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EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LES RENDEMENTS DE CERTAINES CULTURES DANS LE MONDE ET DANS LES RÉGIONS TROPICALES, EN FONCTION

D’UN RÉCHAUFFEMENT DE 1,5 °C OU DE 2 °C PAR RAPPORT AUX NIVEAUX PRÉINDUSTRIELS AU COURS DU XXI

E

SIÈCLE

Culture Région Réchauffement par rapport aux niveaux préindustriels (pourcentage)

1,5 °C 2,0 °C

Blé Monde entier 2 (-6 à +17) 0 (-8 à +21)

Régions tropicales -9 (-25 à +12) -16 (-42 à +14)

Maïs Monde entier -1 (-26 à +8) -6 (-38 à +2)

Régions tropicales -3 (-16 à +2) -6 (-19 à +2)

Soja Monde entier 7 (-3 à +28) 1 (-12 à +34)

Régions tropicales 6 (-3 à +23) 7 (-5 à +27)

Riz Monde entier 7 (-17 à +24) 7 (-14 à +27)

Régions tropicales 6 (0 à +20) 6 (0 à +24)

Remarque: Les chiffres entre parenthèses correspondent à l’intervalle de confiance probable (66 %).

SOURCE: Adapté de Schleusner et al. (2016), figure 15.

plusieurs dizaines d’années. C’est principalement en raison de ces risques à long terme que la communauté internationale s’est engagée à stabiliser le climat de la Terre.

Les sociétés dans leur ensemble doivent

intervenir de manière décisive, dès maintenant, pour atténuer le changement climatique, ou elles courront le risque d’être plongées dans des situations d’insécurité alimentaire graves. On ne peut pas exclure la possibilité que, dans un avenir plus ou moins rapproché, le changement

climatique empêche de nourrir l’humanité.

Même à plus brève échéance, les répercussions sur la sécurité alimentaire dans certaines régions pourraient s’avérer majeures. L’agriculture et la foresterie présentent toutes deux un fort potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais l’évolution de la sécurité alimentaire

dépendra dans une large mesure des progrès réalisés, en matière d’émissions, dans d’autres secteurs économiques. La situation exigera également des ajustements sur le plan de la consommation – la réduction de la demande de produits nécessitant beaucoup de ressources et produisant beaucoup d’émissions contribuera à accélérer la transition vers une agriculture durable –, ainsi que des efforts de sensibilisation aux mesures d’atténuation du changement climatique.

Dans le même temps, les secteurs de l’agriculture et les populations qui en dépendent doivent s’adapter aux changements climatiques actuels ou prévus, selon une approche qui permette de réduire au maximum leurs effets indésirables ou de tirer parti des nouvelles perspectives qu’ils pourraient offrir. Il est nécessaire de renforcer la résilience au changement climatique dans les sphères biophysique, économique et sociale à travers le monde. Dans une certaine mesure, l’adaptation de l’agriculture prendra la forme d’une initiative spontanée de la part des agriculteurs, des pêcheurs et des forestiers; nombre d’entre eux néanmoins, en particulier les petits producteurs, pourraient se trouver dans l’impossibilité d’adopter les solutions appropriées en raison tout autant d’un manque d’options viables que d’un trop grand nombre de contraintes. À cet égard, il apparaît primordial de créer un environnement porteur qui faciliterait l’adaptation.

À court terme, une adaptation au niveau de l’unité de production ou du ménage agricole, lorsqu’elle est possible, pourrait se révéler

suffisante. En revanche, des efforts d’adaptation à plus long terme sont nécessaires en raison des changements d’ores et déjà irréversibles que l’augmentation des concentrations de gaz

carbonique dans l’atmosphère a provoqués ou est en train de provoquer. Ils exigeront la mise en œuvre de changements plus systémiques, comme des déplacements significatifs des lieux de production de certains produits et de certaines espèces, qui seront compensés par une évolution des tendances en matière de consommation et d’échanges commerciaux.

Les efforts d’adaptation, à eux-seuls, ne seront cependant pas suffisants: seules des mesures d’atténuation pourront garantir la sécurité alimentaire de la population mondiale à long terme. Il existe une différence fondamentale entre l’adaptation et l’atténuation et les mesures d’incitation qui les accompagnent.

L’adaptation est un effort que chacun voudra faire dans son propre intérêt. L’atténuation est un effort qui se doit d’être collectif et qui servira les intérêts de tous. Elle représente un bien public mondial et une responsabilité sociale auxquels les secteurs de l’agriculture doivent eux aussi

apporter leur contribution.

