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Effets biologiques du tabagisme dans les maladies cardiovasculaires

1. Introduction

1.4 Les facteurs de risque de l’athérosclérose

1.4.1 Le tabagisme

1.4.1.2 Effets biologiques du tabagisme dans les maladies cardiovasculaires

La fumée de cigarette contient beaucoup de molécules oxydantes, soit environ 107 par bouffée. Ce stress oxydant peut être mesuré directement par la production de ROS au niveau des cellules du sang périphérique. Il peut aussi être mesuré indirectement par son effet sur des molécules cibles comme la peroxydation des lipides et les protéines oxydées. Une autre évaluation peut se faire via la réponse au stress, soit la capacité antioxydante du plasma.

Plusieurs marqueurs pour évaluer le dommage oxydant ont été proposés. Par exemple, la nitration de résidus tyrosine des protéines mène à la production de 3- nitrotyrosine, qui peut être considérée comme un marqueur du dommage oxydant dépendante du NO. On retrouve dans le plasma et les plaquettes des fumeurs chroniques des taux élevés de 3-nitrotyrosine modulés par le NO ou le peroxynitrite (Petruzzelli, et al., 1997; Takajo, Ikeda, Haramaki, Murohara, & Imaizumi, 2001). La peroxydation des acides

gras polyinsaturés (PUFAs) de la membrane des cellules est aussi augmentée lors de la consommation de cigarette. Les F2-isoprostanes, des composantes ressemblant à la

prostaglandine, sont des produits de la peroxydation lipidique des acides arachidoniques par les radicaux libres. Plusieurs études ont démontré une augmentation des niveaux de la formation d’isoprostane 8-iso-prostaglandine F2  (PGF2) chez les fumeurs (Helmersson, Larsson, Vessby, & Basu, 2005; Morrow, et al., 1995; Reilly, Delanty, Lawson, & FitzGerald, 1996). F2-isoprostane pourrait être impliquée dans la pathogenèse de

l’athérosclérose, car les niveaux sont significativement augmentés dans les plaques d’athérosclérose comparées aux tissus vasculaires normaux (Gniwotta, Morrow, Roberts, & Kuhn, 1997). De plus, de hauts niveaux de substances réactives d’acide thiobarbiturique (TBARS) ont été trouvés chez les fumeurs comparés aux non-fumeurs (Orhan, Evelo, & Sahin, 2005). Toutes ces données suggèrent que les fumeurs ont des taux élevés de dommages oxydants au niveau systémique et vasculaire.

L’exposition aux produits chimiques oxydants retrouvés dans la fumée de cigarette est associée à une réduction des niveaux endogènes d’antioxydants au niveau systémique. Plusieurs études ont démontré que le tabagisme induisait une réduction de la concentration d’antioxydants dans le plasma. Un des tests utilisés pour calculer les niveaux d’antioxydants dans le plasma est le TEAC (Trolox-Equivalent Antioxidant Capacity). Le TEAC total dans le plasma est significativement plus bas chez les fumeurs que chez les non-fumeurs (Petruzzelli, et al., 1997). Plusieurs études ont aussi démontré que les fumeurs ont des niveaux plus bas de vitamine C, d’-carotène, de -carotène, de -cryptoxanthine, de mélatonine, d’-tocophérol et de lutéine/zeaxanthine au niveau du sérum (Helmersson, et al., 2005; Wei, Kim, & Boudreau, 2001). De plus, le glutathion peut être oxydé par les ROS de la fumée de cigarette en une forme disulfite résultant en une diminution des niveaux plasmatiques de glutathion (Moriarty, et al., 2003). Le glutathion est un antioxydant majeur utilisé pour transformer les peroxydes en acides gras non-toxiques et/ou en eau et pour maintenir les vitamines C et E dans leurs formes réduite et fonctionnelles.

En résumé, le compartiment systémique des fumeurs est caractérisé par des niveaux élevés de peroxydes et une diminution des niveaux d’antioxydants dans le plasma. Ce stress oxydant systémique peut affecter par la suite plusieurs aspects de l’athérosclérose comme la dysfonction endothéliale et la réponse inflammatoire.

