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CHAPITRE 2 REVUE DE LA DOCUMENTATION

2.4 Effets de la température sur le BFUP

2.4.3 Effets de la température de cure sur la microstructure du béton

Avant que les BHP et BFUP ne soient étudiés, de nombreux auteurs (Kjellsen, Detwiler, & Gjørv, 1991; Mouret, Bascoul, & Escadeillas, 1999; Patel, Bland, & Poole, 1995) ont mené des travaux pour étudier les transformations qui s’opèrent au sein de la microstructure du béton lorsqu’il est soumis à différentes températures de cure.

Elkhadiri et al. (2009) ont réalisé des analyses sur deux pâtes de ciment (CEM I 42.5R et CEM II/A-V 42.5R avec un rapport E/C de 0.3) qu’ils ont soumis à des températures de cure de 4, 22, 40 et 85°C jusqu’à réalisation des analyses. Les analyses ont été menées par différentes méthodes : diffractométrie aux rayons X (XRD), spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR), imagerie en électrons rétrodiffusés (BSE) et résonnance magnétique nucléaire (MAS NMR). Ils ont ainsi observé que de plus grandes quantités d’ettringite étaient présentes pour des cures à 4 et 22°C. À 40°C, la présence de cette phase était réduite et à 85°C, elle était indétectable. Cela s’expliquerait par le fait que l’ettringite n’est pas stable pour des températures excédant 70°C. Néanmoins, la variation de la quantité d’ettringite n’expliquerait pas à elle seule les différences de résistances en compression des pâtes de ciment subissant des cures à différentes températures. En effet, les propriétés mécaniques sont étroitement liées aux types d’hydrates qui précipitent, à leur répartition au sein de la matrice cimentaire et à la distribution de la porosité. Or, la porosité au jeune âge des pâtes de ciment mûries à hautes températures est inférieure à celle des pâtes de ciment maintenues à plus basses températures. Cette tendance s’inverse avec le temps, notamment en raison du moins bon raffinement de la porosité (donc de la présence de pores plus grossiers) pour des cures à hautes températures. A 28 jours, la matrice des pâtes de ciment maintenues à 4°C est plus sombre que la matrice des pâtes de ciment maintenues à 85°C (Figure 2.19). Plus la couleur de la pâte est foncée, plus la densité et la répartition des C-S-H dans la pâte est élevée (Elkhadiri et al., 2009). Les couches faites de C-S-H autour des grains de ciment à 28 jours étaient épaisses de 25 μm pour les pâtes de ciment maintenues à 85°C, alors qu’elles n’étaient que de 5 μm pour les pâtes de ciment ayant subi une cure à 20°C. Cela dénote une plus grande hétérogénéité du matériau et des discontinuités entre les grains et la pâte en raison de l’hydratation accélérée par la cure à des températures élevées. L’épaisseur plus importante des couches de C-S-H montre que les hydrates se sont formés rapidement après dissolution, ce qui ne leur a pas laissé le temps de se diffuser dans la pâte de ciment. En plus des macropores trouvés en plus grandes quantités pour la pâte de ciment maintenue à 85°C, le ratio Ca/Si dans les C-S-H était également plus élevé. Ce ratio

étant représentatif de l’état de dissolution et de précipitation des phases minérales au sein de la pâte de ciment (Elkhadiri et al., 2009), ces résultats tendent donc également à démontrer l’accélération de l’hydratation causée par des températures de cure plus élevées.

Figure 2.19: Micrographies d’une pâte de ciment CEM I 42.5R mûrie à différentes températures (Elkhadiri et al., 2009)

Ces résultats sont corroborés par Gallucci et al. (2006) qui présentent des résultats similaires pour un béton réalisé avec un ciment CEM I 42.5 mûri à des températures variant de 5 à 60°C. Ils observent également une matrice plus sombre pour de basses températures de cure et une hétérogénéité des phases du matériau croissante avec les températures de cure plus élevées. Ils ont

également déterminé qu’au jeune âge, la matrice était plus poreuse pour des cures à basses températures, mais que l’effet s’inversait à plus long terme. De plus, ils ont observé une présence de pores plus gros à long terme pour des températures de cure plus élevées. Par ailleurs, des mesures de la quantité d’ettringite formée au cours de l’hydratation par XRD-Riedvelt (Scrivener, Füllmann, Gallucci, Walenta, & Bermejo, 2004) ont montré que l’ettringite se développait et était dégradée plus rapidement lorsque le béton était conditionné à des températures de cure élevées que lorsque les températures de cure sont plus faibles, où l’ettringite se maintient alors de façon plus durable. Enfin, pour un degré d’hydratation identique, les résistances en compression dépendent de l’agencement microstructural du béton, la microstructure dépendant elle-même de la température de cure.

