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Le défi du financement

La durabilité des systèmes de production

alimentaire des petits exploitants dépendra de la capacité de ceux-ci d’adopter des pratiques et des techniques intelligentes face au climat. Pour qu’ils puissent le faire, des investissements supplémentaires sont nécessaires. Cependant, l’accès au financement pour les secteurs agricoles – sans même encore parler de l’agriculture intelligente face au climat – pose des difficultés dans de nombreux pays en développement, et ce depuis des décennies. La part de l’agriculture dans les portefeuilles des institutions financières est traditionnellement faible, un constat qui est encore plus évident lorsqu’on compare cette part à la contribution de l’agriculture au PIB.

L’agriculture étant considérée comme un secteur offrant des bénéfices faibles et comportant des risques élevés, les sources de financement de la plupart des pays limitent leur exposition à ce secteur, resserrent les critères de prêt et imposent des conditions d’emprunt onéreuses.

Souvent, elles évitent même totalement

l’agriculture, préférant chercher des rendements plus stables dans d’autres secteurs de l’économie.

De ce fait, les financements sont insuffisants, ce qui a de fortes répercussions sur l’agriculture, et surtout sur les agriculteurs et les petites et moyennes entreprises agroalimentaires.

Ce sont les petits exploitants qui ont le plus de mal à obtenir des financements. Généralement, leurs compétences financières sont limitées, ils ont peu de garanties, voire aucune garantie à offrir, leurs antécédents de crédit sont peu solides ou inexistants et ils n’ont guère d’autres sources de revenu. Fortement dispersés et installés dans des régions éloignées des centres

urbains, les petits exploitants sont même

difficiles à atteindre pour les prêteurs. Du fait de leur isolement, ces agriculteurs doivent assumer des coûts de transaction qui sont parfois plus élevés que le crédit dont ils ont besoin. L’accès au financement est particulièrement difficile pour les femmes, en raison d’obstacles

socioéconomiques, politiques et juridiques.

Par ailleurs, même lorsqu’il existe des services financiers formels, ceux-ci ne répondent bien souvent pas aux besoins des petits exploitants, et ne tiennent pas compte du contexte dans lequel ces agriculteurs évoluent. Les institutions financières ont tendance à mettre à disposition un fonds de roulement à court terme plutôt que les fonds que nécessiteraient la création de valeur ajoutée et l’amélioration de la

productivité. De plus, les financiers imposent souvent des calendriers de remboursement rigides et des échéances courtes qui, du fait du caractère saisonnier des cycles agricoles, ne correspondent pas aux flux de liquidités saisonniers des petits exploitants.

En conséquence, la grande majorité des agriculteurs, dans les pays en développement, sont véritablement exclus du système financier et privés de perspectives de croissance

économique. Selon une estimation, le besoin total de financement des petits agriculteurs en Amérique latine, en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et du Sud-Est s’élève à environ 210 milliards d’USD par an (Rural and

Agricultural Finance Learning Lab, 2016).

Qui plus est, il est probable que ce déficit de financement se creuse encore fortement à l’avenir, du fait des prêts à plus long terme qui seront nécessaires pour financer les activités d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de celui-ci.

Les petites et moyennes entreprises (PME) ont également du mal à obtenir des financements, surtout des prêts à plus long terme. Les PME sont essentielles pour le développement de l’agriculture étant donné qu’elles jouent un rôle de première importance dans l’accroissement des revenus et de la productivité des petits exploitants et dans l’amélioration de l’efficacité

des chaînes de valeur, ce qui crée des emplois ruraux. Si elles n’obtiennent pas les fonds nécessaires pour exprimer pleinement leur potentiel, les PME créent moins d’emplois et emploient moins de travailleurs. Ce déficit de financement des PME agricoles accentue donc le chômage et la pauvreté dans les zones rurales du monde entier. Nombre de PME ont besoin de prêts dont le montant est trop élevé pour les

institutions de microcrédit, mais qui ne sont pas assez importants – et considérés comme trop risqués – pour les institutions proposant des prêts commerciaux. C’est particulièrement problématique lorsque les producteurs et les entreprises souhaitent investir dans des

infrastructures de création de valeur ajoutée qui pourraient fortement accroître leur productivité et leurs revenus. n

Dans ce chapitre, on a exploré les vulnérabilités des petites exploitations agricoles face aux risques liés au changement climatique et on a réfléchi aux angles d’attaque contre ces

vulnérabilités. Plusieurs éléments clés ressortent des analyses menées par la FAO et de la

documentation consacrée à ces questions. Tout d’abord, si l’expression «changement climatique»

est passe-partout, les manifestations du phénomène, elles, seront complexes et variées.

Les contraintes en termes de productivité varient considérablement d’un système agricole à l’autre et d’une région à l’autre. Par ailleurs, on ignore si ce sont les valeurs moyennes, la variabilité ou les extrêmes dans la pluviométrie ou les

températures qui auront les plus fortes

répercussions sur les rendements. À mesure que le climat mondial changera, on constatera des répercussions tantôt directes, tantôt indirectes, du fait, par exemple, de la propagation de ravageurs ou de maladies. Comprendre les principales contraintes météorologiques et la façon dont elles subissent l’influence du changement climatique est une première étape importante pour déterminer le type d’appui dont les petits agriculteurs auront besoin. Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer nos connaissances et communiquer correctement celles-ci aux parties prenantes.

Le deuxième point important qui ressort de ce chapitre est que l’intensification durable, les

techniques agricoles améliorées et la

diversification peuvent atténuer les incidences du changement climatique, et même réduire considérablement le nombre de personnes risquant de souffrir de la faim. Cependant, l’adoption généralisée de techniques améliorées peut être entravée par des obstacles politiques et institutionnels, qu’il faudra surmonter.

Comme on l’a vu dans les études de cas sur le Malawi et la Zambie, c’est dans les régions où le temps est le plus variable que la diversification est habituellement adoptée et se révèle plus efficace. Cela montre combien il est important de s’attaquer aux difficultés au cas par cas, et non d’imposer des politiques globales à l’ensemble des régions agroécologiques et des systèmes agricoles.

Le troisième point est que l’adaptation est judicieuse sur le plan économique, puisque les avantages qu’elle apporte l’emportent sur les coûts qu’elle entraîne, souvent largement, mais ce simple fait ne suffit pas à faire se produire

l’adaptation. Les petits agriculteurs ont beaucoup de mal à surmonter les obstacles qui entravent l’adoption de nouvelles techniques et pratiques en raison des difficultés qu’ils ont à obtenir des financements. Il en va de même pour les petites et moyennes entreprises qui créent à la fois des revenus pour les petits agriculteurs, et des emplois ruraux qui permettent la diversification des revenus en dehors des exploitations.

CONCLUSION

LA SITUATION MONDIALE DE L’ALIMENTATION ET DE L’AGRICULTURE 2016

CHAPITRE 4

LE RÔLE DES SYSTÈMES