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IV. Discussion

IV.3. Concentrations cérébrales du fluorène et de ses métabolites

Dans les deux études, même si des quantités négligeables de fluorène et de ses trois métabolites testés ont été mesurées au niveau cérébral (les concentrations mesurées au niveau du cerveau représentant moins de 0,001% de la quantité administrée), les modifications mises en évidence montrent que celles-ci ont suffit à induire une toxicité comportementale et systémique chez le rongeur. En particulier, seuls les animaux présentant des concentrations moyennes en fluorène inférieures à 100 ng/g de tissu cérébral ont montré des altérations comportementales dans les deux études, indiquant que seule l’exposition aux deux plus faibles doses testées a induit des effets neurotoxiques.

Par ailleurs, la présence chez les animaux témoins de fluorène et d’hydroxymétabolites au niveau cérébral renseigne sur le fait que les animaux sont de par leur environnement contaminés au fluorène (nourriture, air ambiant).

L’administration de fluorène par voie i.p. ou orale est susceptible d’induire des effets

neurotoxiques et systémique chez les animaux traités pendant 28 jours à 1, 10 et 100 mg/kg/j. En particulier, des modifications comportementales affectant le niveau d’anxiété et l’activité ont été observées chez les animaux traités aux deux plus faibles doses et des troubles physiologiques ont principalement été montrés chez ceux traités à la plus forte dose, montrant aussi dans les deux études que les mêmes composantes comportementales ont été affectées par le traitement au fluorène et que des effets similaires sur la physiologie des animaux ont été observés en réponse aux mêmes doses de polluant. Des résultats distincts concernant les concentrations cérébrales de la molécule mère et de ses

métabolites ont également été mis en évidence entre les animaux traités par voie i.p. et ceux traités par

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Chapitre 2 : Toxicité neurocomportementale de l’exposition aérienne répétée de 14 jours au fluorène chez le rat adulte

I. Objectifs

Le but de cette exposition était d’une part, de développer un modèle d’exposition des rongeurs à l’inhalation de fluorène et d’autre part, d’évaluer la toxicité du composé inhalé chez l’animal adulte.

Dans un 1er temps, un modèle de génération d’atmosphère contaminée en fluorène permettant

d’exposer des animaux adultes à l’inhalation stricte du composé a été mis au point (Section

introductive : I.3.3.). Dans un 2ème temps, les effets de l’exposition sur l’activité comportementale des animaux ont été caractérisés à l’aide d’une batterie de tests permettant d’évaluer le niveau d’anxiété, l’activité et les capacités d’apprentissage et de mémorisation à court et à long terme. De même, le fluorène et les trois métabolites analysés dans les deux études précédentes ont été dosés au niveau cérébral pour s’assurer de l’exposition des animaux au fluorène.

Le dispositif d’exposition par voie nasale, contraignant les animaux à être maintenus dans des tubes de diamètre restreint, a posé la question du stress potentiellement induit par la situation d’exposition. Pour discriminer l’influence de ce facteur des effets de l’exposition au fluorène, suivant les recommandations de l’OCDE concernant les essais de produits chimiques par inhalation (OCDE

2009), un 2ème groupe d’animaux témoins, laissés libres de se mouvoir, a été introduit dans

l’expérience. Pour estimer le niveau de stress induit par l’exposition, ces animaux ont été testés au plan comportemental et physiologique de la même manière que ceux des autres groupes et des dosages de la corticostérone plasmatique, considérée comme un indicateur de stress, ont été réalisés chez tous les animaux à différents temps de l’étude.