Les couches protectrices formées de produits hydratés autour des grains de ciment mentionnées plus tôt ont également été observées par Kjellsen et son équipe (Kjellsen & Detwiler, 1992; Kjellsen, Detwiler, & Gjørv, 1990; Kjellsen et al., 1991). Leur étude concernait des bétons conservés à des températures de cure variant de 5 à 50°C. Ces couches de C-S-H n’apparaissant pas du tout pour les bétons mûris à 5°C, la formation de ces couches pourrait être causée par l’accélération des réactions d’hydratation lorsque la température de cure est plus élevée, les hydrates se formant plus rapidement après la dissolution des ions en solution. Ils ont également dénoté une relation entre la taille, la répartition des pores et la température de cure : plus la température de cure est élevée, plus la dimension et la quantité de pores augmentent.

L’absence de formation d’ettringite primaire, ou sa déstabilisation, pour des températures supérieures à 70°C (Taylor, Famy, & Scrivener, 2001) n’est pas préjudiciable au matériau, même si elle participe à la résistance lorsque formée au jeune âge. Néanmoins, la mise en solution d’ions sulfates permet la formation d’ettringite différée une fois que la température du béton devient inférieure à 70°C (Collepardi, M., 2003). La formation d’ettringite différée dans une matrice relativement dense peut causer des contraintes et des gonflements locaux dans le béton pouvant mener à une fissuration prématurée (Taylor et al., 2001).

Les études présentées précédemment étaient relatives à des bétons ordinaires. Les bétons qui nous concernent sont des BFUP. En considérant les ajouts cimentaires, il est probable que l’effet de différentes cures thermiques n’affecte pas leur microstructure de la même manière que pour les bétons ordinaires.

Cheyrezy, Maret et Frouin (1995) ont effectué des analyses par diffractométrie aux rayons X (XRD) sur un BUHP ayant un rapport E/L de 0.12 (0.15 pour les bétons fibrés ou contenant du quartz broyé) exposé à des températures de cures de 20, 90, 200, 250 et 400°C. Certains BUHP étaient soumis à une contrainte de compression pendant la cure, soit à 31.4 MPa pour les matériaux mûris à 20°C, soit à 63.3 MPa pour les autres. Ils ont ainsi déterminé que plus la température de cure augmente, plus le pourcentage d’eau totale liée devient important (100 % pour une cure à 400°C) et plus le taux de réaction pouzzolanique augmente. De plus, à partir de 250°C, de la xonotlite se forme également. La porosité des bétons étudiés et le diamètre des pores sont réduits lorsque la température de cure augmente, pour atteindre un optimum à 150°C où aucun pore de dimension moyenne supérieure à 3.75 nm n’est détecté. Au-delà de cette température (150°C), la porosité recommence à augmenter indépendamment de la contrainte de compression imposée au BUHP pendant la cure.

En conclusion, des températures de cure élevées pour des bétons ordinaires ont de nombreux impacts sur leur microstructure. La précipitation accélérée des C-S-H, plus particulièrement autour des grains de ciment, permet de développer des résistances au jeune âge plus importantes. Néanmoins, cette accélération tend à augmenter l’hétérogénéité du béton et à diminuer la formation d’ettringite primaire jusqu’à une température de 70°C, au-delà de laquelle l’ettringite est déstabilisée. Cela peut augmenter la formation d’ettringite différée, causant ou pouvant participer à la porosité plus importante également observée à long terme pour des bétons ayant subi des températures de cure élevées. Cependant la très faible porosité des BFUP/BUHP et leur faible teneur initiale en eau permettent de grandement diminuer, voir faire disparaitre les risques de formation d’ettringite différée qui ne peut avoir lieu qu’en présence d’eau dans le réseau de pores. Ces effets défavorables à température de cure élevée n’ont ainsi pas été observés sur des BUHP. Pour un BUHP, une température de cure élevée entraine une accélération des réactions pouzzolaniques, ce qui favorise la formation de C-S-H de manière plus uniforme dans la matrice en consommant la portlandite. De plus, la porosité diminue jusqu’à l’atteinte d’une valeur optimale pour une température de cure de 150°C dans le cas des travaux présentés par Cheyrezy et al. (1995).