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Ostéoporose cortisonique

II- DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES :

3.2. Effets des glucocorticoïdes sur les cellules osseuses

Les glucocorticoïdes agissent par le biais d’un récepteur nucléaire qui possède 2 isoformes a et b. Chez l’humain, le récepteur alpha qui est le récepteur actif car il s’attache à son ligand, est présent dans tous les ostéoblastes, quel que soit le mode d’ossification et dans les chondrocytes de la plaque de croissance. Il n’a pas été observé dans les ostéoclastes. Chez l’adulte il est majoritairement observé dans les ostéocytes [26].

3.2.1. Effets sur les ostéoclastes

Les résultats des études in vitro montrent que les corticoïdes stimulent [27-28] ou inhibent la résorption ostéoclastique [29-30] selon la méthodologie

(co-cultures, ostéoclastes isolés, cultures d’organe), la dose et le type de

corticoïdes employés. Néanmoins, les données les plus récentes montrent que

les glucocorticoïdes entraînent la sécrétion par le micro-environnement osseux, de molécules qui stimulent l’ostéoclastogenèse. En effet, Hofbauer et al. rapportent que la dexaméthasone diminue la synthèse d’Ostéoprotégérine (OPG) et augmente celle de RANKL [31] conduisant ainsi à une élévation du rapport pro-résorbant RANKL/OPG [32], exprimé par les cellules stromales de moelle.

Les données histomorphométriques portant sur des sujets présentant un hypercorticisme exogène sont peu nombreuses. Une étude chez le chien ne montrait aucun effet sur la résorption lors de l’administration au long cours de prednisone [33].

Chez l’humain, Aaron et al. [34] ont rapporté une augmentation des surfaces érodées avec une fraction peu élevée d’ostéoclastes actifs, ce qui pourrait correspondre à une augmentation de la durée de la phase de réversion, sans augmentation réelle de la résorption. Des données similaires ont été retrouvées chez des brebis qui avaient reçu 16 mg/j de méthylprednisolone pendant 3 mois [10]. Au cours d’une étude prospective conduite chez 23 patients [35], Lo Cascio et al n’observaient aucune variation des paramètres de résorption. En revanche, pour Dalle Carbonare et al. le nombre d’ostéoclastes était plus élevé chez des patientes ostéoporotiques traitées par corticoïdes (au moins 7,5 mg/j depuis au moins 6 mois) que chez des patientes ostéoporotiques ménopausées de même âge [36].

Les dosages des marqueurs biologiques de la résorption apportent également des résultats variables. Ledro Cano et al. trouvaient une faible

corrélation négative (r = 0,4) entre la dose de stéroïdes et les taux de

désoxypyridinoline (D-pyr) urinaire chez 54 patients cortisonés présentant une maladie de Crohn [37]. Chez Hall et al. [38], les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde sous cortisone, avaient les taux des paramètres de résorption, CTX et de D-pyr urinaires, les plus élevés comparés aux malades non corticothérapés, eux-mêmes présentant des taux supérieurs à ceux des contrôles. On ne peut cependant conclure sur le rôle respectif des corticoïdes et de la PR dans cette résorption accrue dans la mesure où les PR sous corticoïdes étaient probablement plus sévères. Ainsi, pour Dolan et al. les taux de D-pyr n’augmentaient pas chez des sujets mis sous corticoïdes per os ou en parentéral pour une pseudopolyarthrire rhizomélique [39]. Chez des hommes traités par 50 mg/j de prednisolone pendant 3 mois pour infertilité, Pearce et

(CTX) urinaire [23]. Il en était de même chez des sujets sains traités par des doses plus faibles (10 mg/j) qu’ils fussent ou non supplémentés en calcium et en vitamine D [40]. De plus d’autres auteurs ont montré, chez des patients atteints de PR ayant des paramètres de résorption augmentés avant traitement, que les corticoïdes entraînaient une diminution ou une stabilisation de ces paramètres biochimiques de résorption [41,42].

