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Effets des composés tétra et multivalents sur l’agrégation de Bmt1 et

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Pour essayer de mieux comprendre comment ces iminosucres polyvalents sont capables d’orienter les CaBmt vers une accumulation de P1, qui correspond à l’étape d’initiation de la β-mannosylation, nous avons entrepris l’analyse par DLS (Dynamic Light Scattering) de l’interaction entre ces enzymes et chacun des composés (Figure 37). Les enzymes seules, comme décrit précédemment, se présentent sous forme monomérique avec des particules d’environ 8-9 nm de diamètre. Les composés 1 et 2, étant donné leur nature monovalente, n’induisent aucune agrégation. En revanche, les composés multivalents 4, 5 et 6 disposent d’un pouvoir agrégatif conséquent. Prenons l’exemple du composé 6. Sa présence dans le milieu en concentrations croissantes conduit à la formation d’agrégats de haute masse moléculaire, à la fois pour Bmt1 et Bmt3. A 140 µM, ces enzymes sont toujours retrouvées sous leur forme monomérique, mais à 180 µM se forment des agrégats d’environ 800 nm de diamètre, pouvant potentiellement contenir une centaine de particules monomériques. Ces effets d’agrégation avaient été précédemment rapportés pour l’α-mannosidase de Canavalia

ensiformis (Jack bean) en présence des dérivés tétravalents du DNJ (Brissonnet et

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Figure 37 : Analyse de l'agrégation de Bmt1 et Bmt3 en présence des composés monovalents 1 et 2, tétravalent 4 et polyvalent 6 par DLS en mode volume. Bmt1 et Bmt3, en absence d'iminosucre mais également en présence de 1 et 2, sont présents sous forme monomérique (environ 8 nm de diamètre), mais présentent différents profils d’agrégation en fonction de la nature et de la concentration en iminosucres multivalents. Les enzymes ont été incubées en présence d’iminosucres à 140 µM (gris) et 180 µM (noir).

Le composé 4 présente quant à lui des effets agrégatifs moindres, puisque même à 180 µM, Bmt1 reste majoritairement sous forme monomérique et Bmt3 présente des agrégats de taille restreinte (200 à 250 nm de diamètre). Ces mêmes agrégats de 200-250 nm de diamètre peuvent néanmoins être observés pour Bmt1 en mode intensité. Dans ce mode, l’intensité du signal observé est dépendante de la taille de la particule : plus celle-ci est grosse, plus l’intensité sera élevée, même si elle ne représente qu’une faible proportion de l’échantillon. Le composé 5 présente quant à lui des résultats similaires à ceux observés pour le composé 6, ce qui tend à montrer que l’influence de la configuration épimérique glucose/mannose n’aurait que peu d’effet sur le pouvoir agrégatif de ces composés. Afin de s’assurer de l’importance de la partie « iminosucre » de ces composés dans l’agrégation observée, nous avons également mis les enzymes Bmt1 et Bmt3 en présence d’un dextrane dépourvu d’unités iminosucres, sans constater la moindre agrégation, quelle que soit la concentration employée.

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Enfin, il est intéressant de faire le parallèle entre les concentrations employées pour obtenir une modulation de l’activité de Bmt1 par le composé 6 (20 mM) et celles employées pour observer l’agrégation (180 µM). Ceci suggère que la formation de cluster de Bmt1 n’apparaît pas essentielle à la modulation de son activité. De plus, ce même composé 6 entraîne une agrégation de Bmt3, mais est incapable de modifier son activité. Les propriétés modulatrices de ces iminosucres semblent donc plus dépendre de leur ressemblance avec les substrats natifs hautement mannosylés que de leur capacité à induire la formation d’agrégats.

Pour conclure, ces iminosucres mono-, tétra- et polyvalents, et particulièrement le composé 6 polyvalent DMJ (à configuration mannose), se révèlent être des agents modulateurs à la fois de la vitesse de catalyse mais également de la spécificité de substrat de Bmt1. A ce titre, ils peuvent être extrêmement intéressants dans la perspective d’une biosynthèse contrôlée et maîtrisée de β-1,2-mannosides dont les propriétés immuno-modulatrices font l’objet de nombreuses études.