1.4.1.2.2 Endothélium

La dysfonction endothéliale est un des facteurs responsables de l’inititation et le développement de l’athérosclérose. Elle est aussi impliquée lors d’événements cardiovasculaires aigus. La fumée de cigarette induit une dysfonction endothéliale au niveau des artères périphériques et coronariennes. Cette notion a été confirmée dans plusieurs études. Par exemple, des changements anatomiques de l’endothélium ont été observés au niveau des artères ombilicales de bébés de mères fumeuses (Asmussen & Kjeldsen, 1975). De plus, la fumée de cigarette diminue la vasodilatation artérielle périphérique dépendante de l’endothélium, un effet qui est partiellement réversible après arrêt du tabagisme (Vitti, Bayles, Carender, Prendergast, & D'Amico, 1993). Les fumeurs qui n’ont pas documentée d’athérosclérose ont quand même une réponse anormale à l’acétylcholine au niveau des artères coronaires et brachiales (Nitenberg, Antony, & Foult, 1993).

Un des principaux effets du tabagisme sur l’endothélium est la diminution de la production et de la biodisponibilité du NO. Cette molécule est très importante pour la vasodilatation des vaisseaux. D’ailleurs, la diminution de la vasodilatation des vaisseaux est une des premières manifestations de l’athérosclérose. Les concentrations de nitrates et de nitrites, les produits métaboliques du NO, sont significativement diminués dans le sérum des fumeurs comparés aux non-fumeurs (Node, Kitakaze, Yoshikawa, Kosaka, & Hori, 1997). Dans des modèles in vitro, il a été démontré que la fumée de cigarette était associée à une diminution de la biodisponibilité du NO (Kamisaki, Wada, Nakamoto, Kishimoto, & Itoh, 1996; Ota, et al., 1997). Ces effets seraient dus au stress oxydant engendré par la

fumée de cigarette. De plus, chez les fumeurs, les LDL sont plus enclins à être oxydés par les hauts niveaux de ROS et d’espèces azotées réactives (Yamaguchi, Haginaka, Morimoto, Fujioka, & Kunitomo, 2005). Les LDL oxydés limitent la bioactivité du NO dérivé de l’endothélium et à son tour la perte de la bioactivité du NO est associée à une augmentation de l’entrée des cellules inflammatoires dans la paroi artérielle (Stocker & Keaney, 2004).

Les fumeurs présentent aussi une augmentation de l’agrégation plaquettes- monocytes. Le CD40 et le ligand CD40 (CD40L) sont des membres de la famille de TNF et sont coexprimés sur la majorité des cellules impliquées dans l’athérosclérose. Les fumeurs ont des niveaux plasmatiques plus élevés du CD40 soluble, une augmentation de l’expression de CD40 à la surface des monocytes, et une augmentation du CD40L sur les plaquettes (Harding, et al., 2004). Cette augmentation de CD40 et de CD40L favorise l’agrégation plaquettes-monocytes chez les fumeurs. En résumé, la fumée de cigarette induit plusieurs effets sur l’endothélium qui prédisposent à l’athérosclérose. Ces effets incluent le défaut de vasodilatation par une diminution de la relâche de NO, l’augmentation de l’oxydation des LDL et l’augmentation de l’agrégation plaquettes-monocytes.

En résumé, le tabagisme induit la dysfonction endothéliale et la formation de la plaque d’athérosclérose en réduisant la production endothéliale de NO, en élevant les niveaux sériques de LDL oxydés et en augmentant l’absorption de LDL par les macrophages. L’augmentation de l’absorption de LDL par les macrophages résulte en une formation de cellules spumeuses qui conduit à la formation de la plaque. Le tabagisme augmente aussi l’agrégation des plaquettes et l’activité coagulante ainsi que le risque de former un thrombus. Un résumé des effets du tabagisme et de la fumée de cigarette est présenté à la figure 4.

Figure 4. Les voies et mécanismes potentiels favorisant le développement des maladies

athérosclérotiques par le tabagisme. H2O2 : peroxyde d’hydrogène; METC : chaîne de

transport d’électron mitochondriale; NADPH : nicotinamide adenine dinucleotide

phosphate reduced form; NOS : monoxyde d’azote synthase; ONOO- : peroxynitrite; O2- :