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Partie 1. Sésame, ouvre-toi

4. Effets de prédispositions territoriales

« Cela ne les mettra pas en péril parce que le territoire… sauf si le territoire se dérobait. Imaginons que la ligue de natation ou de football se détourne de La Roche-sur-Yon pour s’installer sur un autre territoire et pour des raisons louables – plus structurantes et porteuses pour eux – bien entendu que notre section se déplacerait dans un autre établissement. » (Alain Mongis, entretien du 6 avril 2020)

Soucieux de proposer une approche globale du phénomène d’intronisation du monde du sport à l’école par le biais des sections sportives scolaires, le contexte s’avère déterminant, à mesure que des conditions propices s’y développent. Ne se limitant pas aux injonctions institutionnelles, qui incitent à ce que « l'implantation

41 territoriale des sections sportives scolaires soit lisible et cohérente » (MENJ, 2020, p. 2) et à ce que « l’équilibre territorial » (Académie de Nantes 2019, p. 2) soit respecté, une SSS porte la marque de l’espace physique et symbolique (Bourdieu, cité dans Sélimanovski, 2009, p. 121) dans lequel elle s’insère.

L’implantation géographique est, d’une part, un facteur de visibilité en relation avec la proximité des infrastructures sportives (Entretien de Alain Mongis, 2020). Les établissements tirent de leur territoire des profits d’espace (Bourdieu, cité dans Sélimanovski, 2009, p. 121) formalisés par l’ouverture d’une section sportive scolaire. Concrètement, l’espace dans lequel s’inscrivent les établissements offre aux clubs sportifs des lieux structurants et porteurs. Ainsi, le lycée Pierre Mendes-France est situé dans le quartier de la commune le plus fourni en installations sportives (Voir Carte 1 et Carte 2 en page 15). En plus d’un gymnase, une salle spécialisée de danse est adossée aux bâtiments scolaires. Un complexe piscine/patinoire et un dojo sont à disposition de l’autre côté de la route. Le stade Henri Desgranges se situe à un kilomètre. Et le stade de Saint-André-d’Ornay est à neuf minutes à pieds. Bien que le lycée du Roc ne soit pas, quant à lui, dans le périmètre proche d’installations sportives municipales, il bénéficie d’autres formes de profits d’espace. En disposant directement en son sein d’un gymnase omnisports, d’une salle de musculation, d’une piste d’athlétisme et d’un terrain synthétique de football, le lycée « n’a pas recours aux installations sportives municipales, du tout (…) [tout est] fait sur place » (Entretien de Philippe Sulpice, 2020a).

La politique menée par les établissements est, d’autre part, un indicateur des dispositions dont ils sont porteurs, à savoir des caractéristiques sportives – objectives ou recherchées – marquées. En d’autres termes, les lycées PMF et ND du Roc sont identifiables comme des lieux mettant en exergue la pratique sportive dans le cursus scolaire des élèves. Ces caractéristiques propres sont effectivement ajustées aux dispositifs des sections sportives scolaires.

Le lycée Mendes-France est depuis longtemps un établissement riche en spécificités comme nous l’avons évoqué en introduction. Alain Mongis insiste sur le fait que les sections sportives scolaires, comme les options et les spécialités artistiques « ont fait du lycée un lycée qui avait des singularités, des particularités et qui attirait des talents extérieurs ». D’abord en partie orienté vers les spécialités artistiques, il

42 « rassemble quatre des cinq spécialités artistiques : la musique, la danse, le théâtre et les arts plastiques. » (Entretien de Alain Mongis, 2020). Puis, il s’est imposé comme support d’« un pôle sportif, [d’]un pôle artistique » (Entretien de Michel Mora, 2019). La politique sportive du lycée au cours du temps a favorisé l’instauration de plusieurs structures dont deux restent ouvertes aujourd’hui en comptant la SSS football. Ces dernières ont successivement cohabité avec des dispositifs ayant comme activité sportive d’appui la gymnastique, le rugby, le judo ou le rink-hockey. Aujourd’hui, la politique académique en vigueur s’étant rigidifiée, l’expansion de la politique sportive d’établissement se trouve endiguée. Néanmoins, PMF reste l’unique lycée public de La Roche-sur-Yon possédant des sections sportives scolaires, ce qui renforce sa particularité.