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Partie II :

Caractérisation

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Les enzymes responsables de la β-mannosylation de la fraction acido-stable du PPM, CaBmt1 et CaBmt3, ont donc été toutes deux étudiées in vitro. Nous en savons donc plus sur leurs spécificités de substrats respectives, ainsi que sur leurs paramètres cinétiques optimaux. Néanmoins, afin d’avancer dans la compréhension du mécanisme catalytique de ces CaBmt, voire de la famille CAZy GT91 à laquelle elles appartiennent, il apparaît crucial d’étudier leurs caractéristiques structurales.

1 Pourquoi CaBmt3 ?

L’étude de cette famille GT91 avait débuté par la caractérisation de CaBmt1. Dès lors, les premières approches pour tenter de comprendre le mécanisme catalytique de ces enzymes avaient été réalisées sur la forme recombinante Bmt1. Le but était d’obtenir des cristaux protéiques de Bmt1 afin de les soumettre à la diffraction aux rayons X, ou cristallographie. Cette technique, somme toute classique pour qui souhaite obtenir des informations précises sur l’organisation tridimensionnelle à l’échelle atomique du site actif d’une enzyme afin d’en élucider le mécanisme catalytique, nécessite que la protéine d’intérêt satisfasse à plusieurs paramètres pour l’étape initiale de cristallogenèse. Cette protéine, initialement en solution, doit être stable, homogène, monodisperse et en concentration de l’ordre du mg/mL.

Nous avons vu que Bmt1 présentait une solubilité moindre par rapport à Bmt3, qui se traduisait par l’ajout impératif de détergent (Triton X-100 à 0.5%) pour assurer sa solubilisation sous forme monomérique. Ce défaut de solubilité s’avère préjudiciable pour la cristallogenèse de Bmt1, puisque le caractère monodisperse et homogène n’est pas garanti. Ceci peut s’expliquer par la présence d’une région hydrophobe au niveau du domaine catalytique C-terminal de CaBmt1. Il est à noter que CaBmt2, responsable de l’initiation du motif β-Man sur la fraction acido-labile du PPM, possède également une région hydrophobe au niveau de son domaine catalytique. Cette zone hydrophobe présente des similitudes avec le motif PDZ (Figure 38), qui est une séquence bien décrite dans la littérature et dédiée au recrutement de partenaires protéiques (Chi et al. 2012). Une des caractéristiques des motifs PDZ est la présence d’une séquence consensus GLGF. Elle est retrouvée chez NHERF (Na(+)/H(+) exchange regulatory cofactor) sous la forme GYGF, et chez

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CaBmt1 et CaBmt2 sous la forme GLGI. Le PDZ est alors capable de reconnaître une séquence consensus se trouvant à l’extrémité C-terminale de la protéine partenaire. Ce motif C-terminal reconnu par les PDZ comporte toujours, en dernière position de la séquence (ou position 0) un acide aminé hydrophobe. Il s’agit en l’occurrence d’une phénylalanine pour CaBmt1. Un autre acide aminé, en position +2 (soit en avant avant- dernière position dans la séquence), joue un rôle dans la spécificité de reconnaissance (un acide glutamique pour CaBmt1). On peut donc imaginer que le motif PDZ d’une molécule de CaBmt1 soit capable de reconnaître l’extrémité C-terminale d’une autre molécule de CaBmt1, ce qui expliquerait la propension de cette enzyme à former des agrégats en absence de détergent. Compte tenu de la très faible vitesse de réaction de Bmt1 in vitro, il peut également être envisageable que ce motif PDZ lui permette, in

vivo, de recruter un partenaire protéique susceptible d’optimiser son activité

enzymatique.

Figure 38 : Alignement entre les motifs PDZ de la protéine NHERF décrits dans la littérature et la région hydrophobe C-terminale retrouvée dans les séquences de Bmt1 et Bmt2. Les étoiles (*) signalent la poche hydrophobe proprement dite, qui va interagir avec l’acide aminé C-terminal hydrophobe d’un partenaire protéique. NHERF : Na(+)/H(+) exchange regulatory cofactor (Bhattacharya et al. 2010).

Pour toutes ces raisons, il a été décidé de focaliser nos efforts sur CaBmt3, afin de faciliter un maximum l’obtention de cristaux protéiques et donc de données structurales pouvant servir de modèle pour la famille des CaBmt.

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2 Cristallogenèse et ses écueils

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