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CHAPITRE I GÉNÉRALITES SUR LES BISPHÉNOLS

1.2 Le Bisphénol A

1.2.5 Effets « santé » du BPA

Bien que le lien entre les effets toxiques du BPA et son activité de ligand aux récepteurs précédemment décrits est souvent au cœur du débat scientifique, l’exposition chronique aux faibles doses de BPA est susceptible de conséquences physiopathologiques selon le type d’exposition.

1.2.5.1 Effets d’une exposition directe

Les premiers effets santé imputés au BPA ont portés sur la fertilité et la mise en place de la puberté. En effet, des recherches ont été menées afin d’apporter une explication à la diminution générale de la fécondité chez l’Homme au fil des années. L’une des explications incrimine la contamination de l’Homme par les PE, dont le BPA. En effet, des taux élevés de BPA dans l’urine ont été corrélés avec une diminution du nombre de spermatozoïdes, de leur motilité et de leur viabilité (Li et al., 2011a; Skakkebaek et al., 2011). Ce résultat est également retrouvé dans une étude chez la souris femelle, où il a été démontré que le BPA à très faible

56 dose (25 ng/kg de poids corporel/j) pendant 30 jours diminue leurs capacités reproductrices (Cabaton et al., 2011). Le BPA est également impliqué dans la pathogénicité du syndrome de l’ovaire polykystique. Ce syndrome mène à un cycle menstruel dérèglé, des troubles de la fertilité et à l’obésité. Il a été montré une corrélation positive entre des patientes présentant ce syndrome et les concentrations sanguines de BPA (Takeuchi et al., 2004).

Le deuxième effet étudié porte sur la sévérité des cancers et plus particulièrement celui du cancer du sein. Le cancer du sein est un des cancers pouvant être hormono-sensible, c’est- à-dire avec augmentation de la sévérité en présence d’hormones sexuelles, comme l’estradiol (Samavat and Kurzer, 2015). Or le BPA mimant l’action de l’estradiol, des études in vitro et corrélatives ont été menées afin d’appréhender la possible implication du BPA dans la survenue de ce cancer. La première étude démontrant l’estrogénicité du BPA a montré une augmentation de la prolifération des cellules MCF-7 (lignée cancéreuse mammaire) positives aux récepteurs aux estrogènes, lors d’une exposition à 25 ou 50 nM de BPA (Krishnan et al., 1993). De plus, une étude chez des femmes ménopausées a également révélé une corrélation positive entre niveaux sanguins de BPA et densité mammographique du tissu mammaire (marqueur de risque cancéreux) (Sprague et al., 2013).

Un autre type de cancer impacté par le BPA est le cancer de la prostate. En effet, des études in vitro ont montré que le BPA à faible concentration (1nM) induit la prolifération de cellules cancéreuses prostatiques humaines androgène-sensibles (Wetherill et al., 2002). Cet effet a été confirmé par une étude in vivo chez le rat où le BPA à 50µg/kg de poids corporel/jour en exposition fœtale augmente le poids de la prostate (marqueur de risque cancéreux) et par une étude in vitro où le BPA à 1 nM augmente la prolifération des cellules de séminome testiculaire humain (Chevalier et al., 2012; Gupta, 2000). De plus, une étude conduite chez l’Homme a montré une corrélation positive entre concentration de BPA urinaire et présence de cancer de la prostate (Tarapore et al., 2014).

De plus, la présence de BPA compromet également l’efficacité des chimiothérapies, pouvant mener à la chimiorésistance de certains cancers (Idelman et al., 2011).

Le BPA a de nombreux impacts sur la réponse immunitaire. En effet, il a été démontré in vitro et ex vivo que le BPA à 100 µM et 3 µM respectivement, a la capacité d’induire l’expression de cytokines pro-allergiques (Guo et al., 2010; Tian et al., 2003). De plus, une exposition au BPA à 10µM perturbe l’homéostasie des cellules immunitaires ex vivo, en

57 impactant la différenciation des cellules dendritiques et menant vers l’augmentation du ratio de cellules immunitaires impliquées dans les maladies auto-immunes (Kharrazian, 2014).

D’autres impacts du BPA, très étudiés ces dernières années, portent sur le développement du système immunitaire intestinal et sur l’occurrence de l’obésité. Cependant, dans le cadre de cette thèse, ces effets seront détaillés dans le chapitre II et III des données bibliographiques.

1.2.5.2 Effets d’une exposition périnatale

La période périnatale, comprenant toute la durée de la gestation et de la lactation, est une fenêtre critique d’exposition pour les perturbateurs endocriniens et notamment le BPA. Les hormones sont des molécules primordiales pour le développement du fœtus et du nouveau-né. Une perturbation dans leurs régulations peut donc avoir des conséquences graves pour le développement de l’enfant avec des répercutions à l’âge adulte. Comme décrit précédemment, le BPA est présent dans le liquide amniotique et le lait maternel, exposant le fœtus et le nouveau-né au BPA. Le fœtus peut être exposé par la mère via passage du BPA conjugué par le placenta, où une déconjugaison transplacentaire est possible, puis par le cordon ombilical

(Figure 10) (Balakrishnan et al., 2010). De plus, le fœtus ne possède pas l’équipement enzymatique nécessaire à la glucuronidation du BPA pour le détoxifier, favorisant ainsi son exposition au BPA libre. Le BPA libre étant un estrogéno-mimétique, il est susceptible d’induire de multiples effets lorsqu’il est administré pendant la période périnatale.

