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2.3 Propriétés des matériaux lasers à solides

2.3.4 Les effets thermiques

Il est nécessaire pour la suite de ce mémoire de comprendre les principes de base des effets limitant la puissance laser. Certains sont liés à la nature même du milieu à gain et ont pour origine les effets thermiques induits par l’absorption de la source de pompage.

En effet, durant le pompage optique le matériau laser s’échauffe et doit être refroidi. Le gradient de température dans le crisal induit initialement une dégradation de la qualité du faisceau laser et finalement, une fracture du milieu laser. Cet échauffement détermine la qualité du mode spatial du faisceau ainsi que la puissance laser maximale. La connaissance exacte des divers mécanismes de chauffage est donc importante et est discutée brièvement (une théorie plus détaillée sera développée ultérieurement).

Les trois principaux mécanismes de chauffage sont le défaut quantique, l’absorption des pho- tons stimulées par les centres colorés ou les impuretés et les transitions non radiatives du niveau laser supérieur.

Le défaut quantique,4 c.-à-d., la différence d’énergie relative entre les photons pompe et les photons laser s’écrit,ηS = (hνp− hνl)/hνp = 1− λp/λl, oùνletνpsont les fréquences du laser

et de la pompe.

Pour un oscillateur laser sans pertes et à un niveau de pompage élevé, chaque photon pompe hνp

produit un photon laser d’énergie plus faible hνl. La différence d’énergieh(νp− νl) dans la plupart

des cas est convertie en quantité de chaleur. Donc, la puissance de chauffage minimale Pthdue au

défaut quantique est reliée à la puissance pompe absorbée par Pth = ηSPabs.

L’absorption du rayonnement laser due aux centres colorés ou aux impuretés dans le cristal.5 Des centres colorés permanents sont générés par de la lumière intense aux courtes lon- gueurs d’onde dans le cristal. Ils absorbent dans une grande gamme jusqu’à la longueur d’onde laser. La puissance de chauffage supplémentaire due à l’absorption des centres colorés s’écrit Pth=Pp(1-exp(-αpl))(1-R), où R est le coefficient de réflexion du coupleur de sortie et αp le co-

efficient d’absorption (absorptivité) du milieu actif.

Les transitions non radiatives du niveau d’énergie laser supérieur. Ce mécanisme est décrit par l’efficacité quantique de fluorescenceηQ. L’efficacité quantique de fluorescenceηQest définie

4. La dénomination est abusif car il s’agit d’un rapport et non d’une différence. Mais nous gaderons le nom de cette quantité qui est largement répandu dans la littérature.

5. Un centre coloré est un défaut ponctuel chargé. Quand l’énergie d’excitation est transférée vers un tel centre coloré, elle peut être perdue, par exemple, par cascade non radiatives et donc générer de la chaleur.

par,ηQ=qf/qa, où qf est le nombre total de quanta de fluorescence émis par seconde dans toutes

les transitions émanants de l’état émetteur et qaest le nombre de photons absorbés par seconde.

On peut aussi trouver quatre autres mécanismes d’échauffement moins importants qui sont (voir figure 2.7) :

Absorption dans les états excités « Quenching » thermique « Upconversion » Transfert d’énergie

FIG. 2.7 – Représentation schématique de quelques sources de chaleur (indiquées par les flèches en poin-

tillées). Le niveau le plus bas est l’état fondamental, le 2ereprésente le niveau laser métastable

ou de pompage.

– l’absorption directe de la lumière à l’extérieure et à l’intérieure de la bande de pompage par les impuretés et les centres colorés ;

– l’excitation du niveau laser d’énergie supérieure vers des niveaux d’énergie plus élevés (bandes de pompage) par la lumière du laser pompe ou par les photons propres du laser (absorption dans les états excités) ;

– le « quenching » thermique, les transitions directes de photons partant du niveau laser d’éner- gie supérieure ;

– l’upconversion ou effet Auger fait intervenir deux ions proches qui transfèrent leur énergie. L’un part vers un niveau d’énergie supérieur alors que l’autre rejoint le niveau fondamental.

La température et la distribution de la température influencent les performances du laser. En effet, la différence de température dans le matériau entre le centre et la surface du cristal détermine

le maximum de charge thermique permise et donc le maximum de puissance laser disponible. Le gradient de température dans le matériau conduit à un effet de lentille durant le fonctionnement du laser et doit être pris en compte dans le dimensionnement de la cavité. Pour finir, la température moyenne absolue dans le milieu actif détermine la population des niveaux d’énergie laser.

