèglements mitochondriaux

Duan et coll., 2006 Caroverine en post traumatisme Bruit impulsionnel 160 dB, 0.33/s pendant 300 µs Protection auditive

Kil et coll., 2007 Ebselen en post traumatisme

113dB, 4-16 kHz pendant 4h

Réduit la perte des cellules auditives

Gao et coll., 2009 Edaravone en injection intra-tympanique post traumatisme 125 dB pendant 2h Diminution du taux de radicaux libres dans la cochlée

Les anti-oxydants d’origine alimentaire ont été testés également. Cependant, il a été montré que la supplémentation devait être administrée longtemps avant l’exposition au bruit. En effet, un pré-traitement de vitamine C administré 35 jours avant le traumatisme diminue significativement les pertes auditives et la mort des cellules sensorielles (Mc Fadden et coll., 2005) alors qu’un traitement administré 48 heures avant le traumatisme n’empêche pas la mort cellulaire induite par le bruit (Branis et Burda, 1988).

Tout comme les traitements basés sur le glutathion, les traitements utilisant les anti-oxydants d’origine alimentaire ne donnent qu’une efficacité partielle. Yamasoba et coll. (2004) ont démontré la présence d’un pic de radicaux libres jusqu’à 7 à 10 jours après l’exposition sonore. Ces résultats suggèrent la possibilité d’utiliser les anti-oxydants en traitement tardif. Certaines études qui avaient mesuré l’efficacité de l’utilisation d’anti-oxydants post-traumatisme ont présenté des résultats décevants. Par exemple, Kopke et coll. (2000) ont testé l’efficacité de l’association N-Acétyl-cystéine (NAC) et salicylate administrée juste après le traumatisme, ils ont obtenu une faible mais significative diminution des pertes auditives mais aucune réduction au niveau des pertes cellulaires. Cependant des recherches plus récentes ont apporté de nouvelles données. L’efficacité du salicylate et de la vitamine E a été testée selon que l’administration a eu lieu avant ou après l’exposition au bruit. Le traitement administré avant le traumatisme a été le plus efficace dans la prévention des pertes auditives et de la mort cellulaire, cependant le traitement administré 24 heures après le traumatisme a présenté des résultats qui n’étaient pas différents statistiquement du pré-traitement. Ce même traitement administré trois jours après le traumatisme réduit également les pertes auditives et la mort cellulaire de manière significative. Par contre, lorsque l’administration a lieu 5 jours après, celle-ci n’est pas efficace, ce qui suggère une fenêtre thérapeutique de trois jours après traumatisme (Yamashita et coll., 2005a). Il reste difficile de comparer les résultats obtenus avec les

différents types d’anti-oxydant car les paramètres sont trop variables : dose administrée, durée, espèces utilisées, durée et niveau de l’exposition au bruit. Cependant, il semble bien que les anti-oxydants soient capables d’atténuer les pertes auditives et les pertes cellulaires après un traumatisme sonore. Des études pré-cliniques ont confirmé la non-toxicité d’un grand nombre de ces agents et certains d’entre eux ont été testés chez l’homme avec peu d’effets secondaires.

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