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IV. Discussion

IV.3. Effets comportementaux

L’analyse des effets de l’exposition à l’inhalation de fluorène sur le comportement des animaux a montré que le polluant est susceptible de moduler le niveau d’anxiété des animaux dans le LCS et l’OF, deux tests largement utilisés chez le rongeur dans l’évaluation du niveau d’anxiété, de l’émotivité et de

la réponse au stress (Gould et al. 2009, Violle et al. 2009).

Dans l’OF, les animaux exposés à 1,5 et 150 ppb de fluorène ont montré une baisse de l’anxiété du fait de l’augmentation significative du nombre de cases traversées dans la zone centrale du labyrinthe par rapport aux témoins. En parallèle, l’augmentation significative du temps passé dans cette zone, observée uniquement chez les rats exposés à 1,5 ppb de fluorène, a signifié une baisse du niveau d’anxiété plus importante chez les animaux exposés à la faible concentration.

Des résultats sensiblement différents ont en revanche été obtenus dans le LCS. Les animaux exposés au fluorène ont passé significativement plus de temps dans la zone de décision du test (ZC), et moins de temps dans les BO comparé aux témoins, indiquant une augmentation sensible du niveau

78 Ces résultats divergents s’expliquent potentiellement par les différentes configurations des deux

labyrinthes, confrontant les animaux à une situation plus aversive dans le LCS que dans l’OF (Carola et

al. 2002), ainsi qu’à la capacité du fluorène à moduler le niveau d’anxiété des animaux exposés par

inhalation comparé à la diminution significative d’anxiété observée lors de l’administration du polluant

par voie i.p. ou orale (Chapitre 1 : IV.). Ces résultats sont également corrélés avec ceux d’études

antérieures obtenus après l’administration par voie orale de B(a)P à des souris adultes (Grova et al.

2008), indiquant que les composés de type HAP sont capables de moduler le niveau d’anxiété, relativement à la molécule, à la dose et à la voie d’administration étudiés.

Par ailleurs, aucune atteinte de l’activité locomotrice et des capacités d’apprentissage et de mémorisation n’a été observée chez les animaux exposés au fluorène, suggérant que l’exposition au polluant n’engendre aucune altération des mécanismes cognitifs sous-jacents. Des travaux antérieurs ont en revanche montré que d’autres molécules de type HAP, le B(a)P et le 3-méthylcholanthrène, sont susceptibles de perturber l’apprentissage et les capacités de mémorisation chez l’animal adulte (Grova

et al. 2007, Wormley et al. 2004, Konstandi et al. 1997). Cette composante n’étant pas affectée par

l’exposition au fluorène, ce composé induit une toxicité comportementale potentiellement distincte de celle du B(a)P ou d’autres HAP, relativement à divers facteurs incluant des variations de la structure de la molécule, son métabolisme, ses caractéristiques pharmacocinétiques et des interactions pouvant avoir lieu au niveau cérébral. Plusieurs études ont notamment montré la capacité du B(a)P à modifier certains processus fonctionnels au niveau du cerveau, tels que l’excitabilité neuronale, le stress oxydatif et certains systèmes de neurotransmission (pour revue cf. Schroeder 2011). Néanmoins, contrairement au B(a)P, aucune donnée sur le fluorène n’est à ce jour disponible quant à sa toxicité cellulaire et moléculaire. Tel que cela est préconisé pour de nombreux composés chimiques, des études complémentaires sur cette molécule devraient être menées afin de déterminer précisément la nature des

effets et le mode d’action de ce composé (Grandjean et Landrigan 2006).

IV.4. Effets du stress de contention

Alors que les résultats obtenus chez les animaux exposés au fluorène se référaient à ceux du groupe témoin approprié, les mêmes données comportementales et physiologiques ont été relevées chez les animaux témoins libres de se mouvoir dans la chambre d’inhalation et comparées aux résultats des animaux placés en contention. Le but étant de distinguer la contribution du stress imposé par le modèle

d’exposition de la toxicité comportementale du fluorène.

79 les animaux placés en contention. Par contre, aucune variation concernant le niveau d’anxiété et les performances d’apprentissage n’a été mise en évidence chez ces animaux comparés aux rats libres de se mouvoir. Des travaux antérieurs ont rapporté des résultats divergents concernant les effets du stress chronique de contention l’activité comportementale chez le rongeur, tels qu’une augmentation ou une diminution du niveau d’activité et de l’anxiété, et également l’absence d’effets comportementaux

(Gregus et al. 2005, Dobovicky et Jezova 2004, Bowman et al. 2002). La même variabilité a aussi été

observée au cours d’expérimentations basées sur ce modèle de stress au sein du laboratoire (travaux non publiés).

Les modifications comportementales observées peuvent être relatives à l’adaptation de l’axe hypothalamo-hypophyso-corticotrope (HPA). En effet, la réponse de l’axe HPA peut se désensibiliser ou rester stable, en particulier quand le même stresseur est répété (Aguilera 1998). La diminution des niveaux de corticostérone plasmatique qui a été observée dans tous les groupes tout au long de la période d’exposition, ainsi que des niveaux plasmatiques comparables entre les deux groupes témoins à tous les temps de prélèvement suggèrent une habituation des animaux en dépit de l’exposition

quotidienne au stress de contention. Ces résultats sont en accord avec ceux de Narciso et al. (2003)

montrant que les animaux sont capables de s’adapter à la contention imposée par le modèle d’exposition par voie nasale après 14 jours d’habituation.

Ainsi, ces résultats montrent que le contexte stressant n’a pas eu d’influence spécifique dans l’exposition au fluorène sur l’activité générale des animaux placés en contention (incluant les animaux témoins et ceux exposés au polluant). Les perturbations significatives observées chez les animaux exposés au fluorène, en comparaison du groupe témoin de référence, montrent ainsi que le polluant est susceptible d’induire une toxicité comportementale spécifique.

Les résultats de cette étude montrent qu’une exposition de 14 jours à l’inhalation de fluorène à des niveaux environnementaux de contamination est susceptible d’induire des troubles comportementaux spécifiques. En particulier, une perturbation du niveau d’anxiété des animaux a été mise en évidence, tandis qu’aucune atteinte du niveau d’activité et des performances d’apprentissage et de mémorisation à court et à long terme n’a été observée suite à l’exposition au polluant.

Par ailleurs, des niveaux significatifs de fluorène et de deux de ses métabolites ont été quantifiés au niveau du cerveau des animaux exposés, montrant que le fluorène est susceptible d’être métabolisé et peut atteindre le compartiment cérébral.

Ainsi, la mise en correspondance des modifications comportementales et des dosages cérébraux du fluorène et de ses métabolites suggère à la fois un rôle de la molécule mère mais également une implication de ses métabolites dans la toxicité cérébrale de ce polluant.

80 Cette étude contribue finalement à démontrer la vulnérabilité du cerveau adulte à l’exposition aux HAP volatils présents dans l’air ambiant et particulièrement au fluorène.

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Chapitre 3 : Etude des effets d’une exposition aérienne