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CHAPITRE II PHYSIOLOGIE INTESTINALE

1. Effets d’une exposition périnatale au BPA sur la réponse immunitaire intestinale et

1.1 Effets sur l’intégrité de la barrière intestinale

La barrière intestinale représente l’une des principales surfaces d’échange entre le milieu extérieur et l’organisme de l’hôte. Cette fonction de barrière biologique joue un rôle primordial pour la croissance et la santé de l’individu, en permettant l’absorption des nutriments tout en faisant barrière aux intrants potentiellement pathogènes ; en cela, la barrière intestinale participe à l’éducation du système immunitaire associé à l’intestin. En effet, l’épithélium intestinal produit différentes protéines servant à la régulation de l’homéostasie du microbiote intestinal et à la protection et au maintien de l’intégrité de la barrière intestinale. Parmi elles, on compte des protéines antimicrobiennes comme le lysozyme et les IgA. Nos résultats ont montré que l’exposition périnatale au BPA induit un défaut de la production et l’activité du lysozyme par les cellules de Paneth, menant à une diminution générale de l’activité antimicrobienne contre une E.coli commensale. Seule une publication relate un tel effet sur le taux de lysozyme sanguin après une forte exposition au BPA chez la carpe (Qiu et al., 2016). Le BPA peut donc avoir plusieurs actions potentielles menant à une diminution de la production de lysozyme : défaut d’expression génique du lysozyme, défaut de synthèse protéique et/ou augmentation de l’activité du protéasome. Nos résultats ont montré que l’exposition périnatale au BPA diminue la fluorescence spécifique du lysozyme en immunohistochimie de la descendance femelle, démontrant une diminution de la production protéique du lysozyme. Il aurait donc été intéressant d’observer l’expression génique en Q-PCR du lysozyme chez ces individus, afin de savoir si la diminution protéique a pour origine une modulation post- transcriptionnelle ou plus précoce. Le BPA peut également agir sur la différenciation des cellules de Paneth produisant le lysozyme. En effet, il a été démontré que l’exposition périnatale au BPA diminue la prolifération des cellules souches intestinales nécessaires au renouvellement de l’épithélium de l’intestin (Braniste et al., 2010). Enfin, le lysozyme n’est pas le seul peptide anti-microbien produit par les cellules de Paneth et il serait également judicieux d’observer l’expression génique et protéique des défensines, de RegIIIγ et de la phospholipase A2 qui ciblent préférentiellement les bactéries gram-positives (défensines, RegIIIγ et phospholipase A2) et gram-négatives (défensines) (Abreu, 2010).

Au niveau des propriétés de protection de la barrière, nous avons également montré que le BPA après exposition périnatale diminue la sécrétion d’IgA dans la lumière intestinale. Cette

159 perte de sécrétion d’IgA peut être expliquée par la diminution de la fréquence des cellules productrices d’IgA dans la LP et dans le côlon. Malgré cela, la quantité d’IgA apparaît légèrement supérieure dans le côlon, laissant supposer un défaut de translocation des IgA vers la lumière intestinale par le pIgR. Cependant, nous avons montré dans des résultats non publiés que la quantité de pIgR fécale n’était pas altérée significativement par une exposition périnatale au BPA, preuve que la translocation des IgA de l’intestin vers la lumière intestinale n’est pas impliquée dans la diminution des IgA fécales observée (Figure 30).

Figure 30 : Dosage ELISA du pIgR dans les fèces des souris exposées au BPA à 50 µg/kg de poids corporel/jour (barre noire) ou au solvant (barre blanche).

Ce défaut de sécrétion d’IgA et de cellules productrices d’IgA peut être la cause ou la conséquence d’une dysbiose intestinale (De Palma et al., 2010). Or, Javurek et al. ont montré une dysbiose intestinale chez la souris femelle âgée de 30 jours exposée de manière périnatale au BPA, caractérisée notamment par une augmentation des Bacteroides, des Mollicutes, des Prevotellaceae, des Erysipelotichaceae, des Akkermansia, des Methanobrevibacte, des Sutterela et des Bifidobacteria, sans différences sur la charge bactérienne totale (Javurek et al., 2016). Bien que les auteurs n’aient pas mesuré le taux d’IgA dans leur publication, nous avons observé, dans des analyses microbiologiques préliminaires non publiées, qu’une exposition périnatale au BPA tend à diminuer la quantité de bactéries coliformes et les entérobactéries ne métabolisant pas le lactose (lac-) chez la descendance femelle dès le jour 21 post-natal, preuve

d’un début de dysbiose intestinale chez ces individus (Figure 31).

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Figure 31 : Dénombrements bactériens sur ChromID (coliformes) et sur McConckey (entérobactéries lactose-) des fèces au jour 21 post-natal de la descendance femelle exposée au BPA à 50 µg/kg de poids corporel/jour (barres noires) ou au solvant (barres blanches).

Nous avons également observé une augmentation du niveau d’IFN-γ dans le côlon de la descendance BPA. Une augmentation d’IFN-γ dans le côlon est connu pour avoir des effets néfastes sur l’intégrité de la barrière intestinale et notamment sur la perméabilité intestinale (Ferrier et al., 2003). Un tel effet, bien que moins prononcé, est retrouvé dans nos résultats où l’exposition périnatale au BPA augmente la perméabilité intestinale para- et transcellulaire. L’IFN-γ est produit majoritairement par les Th1, les cellules NK et les macrophages. Il serait donc intéressant de déterminer la fréquence de chacune de ces populations immunitaires par cytométrie en flux afin de comprendre l’origine de la surproduction basale d’IFN-γ dans le côlon. Ces résultats réunis montrent que l’exposition périnatale au BPA diminue l’intégrité générale de la barrière intestinale chez la souris, comprenant les défenses et la protection de l’épithélium intestinal ainsi que la relation hôte-microbiote de l’intestin. De tels impacts, peuvent mener à une augmentation de la sensibilité aux infections bactériennes. De plus, la perméabilité intestinale diminuée permet à ces bactéries pathogènes ainsi que leurs endotoxines (toxines situées dans la membrane externe des bactéries gram-négatives) de pénétrer plus facilement dans la muqueuse intestinale par translocation bactérienne et rejoindre la circulation systémique, menant à une infection généralisée et à l’endotoxémie (Vaishnavi, 2013). Pour confirmer cette hypothèse, il serait intéressant de mesurer l’endotoxémie des souris femelles exposées de manière périnatale au BPA par rapport aux souris contrôles.

161 L’ensemble de ces résultats permet de mieux comprendre les mécanismes de la susceptibilité augmentée aux infections parasitaires et virales décrits dans notre équipe et dans la littérature (Menard et al., 2014a; Roy et al., 2012). En effet, une diminution des IgA, nécessaires à l’intégrité de la barrière, couplée à une perte d’activité de peptides anti-microbiens liées à une exposition périnatale au BPA, peuvent favoriser la prolifération de souches pathogènes, virales et parasitaires dans l’intestin. De plus, une augmentation de la perméabilité intestinale observée chez la descendance femelle BPA peut favoriser le passage et donc l’invasion des pathogènes dans les tissus locaux et systémiques.