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II. Matériel et méthodes

II.1. Protocole expérimental

II.1.1. Animaux

72 rats mâles adultes de souche Wistar Han d’un poids compris entre 225 et 250 g (Harlan, Gannat, France) ont été utilisés pour cette étude. A leur arrivée au laboratoire, les animaux ont été répartis aléatoirement par cage de deux dans les différents groupes expérimentaux et soumis à une période de stabulation de 7 jours avant le début des expérimentations. Pendant toute la durée de l’expérimentation, les rats ont été nourris (granulés entretien rat/souris Teklad Global 2016, Harlan, Gannat, France) et ont

reçu de l’eau ad libitum. Ils ont été maintenus dans des conditions standards d’élevage à l’animalerie de

l’INRS (température : 22±3°C, humidité : 50±20%) selon un cycle lumineux alterné. L’exposition ayant lieu au cours de la journée, la période lumineuse, basée sur ces contraintes, avait lieu de 3 à 15 heures. Un tel cycle a également permis de réaliser les tests comportementaux en phase nocturne à partir de 16 heures. L’ensemble des procédures utilisées quant à l’élevage des animaux étaient en accord avec la directive européenne du 22 septembre 2010 concernant l’expérimentation animale (2010/63/UE).

II.1.2. Exposition

Les animaux (n=18/groupe) ont été exposés à l’inhalation de fluorène (Sigma Aldrich, St-Quentin

Fallavier, France) par voie oro-nasale, 6 heures par jour pendant 14 jours consécutifs. Deux niveaux de contamination atmosphérique, calculés sur la base de données d’expositions réelles issues des travaux

de Zanieri et al. (2007), ont été étudiés (Section introductive : I.3.3.1.). La plus faible concentration,

1,5 ppb (10 µg/m3) de fluorène, a été calculée dans le but de modéliser chez l’animal le niveau de

contamination observé chez l’homme vivant en milieu urbain (Kim et al. 2008, Zanieri et al. 2007),

alors que la plus forte concentration de fluorène, 150 ppb (1 mg/m3), modélise davantage des cas

d’exposition professionnelle ou accidentelle (Niu et al. 2010, Unwin et al. 2006).

Parallèlement aux groupes d’animaux exposés, les rats témoins étaient placés dans des chambres d’inhalation ventilées avec une atmosphère non contaminée. A l’issue des 14 jours d’exposition, 12 animaux par groupe ont été testés au plan comportemental et 6 autres ont été sacrifiés pour permettre l’évaluation des effets de l’exposition au fluorène sur les paramètres physiologiques et le dosage des

68 concentrations cérébrales de fluorène et de trois de ses métabolites.

II.1.3. Génération de fluorène

Conformément à la directive de l’OCDE pour les essais de produits chimiques par inhalation, les expositions ont été réalisées dans des chambres d’inhalation en inox de 200 L équipées de tubes de contention (L : 25 cm, diamètre intérieur : 5,5 cm) permettant d’exposer les animaux par voie nasale

stricte (OCDE 2009). Un flux d’air dynamique et réglable (4-5 m3

/h) a été assuré dans chaque chambre,

celles-ci ayant été maintenues sous pression négative (5 mmH2O) pour prévenir toute fuite vers

l’extérieur. L’air d’entrée dans les cellules a par ailleurs été filtré et conditionné à une température de 22±1°C et une humidité relative de 55±10%. L’atmosphère des chambres d’inhalation a été contaminée par passage d’air au-dessus d’un lit solide thermorégulé de fluorène. Dans ces conditions de génération, le fluorène présent dans l’atmosphère générée était exclusivement sous forme gazeuse, l’absence totale d'aérosol ayant été confirmée à l’aide d’un photomètre à diffusion de lumière (pDR1000AN dust monitor, Thermo Scientific). En accord avec les recommandations de l’OCDE, la concentration en fluorène dans l’air, la température et l’humidité relative de chaque chambre ont été contrôlées régulièrement au cours de l’exposition (OCDE 2009).

