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3. T HERAPIE CELLULAIRE CARDIAQUE

3.5. Mécanismes de régénération médiés par les CSA : exemple du cœur

3.5.1. Effets paracrines et régénération cardiaque

Devant les résultats discordants des études in vivo montrant une amélioration structurelle et de fonction du cœur mais une prise de greffe très faible des cellules injectées, plusieurs hypothèses ont été mises en avant et regroupées sous le terme d’effets paracrines. Il s’agit de mécanismes régis par l’action de différentes cytokines et de facteurs de croissance sécrétés par les cellules souches qui vont avoir un rôle dans les processus de protection cellulaire contre l’apoptose, d’angiogenèse, de remodelage et de régénération.

Des types variés de cellules souches, ayant démontré un effet thérapeutique, ont montré un potentiel de sécrétion de molécules à effets paracrines. On peut citer les cellules souches de la MO (CSM et CSH), les cellules souches circulantes (cellules souches/progénitrices endothéliales) et les cellules souches cardiaques (Burchfield et Dimmeler 2008). La mise en évidence de ces molécules solubles a été faite par Kinnaird et

al., qui dans une série d’études ont analysé par ELISA le milieu de culture de CSM murines

et ont détecté la présence de quantités importantes de facteurs angiogéniques tels que le VEGF, le bFGF (basic fibroblast growth factor), le PGF (placental growth factor) et le MCP-1 (monocyte chemoattractant protein-1) (Kinnaird et al. 2004). Ce milieu conditionné a permis une augmentation de la prolifération des cellules endothéliales et musculaires lisses in vitro de manière dose dépendante.

Protection myocardique, survie cellulaire et néovascularisation

In vivo, l’injection des CSM dans un modèle d’ischémie des membres inférieurs chez

la souris a montré un effet angiogénique corrélé à la sécrétion de facteurs solubles par les CSA. Depuis cette étude, la littérature sur les facteurs paracrines s’est sensiblement étoffée et de nouvelles molécules ont été identifiées. Plus particulièrement concernant le cœur, le milieu conditionné de cellules souches de la MO, récolté en condition d’hypoxie, a été rapporté comme contenant la protéine impliqué dans la voie de signalisation de la survie cellulaire Akt, le facteur proangiogénique VEGF et l'agent chimio-attractant SDF-1 (Uemura et al. 2006). L’injection dans des cœurs infarcis de ces cellules souches de la MO préconditionnées en milieu hypoxique s’est traduite par une augmentation de la fraction d’éjection et une diminution de la zone infarcie malgré une très faible quantité de cellules retrouvées dans la zone péri-infarcie. Le caractère cytoprotecteur (anti-apoptotique) d’Akt a été mis en évidence par sa surexpression dans des CSM cultivées en hypoxie (Gnecchi et

al. 2006). Le milieu conditionné contenant Akt a inhibé l’apoptose de cardiomyocytes

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modifiées pour surexprimer Akt a réduit la taille d’infarctus de manière significative dans un modèle d’ischémie cardiaque chez le rongeur.

Remodelage de la matrice extracellulaire cardiaque

En plus des effets angiogéniques et anti-apoptotiques, les facteurs paracrines ont une action sur le remodelage myocardique post-infarctus. La transplantation de CSM a permis une réduction de l’expression des metalloprotéases de la matrice -1 et -9 (MMP-1 et 9) ce qui se traduit par une diminution de la fibrose (Nagaya et al. 2005), et une réduction de l’expression de cytokines pro-inflammatoires impliquées dans le remodelage du ventricule gauche comme le TNF-α (tumor necrosis factor- α), l’IL-1α (interleukine-1α) et l’IL-6 (interleukine-6) (Guo et al. 2007).

Mobilisation de cellules souches ou de progéniteurs endogènes

Après lésion d’un organe, des cellules souches/progénitrices endogènes sont capables de se mobiliser et de remonter un gradient de concentration chimioattractant pour rejoindre le site lésionnel. C’est notamment le cas des cellules progénitrices endothéliales qui, à partir de la MO et du sang périphérique vont remonter la circulation sanguine en suivant un gradient de SDF-1 pour atteindre le tissu cardiaque ischémié. Une fois sur place, ces cellules vont à leur tour sécréter des facteurs paracrines qui vont atténuer l’apoptose et stimuler l’angiogenèse des cellules endothéliales présentes dans le cœur (Urbich et al. 2005; Yang et al. 2010). Les autres cellules souches endogènes capables d’adopter un profil paracrin sont les cellules souches cardiaques. Les données confortant cette hypothèse ont été recueillies in vitro sur des milieux conditionnés provenant de cardiosphères et de cellules dérivées de cardiosphères qui ont permis une meilleure survie de cardiomyocytes isolés maintenus en hypoxie d’une part, et d’autre part ont favorisé la formation d’un réseau tubulaire à partir des progéniteurs endothéliaux dérivés des HUVEC (human umbilical vein endothelial cells) (Chimenti et al. 2010). Ces effets attribués au VEGF et à l’HGF (hepatocyte growth factor) ont également été étudiés in vivo après injection des cellules isolées dans un modèle murin d’infarctus du myocarde. Outre ces deux facteurs de croissance, l’IGF-1 (insulin growth factor-1) et Akt, qui sont des facteurs de survie, ont été détectés et une baisse d’expression de la caspase 3, impliquée dans l’apoptose a été induite. En plus de la stimulation de l’angiogenèse et de l’amélioration de la survie des cellules du tissu cardiaque, il a été également rapporté que les cellules injectées activent les cellules souches cardiaques résidentes comme démontré par l’augmentation du nombre de cellules cKit+ et Nkx2.5+ dans la zone bordante de

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l’infarctus. Néanmoins les molécules solubles responsables de cette activation n’ont pas été formellement identifiées.

Les effets paracrines actuellement connus agissant dans la régénération cardiaque sont résumés dans la Figure 10.

L’étude des effets paracrines n’en est qu’au commencement et d’innombrables molécules identifiées par microarray différentielle (Urbich et al. 2005) et potentiellement utilisables devront être étudiées afin de pouvoir exploiter au mieux les possibilités offertes par cette nouvelle voie dans la thérapie cellulaire cardiaque.

Figure 10. Effets des facteurs paracrines dans la régénération myocardique. En réponse à des

stimuli environnementaux, les cellules souches relarguent des facteurs solubles qui vont affecter le microenvironnement cardiaque. Ces molécules biologiquement actives exercent de multiples effets sur les cellules résidentes. Ces effets aboutissent à la protection, la réparation et la régénération du tissu grâce à des actions sur la survie cardiomyocytaire, sur la néovascularisation et le remodelage de la zone infarcie et sur la prolifération des cellules souches cardiaques. Les cellules souches injectées sont aussi capables d'avoir un effet autocrin qui va jouer sur leur autorenouvellement et leur expansion. D'après (Mirotsou et al. 2011).

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