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Figure 10 : Schéma simplifié du passage maternel du BPA vers le fœtus. Figure adaptée de Houdeau, 2011.

Premièrement, l’exposition périnatale au BPA a des impacts sur le développement sexuel. L’un des premiers effets mis en évidence est le développement d’une puberté précoce. En effet, des expériences d’exposition prénatale au BPA allant de 2 à 2,5 µg/kg de poids corporel/j ont montré une puberté plus précoce chez la souris femelle (Honma et al., 2002; Howdeshell et al., 1999). Chez le rat, le BPA à 50 et 1200 µg/kg de poids corporel/jour a également des effets sur les périodes des chaleurs rallongeant leurs durées, et sur la production de l’hormone lutéinisante (LH) et l’expression d’ERα, augmentées lors de l’exposition (Monje et al., 2010; Rubin et al., 2001). Des altérations développementales de la prostate, comprenant entre autre la taille ainsi que le développement de tumeurs, ont été observés chez le rat et la souris mâle exposés lors de la période périnatale au BPA à 50µg/kg de poids corporel/jour (Gupta, 2000; Prins et al., 2007; Timms et al., 2005). De plus, l’exposition périnatale au BPA (doses allant de 25 ng à 1mg/kg de poids corporel/jour) altère également le développement des glandes mammaires, de l’utérus et des ovaires chez la souris femelle. En effet, des études ont mis en évidence des hyperplasies intra-canalaires et des lésions pré-néoplasiques dans ces organes sexuels (Muñoz-de-Toro et al., 2005; Murray et al., 2007; Newbold et al., 2007; Vandenberg et al., 2008).

L’exposition périnatale au BPA a, de plus, des impacts sur le cerveau, le système nerveux et le comportement. Des altérations de l’axe gonadotrope (hypothalamus-hypophyse- gonade) et une augmentation de l’expression génique d’ERα et d’ERβ dans l’hypophyse et

59 l’hypothalamus ont été décrits chez le rat exposé en périnatal au BPA (doses allant de 25 à 20 000 µg/kg de poids corporel/j) (Khurana et al., 2000; Monje et al., 2007; Ramos et al., 2003). De même, l’exposition périnatale à de très faibles doses de BPA (25 et 250 ng/kg de poids corporel/jour) altère la différenciation sexuelle cérébrale chez la souris et change le comportement socio-sexuel chez le rat mâle et femelle, augmentant par exemple leur féminisation (Farabollini et al., 2002; Rubin et al., 2006). D’autres troubles du comportement ont été référencés dont notamment une augmentation de l’hyperactivité et de l’agressivité chez le rat et la souris exposés en périnatal à 0,2-20 µg par administration intra-cisternale et de 2 à 20 µg/kg de poids corporel/jour de BPA, respectivement (Ishido et al., 2004; Kawai et al., 2003).

L’exposition périnatale au BPA a de nombreux impacts sur le système immunitaire. En effet, l’exposition au BPA à 5 µg/mL par l’eau de boisson, de la naissance jusqu’à 9 semaines, augmente la production de marqueurs et des symptômes de l’allergie des voies respiratoires chez la souris (Petzold et al., 2014). Ces observations ont été confirmées dans une autre étude chez la souris lors d’une exposition au BPA à 10 µg/mL dans l’eau de boisson, d’une semaine avant la gestation jusqu’au jour 22 post-natal (Nakajima et al., 2012). De plus, l’exposition périnatale au BPA augmente la susceptibilité à certaines infections. En effet, une étude chez le rat a montré que l’exposition maternelle du jour 15 de gestation jusqu’au jour 25 post-natal à 5µg/kg de poids corporel/jour de BPA prédisposait la descendance aux infections par le parasite intestinal Nippostrongylus brasiliensis (Menard et al., 2014a). Une étude épidémiologique effectuée chez des femmes enceintes a également montré qu’une exposition prénatale au BPA corrélait avec un risque d’infections pulmonaires chez la descendance (Gascon et al., 2015). Cependant, une exposition périnatale au BPA module très peu la réponse immunitaire contre Influenzavirus A, un virus grippal, n’empêchant pas l’élimination du virus par l’hôte (Roy et al., 2012). Enfin, un lien est susceptible d’exister entre l’exposition au BPA en période périnatale et le risque de développement de maladies auto-immunes. Il a été démontré que le BPA à 10 µg/kg de poids corporel/jour (du coït jusqu’au jour 21 post-natal) accélérait les symptômes dans un modèle murin de sclérose en plaques (Brinkmeyer-Langford et al., 2014). L’exposition au BPA à 3mg/kg pendant la période gestationnelle augmente également le développement expérimental d’encéphalomyélite chez la descendance souris mâle (Rogers et al., 2017). Le BPA en périnatal (du coït jusqu’au jour 21 post-natal) à 10 mg/L dans l’eau de boisson augmente également la sévérité de l’insulite (réponse auto-immune contre les cellules

60 productrices d’insuline) dans les ilots pancréatiques et la prévalence du diabète de type 1 dans la descendance de souris diabétiques non obèses (NOD) (Bodin et al., 2014).

L’exposition périnatale au BPA a également des impacts sur la perméabilité de l’intestin, le développement du système immunitaire intestinal, le microbiote intestinal, l’homéostasie du glucose et le développement de troubles métaboliques et de l’obésité (Angle et al., 2013; Braniste et al., 2010; Javurek et al., 2016; Menard et al., 2014b, 2014a). L’ensemble de ces perturbations sera décrit de façon détaillée dans le chapitre II des données bibliographiques.