II.1.4. Métrologie atmosphérique

Au cours de chaque séance d’exposition, les concentrations atmosphériques de fluorène dans les chambres d’inhalation ont été analysées. Deux et six prélèvements d’air ont ainsi quotidiennement été réalisés dans les cellules consacrées respectivement au niveau d’exposition de 1,5 et 150 ppb de fluorène. L’atmosphère a été échantillonnée par aspiration au travers de tubes (diamètre interne : 4 mm) contenant une résine adsorbante (Amberlite XAD-2). Le fluorène retenu sur le tube à adsorption a ensuite été désorbé à l’aide d’un solvant (acétonitrile) contenant un étalon interne (anthracène à 400 mg/L). La solution a ensuite été analysée à l’aide d’un chromatographe en phase gazeuse (Varian CP-3800) équipé d'un détecteur à ionisation de flamme. Les échantillons ont été séparés sur une colonne capillaire apolaire (CP-Sil 5 ; 30 m × 0,53 mm × 1,5 µm) avec l’azote comme gaz vecteur à un débit de 4 mL/min. Le programme de température de la colonne était le suivant : 190°C pendant 4 min, puis augmentation jusqu’à 235°C à raison de 15°C/min, puis maintien de cette température pendant 2 min. L’injecteur (flash 1061) et le détecteur ont respectivement été maintenus à 240°C et 250°C. L’atmosphère des deux chambres témoins a également été analysée au cours de la même période pour s’assurer que l’air entrant dans ces cellules n’était pas contaminée.

69 II.1.5. Quantification des concentrations cérébrales de fluorène et de ses métabolites

Après euthanasie de la série d’animaux consacrée à la mesure de différents paramètres physiologiques, les cerveaux ont été prélevés et congelés en vue de l’analyse des concentrations tissulaires de fluorène et de trois de ses métabolites. La méthode analytique utilisée pour doser la présence de ces molécules au niveau cérébral était la même que celle décrite dans les deux études

précédentes (Chapitre 1 :II.4.).

II.1.6. Evaluation du stress

Le maintien des animaux dans des tubes, nécessaire à l’exposition à une atmosphère contaminée par voie nasale, se rapportant à un modèle de stress classiquement utilisé consistant à placer les

animaux dans des tubes de contention (Harris et al. 2004, Marquez et al. 2004, Zelena et al. 2003,

McDougall et al. 2000, Irvine et al. 1997, Willner 1997), deux niveaux de vérification ont été introduits

dans l’étude pour permettre de distinguer les effets du stress induit par cette condition d’exposition de ceux du contaminant, comme le recommande l’OCDE pour les essais de produits chimiques par inhalation (OCDE 2009). Deux groupes d’animaux témoins ont été constitués : un groupe de rats placés dans des tubes semblables à ceux permettant d’exposer les animaux par voie nasale (groupe appelé « Témoins contendus ») et un groupe d’animaux placés librement dans une cellule (groupe appelé « Témoins non contendus »). De plus, pour minimiser les effets du stress potentiellement induits lors de l’exposition, les animaux des trois groupes placés en contention ont préalablement été habitués à être maintenus dans les tubes, en étant placés en contention 6 heures par jour, les 8 jours précédents la

période d’exposition (Narciso et al. 2003).

Par ailleurs, des marqueurs physiologiques ont été mesurés chez tous les animaux. Le suivi journalier du poids corporel, le poids des glandes surrénales, prélevées après 14 jours d’exposition, et des prélèvements sanguins, effectués à différents moments de l’expérimentation, ont permis d’évaluer la réponse au stress des animaux. A partir des échantillons de sang, les niveaux de corticostérone plasmatique ont pu être déterminés à quatre moments pour chaque animal :

- 1er prélèvement : avant la phase d’habituation aux tubes

- 2ème prélèvement : la veille du 1er jour d’exposition au fluorène

- 3ème prélèvement : après 7 jours d’exposition

70 Pour chaque prélèvement, 1 mL de sang a été collecté à la veine de la queue de l’animal dans des tubes héparinés, puis centrifugé à température ambiante durant 3 min à 1800 g. Le plasma surnageant a ensuite été récupéré, puis stocké à -20°C en vue des analyses ultérieures par chromatographie.

II.1.7. Dosage de la corticostérone plasmatique

Méthode de dosage. Les dosages de corticostérone plasmatique (CORT) ont été réalisés par

chromatographie liquide haute performance (HPLC) en phase inverse avec une colonne analytique Licrospher 100 RP-18 (diamètre interne : 150 × 2 mm, taille de particule : 5 µm, C.I.L. Cluzeau, Sainte Foy la Grande, France) reliée à un système HPLC Alliance 2690 à une température de 40°C, selon un débit de 0,4 mL/min. L’analyse des spectres UV a été réalisée avec un détecteur à barrette de diodes 996 (Waters). La corticostérone a été détectée à une longueur d’onde de 245 nm et quantifiée par rapport à une gamme de standards en présence d’un étalon interne, la bétaméthasone. Les résultats ont été exploités avec le logiciel Millenium 32 version 3.05.01 (Waters).