On comprend parfaitement l’urgence – et les avantages – d’une action concertée et efficace dans la lutte contre le changement climatique à l’échelle mondiale lorsqu’on constate à quel point des hausses de température, aussi faibles soient-elles, peuvent entraîner des variations significatives des effets du changement climatique. Selon une récente méta-analyse, la diminution des quantités d’eau disponibles et l’allongement des périodes sèches s’accélèrent entre un réchauffement de 1,5 °C et de 2 °C, et ce, pour plusieurs régions subtropicales, notamment la région méditerranéenne, l’Amérique centrale, les Caraïbes, l’Afrique du Sud et l’Australie. Dans les régions tropicales, il se pourrait que la production agricole soit fortement touchée si les températures

augmentaient de plus de 1,5 °C (tableau 1), une situation qui pourrait encore s’aggraver si

»

LA SITUATION MONDIALE DE L’ALIMENTATION ET DE L’AGRICULTURE 2016

CHAPITRE 1 FAIM, PAUVRETÉ ET CHANGEMENT CLIMATIQUE: LES DÉFIS D’AUJOURD’HUI ET CEUX DE DEMAIN

d’autres facteurs, tels que le manque de phosphore et d’azote ou le stress thermique, amenuisaient les effets positifs de la

fertilisation par le CO2.

Dans le cas d’un réchauffement de 2 °C, les risques que fait peser la chaleur extrême sur les rendements des cultures dans les régions tropicales de l’Afrique et de l’Asie du Sud et du Sud-Est peuvent devenir critiques si l’on tient compte des projections de croissance

démographique. La limitation de

l’augmentation de la température à 1,5 °C se traduirait par deux autres avantages de taille:

une baisse notable du nombre de zones de récifs coralliens menacées d’une grave détérioration et une diminution de

30 pour cent de l’élévation du niveau de la mer (Schleussner et al., 2016). En réalité, à l’issue du dialogue structuré entre experts mené à bien dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et conclu en 2015, il s’est dégagé le message clé suivant: une hausse de la

température mondiale1 de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels doit s’entendre comme

«un seuil maximum, une ligne de défense qu’il faut défendre par tous les moyens, sachant qu’un réchauffement inférieur serait préférable»

(CCNUCC, 2015). Le GIEC présentera en 2017 les résultats d’une évaluation sur les différences entre les scénarios 2 °C et 1,5 °C.

L’Accord de Paris, adopté en décembre 2015 dans le cadre de la CCNUCC, a établi l’objectif à long terme de contenir l’augmentation de la température moyenne de la planète «bien en dessous de 2 °C» par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour limiter cette augmentation à 1,5 °C, ce qui permettrait d’atténuer de manière considérable les risques et les répercussions du changement climatique. D’après le GIEC, les scénarios où la hausse de température est maintenue en

1 Remarque: «Température mondiale» fait référence à une moyenne pour l’ensemble de la planète sur toute une année. La région Arctique se réchauffera plus rapidement que la moyenne mondiale, et le réchauffement moyen sera plus élevé dans les zones terrestres que dans les zones océaniques. La plupart des terres émergées connaîtront des extrêmes de températures élevées plus fréquents (GIEC, 2014).

dessous de 2 °C comportent des réductions considérables, avant la moitié du siècle, des émissions de gaz à effet de serre dues à l’action de l’homme, grâce à une transformation de grande ampleur des systèmes énergétiques et, potentiellement, de l’utilisation des terres. Ces scénarios prévoient en 2050 des émissions 40 à 70 pour cent plus basses qu’en 2010, et quasi-nulles voire négatives en 2100 (GIEC, 2014b). Si le niveau de croissance requis dans les secteurs de l’agriculture pour garantir la sécurité

alimentaire mondiale des générations futures était obtenu avec une progression des

émissions similaire à celle observée au cours des dernières années, il serait très difficile de respecter l’objectif de maintien de l’élévation de la température mondiale sous la barre des 2 °C (voir également Searchinger et al., 2015;

Wollenberg et al., 2016).

Les décisions que nous prenons aujourd’hui façonneront le monde dans lequel nous

vivrons dans 15 ans et au-delà. C’est pourquoi il est capital que les secteurs de l’agriculture réagissent en renforçant leur résilience face aux effets du changement climatique tout en apportant, dans la mesure du possible, leur contribution aux efforts d’atténuation. Les mesures qui seront prises devront l’être dans le respect des objectifs de développement nationaux et des priorités des différents pays, sans pour autant mettre en péril les efforts visant à faire reculer l’insécurité alimentaire.

Dans ce contexte, il est important de mentionner que, contrairement aux autres secteurs économiques où les mesures d’adaptation et d’atténuation sont

généralement indépendantes les unes des autres, les secteurs de l’agriculture se

disting uent par l’existence de synergies – mais aussi par la nécessité de compromis – entre les objectifs en matière de sécurité alimentaire, d’adaptation et d’atténuation. n

LE RÔLE ET LA