Au total, il est difficile de conclure à une augmentation réelle de la résorption ostéoclastique sous corticoïdes. L’ensemble des données biologiques et histologiques, y compris celles sur la micro-architecture osseuse qui montrent clairement une augmentation de la perforation des travées [36,43] suggèrent que c’est plutôt un découplage entre une activité de formation fortement diminuée et le maintien d’une résorption normale qui est à l’origine de l’ostéoporose cortisonique [36,43].

3.2.2. Effets sur les ostéoblastes

In vitro, les glucocorticoïdes, à dose physiologique, stimulent puissamment la différenciation ostéoblastique en agissant sur le recrutement et la maturation des précurseurs ostéoblastiques présents au sein de cellules stromales de moelle [44]. Cette action pourrait dépendre des effets des glucocorticoïdes sur cbfa1, avec une augmentation de la synthèse protéique de ce facteur de transcription précoce indispensable à la différenciation ostéoblastique et de l’activation de sa fixation à l’ADN. L’expression génique de cbfa1 en revanche, n’est pas modifiée [45] ou peut être même diminuée [46]. Par ailleurs, les effets stimulants sur la prolifération de ces cellules stromales sont dépendants de leur stade de maturité [47,48]. Les effets des glucocorticoïdes sur les cellules mésenchymateuses de la moelle sont d’autant

plus complexes qu’ils stimulent également leur différenciation en adipocytes

[49] en faisant interagir le récepteur nucléaire des glucocorticoïdes et PPARc2,

un facteur de transcription nécessaire à la différenciation adipocytaire [50]. À des concentrations pharmacologiques, les glucocorticoïdes n’affectent pas le nombre de colonies formées à partir de ces cellules stromales souches mais ils en diminuent la taille [44]. Chez l’ostéoblaste mature, ils réduisent la synthèse

du collagène de type I [51], ainsi que l’expression de l’IGF-1, facteur de

croissance autocrine pour les ostéoblastes et de ses protéines porteuses 3, 4 et 5 [52]. Les corticoïdes diminuent l’adhérence des ostéoblastes à la matrice extracellulaire [53] et favorisent sa dégradation en stimulant l’expression ostéoblastique de la collagénase interstitielle et son activité, ainsi qu’en réduisant l’expression de certains de ses inhibiteurs (TIMP-1) [54]. Par ailleurs, les dérivés cortisoniques amplifient la réponse ostéoblastique à la PTH du fait, entre autres, d’une augmentation du nombre de ses récepteurs, augmentation qui est prévenue par l’administration de 1-25 (OH) 2 vitamine D3 [55]. Enfin il a été récemment démontré que les corticoïdes accroissent les taux d’endothéline-1 circulante, un puissant vasoconstricteur et augmente l’expression de son récepteur ETRA par les ostéoblastes. Cet effet pourrait être impliqué dans la physiopathologie de l’ostéoporose mais également de la nécrose de la tête fémorale [56].

Contrairement aux données sur la résorption, les résultats des analyses histomorphométriques [36,33-37] et des dosages des marqueurs biologiques de la formation osseuse [23, 40, 41, 57] sont tous concordants : les glucocorticoïdes à dose pharmacologique dépriment profondément la formation osseuse. Ils interviennent à plusieurs niveaux, entraînant d’une part,

diminution des surfaces minéralisantes ; d’autre part, une durée de vie plus courte pour les ostéoblastes, suggérée par la diminution de l’épaisseur des murs ostéoniques (Mean Wall Thickness) associée à une diminution de la période de formation [58]. Ceci a été confirmé récemment par Weinstein et al. chez des souris traitées par prednisone ainsi que chez des patients cortisonés, avec une augmentation de 30 % de l’apoptose ostéoblastique et ostéocytaire [48]. Cette apoptose ostéocytaire, qui déconnecte le réseau formé par ces cellules normalement reliées entre elles de façon étroite, pourrait jouer un rôle dans la diminution de la qualité osseuse conduisant à une altération de la résistance mécanique de l’os [59], bien décrite dans l’ostéoporose cortico-induite [60,61].

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