Etudions maintenant d’un peu plus près, les deux dernières remarques.

Influence de la température.

La température du radiateur et l’échauffement dû à la puissance de la pompe déterminent la tempé- rature moyenne du matériau laser. En général, le cristal doit fonctionner avec des températures les plus basses possibles (généralement on cherche tout au plus à travailler à température ambiante).

La température dans le milieu actif a plusieurs effets sur les propriétés optiques :

– La durée de vie des niveaux laser peut varier,

– une augmentation notable de la population du niveau laser inférieur apparaît pour les sys- tèmes à quasi-trois niveaux (par exemple, l’efficacité du Nd:YAG, diminue avec l’augmen-

tation de la température à cause de la distribution thermique non nul sur le niveau d’énergie laser inférieur),

– la section efficace varie et

– le centre de la fréquence se déplace.

La population du niveau laser inférieur, habituellement supposée nulle, se peuple thermiquement et peut s’écrire :

N1 =

N0 exp (−∆E/kBT )

Pn

i=0exp (−∆Ei/kBT )

, (2.1)

où kB est la constante de Boltzmann, ∆E est la différence d’énergie entre le niveau d’énergie

fondamental et le niveau d’énergie laser inférieur. Ainsi, plus N1 est grand, plus l’inversion de

population, et donc la puissance laser diminuent. Or, comme nous travaillons sur les raies lasers situées à 1,3 µm, ∆E est à peu près 20 fois plus grand que kBT et le peuplement thermique

reste négligeable. Néanmoins, l’efficacité de pompage diminue à cause du peuplement thermique des niveaux d’énergie immédiatement supérieurs à celui du fondamental (fig. 2.4). On appelle cet effet, le blanchiment du niveau fondamental et a été observé sur le Nd:YAG et le Nd:YLF [38].

Lentille thermique.

un effet de lentille. Trois effets contribuent à l’amplitude de la focale thermique :

* la déformation des faces avants du cristal par une dilatation longitudinaleα,

* le gradient de température radial de l’indice de réfraction (dn/dT ) et,

* l’effet photoélastique (Cr,Φ).

α, dn/dT et Cr,Φsont les quantités caractéristiques [30].

– La déformation de la surface du cristal, modélisée par le rayon de courbureR, produit une

lentille épaisse (voir figure 2.8). Le rayon de courbure peut s’écrire R−1 = αr

0Pth/4kcV,

R

l

r0

FIG. 2.8 – Cristal laser modélisé par une lentille épaisse.

oùV = πr2

0l, kc est la conductivité thermique etPth la puissance dissipée. La déformation

longitudinale peut être négligée aussi longtemps quel ≫ r0.

A cause de la distribution de température, l’indice de réfraction du milieu actif devient dé- pendant de l’espace. En négligeant la dépendance enz, l’indice de réfraction au 1er ordre,

peut s’écrire [39] :

n(r) = n− (dn/dT )(Pth/(4kcV ))r2, (2.2)

où l’on a supposé que la distribution de la quantité de chaleur est homogène.

– A l’ordre supérieur en n, les contraintes mécaniques dans les directions tangentielles ϕ et

radialesr entraînent aussi, une variation de l’indice de réfraction proportionnelle à n3 qui

est négligeable au 1erordre.

Par exemple, la puissance dioptrique (inverse de la focale thermique) sous effet laser vaut, pour 5 W de puissance absorbée, moins de 1 m−1 pour le Nd:YLF [40] et environ 7 m−1 pour le Yb:YAG

[41]. D’après l’article [42] la lentille thermique du Nd:YAG et du Nd:GSGG est d’un ordre de

En résumé, l’obtention d’une forte puissance laser est régie par les conditions suivantes :

– l’indice de réfractionn doit être le plus petit possible,

– la variation den avec la température dn/dT doit être réduite le plus possible,

– la conductivité thermiquekcdoit être la plus grande possible,

– le cristal doit être dur,

– la limite de fracture doit être élevée, c.-à-d. qu’en plus des conditions établies dans cette liste il faut également que le module d’YoungE soit élevé,

– la dilatation thermiqueα doit être faible.

Les effets de lentille thermique influenceront donc les performances de la puissance de sortie et la qualité du faisceau laser. Il faudra en tenir compte dans la construction des sources laser.