Réalisation des standards. Les courbes de standards ont été réalisées par injection de mêmes volumes

de solutions contenant des quantités croissantes de CORT (pureté > 99%, Sigma Aldrich, St-Quentin Fallavier, France) (3,5, 8,75, 17,5, 35 et 52,5 ng/mL) additionnées de la même quantité de bétaméthasone (Sigma Aldrich, St-Quentin Fallavier, France) dissout dans un mélange eau/acétonitrile (70:30, v/v contenant 0,1% de TFA). La corticostérone a été caractérisée grâce au spectre d’absorption et au temps de rétention. Pour les deux composants, la relation entre l’aire du pic observé et la quantité

injectée a été calculée par régression linéaire à l’aide du logiciel de statistique SPSS 16.0 pour Windows

(SPSS Inc., Chicago, IL, USA).

Préparation des échantillons et extraction. L’extraction de la CORT a été réalisée suivant la méthode

de Ling et Jamali (2003). Pour chaque échantillon, 100 µL de plasma ont été mélangés avec 1 mL d’acétate d’éthyle contenant 50 µg/L de bétaméthasone. Cette préparation a ensuite été agitée pendant 30 s, puis centrifugée pendant 10 min à 1800 g. Le surnageant a ensuite été récupéré et rincé avec 1 mL d’une solution de NaOH à 0,1 M, agité pendant 30 s et centrifugé pendant 10 min à 1800 g. Le surnageant de cette solution a à nouveau été récupéré et évaporé jusqu’à ce que l’échantillon soit sec. Les résidus ont alors été dissous dans 300 µL d’un mélange eau/acétonitrile (70:30, v/v contenant 0,1% de TFA), puis filtrés sur une cartouche de 0,45 µm. Finalement, un volume de 100 µL de chaque échantillon a été injecté dans le système HPLC.

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II.2. Mesures physiologiques

Le poids corporel de chaque animal a été relevé quotidiennement depuis le début de la période d’habituation au stress jusqu’à la fin de l’exposition pour permettre d’évaluer les effets potentiels de l’exposition sur la prise de poids des animaux. Après 14 jours d’exposition, une série de 6 rats par groupe a été sacrifiée, le cerveau, le foie et les glandes surrénales de chaque animal ont été prélevés et pesés pour permettre d’évaluer à la fois les effets de l’exposition, mais également l’influence du stress sur le poids de ces organes.

II.3. Analyse comportementale

Les animaux ont été testés au plan de l’anxiété dans le LCS et l’OF, des capacités d’apprentissage et de mémorisation à court et à long terme dans le LY et le labyrinthe radial à 8 branches et de l’activité

locomotrice dans ces quatre tests selon les procédures décrites précédemment (Section

méthodologique : III.3.).

II.4. Analyse statistique

L’ensemble des résultats présentés sont exprimés sous forme de moyenne ± E.S.M. Les effets de

l’exposition au fluorène ont été analysés par une ANOVA à 1 facteur, suivi du test post hoc de Dunnett,

permettant de comparer les performances des animaux des deux groupes exposés au fluorène à celles des rats du groupe témoin de référence, à savoir du groupe « Témoins contendus ». Les variables mesurées dans le labyrinthe radial à 8 branches ont été analysées par une ANOVA à 2 facteurs en mesures répétées sur un facteur. Concernant l’évaluation des effets du stress imposé par le dispositif, les performances aux tests et les données physiologiques relevées pour les animaux du groupe « Témoins contendus » ont été comparées à celles des rats du groupe « Témoins non contendus » par le

test t de Student. Le traitement statistique a été réalisé à l’aide du logiciel SPSS 16.0 pour Windows

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III. Résultats