De son côté, le lycée Notre Dame du Roc possède un savoir-faire dans le sport de haut niveau. Il est en effet, depuis 1992, l’établissement d’accueil du centre régional d'entraînement et de formation (CREF) cyclisme des Pays-de-la-Loire adossé à l’équipe cycliste professionnelle Total Direct Energie14. Le pôle cyclisme a donc fait

bénéficier au lycée d’un « savoir-faire » dans l’accompagnement des sportifs de haut niveau selon Philippe Sulpice. Le crédit symbolique et les conditions objectives offertes sont ainsi des leviers mobilisables par l’établissement pour afficher leur spécificité et disposer par conséquent d’un pouvoir d’attraction important.

Enfin, la ville de La Roche-sur-Yon possède en son sein peu d’équipes sportives de haut niveau. Aujourd’hui, le basket féminin est le sport collectif faisant office de vitrine à la commune. Dans une autre mesure, l’équipe féminine de l’ESOF a longtemps joué au plus au niveau national. L’équipe première de la section féminine du RVBC joue en ligue féminine de basket15. La municipalité a pourtant été le berceau

d’une équipe de division 216 de football dans les années 80-90.

À cette époque, l'Amicale des Écoles Publiques (AEP) du Bourg-sous-la-Roche et le Football club yonnais (FCY) étaient rivaux et s’affrontaient au sein du championnat de division 3 (Ouest-France, 28 septembre 2010). Chacun leur tour, ils

14 Une présentation plus précise de l’histoire du sport au lycée Notre Dame du Roc est disponible au chapitre « Le Roc sportif » (Lycée Notre Dame du Roc, 2016b), duquel ces informations sont tirés. 15 La ligue féminine de basketball (LFB), créée en 1998, est le championnat élite français de basketball féminin. Les équipes qui y participent ont le statut professionnel.

16 Le championnat de Division 2 (D2) était le nom donné à l’actuelle championnat de France de football de Ligue 2 de 1972 à 2002. Il devient exclusivement professionnel en 1993.

43 ont accédé à l’échelon supérieur jusqu’à ce qu’ils fusionnent en 1989-1990 sous l’appellation « La Roche Vendée Football ». Le club aura passé trente ans au niveau national. Désormais en National 3, « l’objectif est de pouvoir essayer de construire une équipe fanion compétitive » selon son président Fabrice Boutin (Ouest-France, 28 février 2019). Pourtant, « la partie technique au niveau des jeunes fonctionne plutôt très bien ». Par exemple, les U17 participent au championnat National en compagnie notamment d’équipes professionnelles telles que le Football Club de Nantes, les Girondins de Bordeaux et le Toulouse Football Club17. Du fait de son histoire et malgré

son déclassement, le club de La Roche VF conserve une réputation qui lui permet de rester un acteur local de choix. Cette notoriété symbolique et les ambitions de renouveau qui le caractérise le dote d’un pouvoir d’attractivité.

L’inscription des sections sportives, au sein du territoire ici présenté, s’explique à la lumière des trois faits énoncés précédemment. Premièrement, les établissements témoins disposent d’un réseau d’infrastructures où le temps sportif peut se dérouler dans des conditions matérielles et temporelles confortables. Deuxièmement, les lycées en question portent en eux une spécificité sportive qui leur est propre. Troisièmement, la ville et le club le plus muni symboliquement sont dans une démarche de développement sportif afin d’augmenter leur visibilité. Toutes ces conditions font qu’un effet de lieu se met en place (Sélimanovski, 2009), au sein duquel les sections sportives agissent. Autrement dit, le lycée Mendes-France et le Roc ont une politique sportive qui s’articule avec le passif de haut niveau et les ambitions du club de La Roche VF, dans un contexte communal sportif pauvre en sport de haut niveau ayant de la visibilité.