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Effets élastiques, contraintes normales et viscosité élongationnelle 32

1.2 Étude rhéologique d’un fluide complexe

1.2.8 Effets élastiques, contraintes normales et viscosité élongationnelle 32

Depuis près d’un demi-siècle, de nombreuses instabilités à nombre de Reynolds « nul » ont été observées dans les fluides complexes2. Ainsi la montée d’une solu-tion de polymère le long d’une tige en rotasolu-tion, nommée effet Weissenberg ou « rod-climbing » en anglais dont la première explication détaillée remonte à 1947 [ Weissen-berg, 1947] [voir Fig.1.10(a) et (b)] ou encore le gonflement d’un fluide complexe lors de son extrusion [Tanner, 1970] [voir Fig.1.10(c)], peuvent être attribués à l’existence

2. A noter ici que nous prenons le terme d’instabilité au sens large. En particulier, l’existence d’un seuil d’instabilité n’est pas nécessairement avérée pour les phénomènes cités ci-dessus.

1.2. ÉTUDE RHÉOLOGIQUE D’UN FLUIDE COMPLEXE 33

Géométrie Schéma Coordonnées Contraintes N111−σ22

Cisaillement simple Couette plan Cellule de Couette Cylindres concentriques Cône-plan Plan-plan x1 x2 x3 x y z θ r z Planes Cylindriques Sphériques Cylindriques θ z r ϕ θ r N1xx−σyy N1θ θ−σrr N1=σϕ ϕ−σθ θ N1θ θ−σzz

σ

yy

σ

yx

σ

xx

σ

zz dx dz dy d θ dz dr σzz σrr σθ θ σθ r d θ dz dr σzz σrr σθ θ σθ z σ11σ22 σ33 σ21 d ϕ d θ dr σθ θ σrr σϕϕ σθ ϕ z r θ z r θ z

Figure 1.11 – Tableau récapitulatif des différentes géométries utilisées pour ci-sailler un fluide. La première colonne indique le nom de la géométrie. La deuxième colonne la schématise. La troisième colonne indique les directions x1 de l’écoulement (~v), x2 du gra-dient de vitesse ( ~∇~v) et x3 de la vorticité ~∇ ∧ ~v, la quatrième colonne représente sur une particule fluide les contraintes normales σ11, σ22 et σ33 ainsi que la contrainte de cisaillement

σ21. Enfin on note, dans la cinquième colonne, la première différence de contrainte normale

N1.

de forces normales qui s’exercent perpendiculairement à la direction de la vitesse. L’ex-périence du siphon ouvert qui permet de siphonner un fluide viscoélastique sans utiliser de tuyau voir [Fig.1.10(d)] ou encore l’expérience de détente élastique [voir Fig.1.10(e)] sont attribuées à l’existence d’une forte viscosité élongationnelle (viscosité mesurée lorsqu’une contrainte élongationnelle est appliquée au fluide). Alors que l’inertie est à l’origine de nombreuses instabilités dans des fluides newtoniens où le nombre de Rey-nolds prédomine, ce sont les contraintes normales qui génèrent les instabilités élastiques dans des fluides viscoélastiques. Il est donc nécessaire de bien définir la direction des contraintes normales dans les différentes géométries utilisées par le rhéologue.

Dans chacune des géométries, on peut définir trois directions : – x1 est la direction de l’écoulement : ~v,

– x2 est la direction du gradient de vitesse (c’est-à-dire du taux de cisaillement) :

~

∇~v,

– et x3 est la direction de la vorticité : ~ω = ~rot~v = ~∇ ∧ ~v encore appelée direction neutre.

34 CHAPITRE 1. ÉCOULEMENTS DE FLUIDES COMPLEXES

contraintes ¯σ tandis que les contraintes normales sont les composantes σ¯ 11, σ22 et σ33. On désigne la première différence de contraintes normales par la quantité suivante :

N1 = σ11− σ22 (1.25) Alors que pour un fluide newtonien les contraintes normales restent isotropes, dans un fluide élastique, tel une solution de polymère, l’écoulement de cisaillement modifie la microstructure du fluide et la rend anisotrope. Ceci induit des différences entre contraintes normales non nulles. L’anisotropie des contraintes normales est un effet non-linéaire : à faible taux de cisaillement N1 est une fonction quadratique de ˙γ. Pour refléter ce caractère non linéaire, on définit un coefficient d’anisotropie Ψ1 tel que :

N1 = −Ψ1˙γ2 (1.26)

En général N1 est négatif et beaucoup plus grand en valeur absolue que la deuxième différence de contraintes normales N2 = σ22 − σ33 = −Ψ2˙γ2 qui est généralement positive et que nous ne développerons pas plus ici. Pour essayer de comprendre cela revenons à l’effet Weissenberg où le fluide remonte le long de l’axe en rotation. Dans l’écoulement engendré par le cylindre tournant, la vitesse est essentiellement azimutale dirigée selon θ avec un gradient de vitesse selon r. L’anisotropie des contraintes normales est telle que : σθθ < σrr et N1 est ici négatif. Il existe donc une « tension » le long des lignes de courant circulaires (soit une force centripète) qui tend à pousser le fluide vers le centre de rotation et donc à le faire monter le long du cylindre. Nous verrons dans l’étude de solutions de micelles géantes que ces contraintes normales sont à l’origine d’instabilités élastiques au sein de l’écoulement. Ceci se manifeste en géométrie de Couette, par l’apparition de rouleaux contra-rotatifs.

Dans une géométrie cône-plan, N1est à l’origine d’une force normale : ~Fz = Fze~zqui s’applique sur le cône. La mesure de Fz permet alors de remonter à N1 par la relation :

N1 = 2

πR2Fz (1.27)

Le tableau de la figure 1.11 récapitule toutes les grandeurs définies ci-dessus selon la géométrie de cisaillement utilisée3.

1.3 Couplage microstructure-écoulement :

écoule-ments hétérogènes

Comme nous l’avons dit précédemment, les fluides complexes comme les émulsions, les gels colloïdaux, les solutions de polymères ou encore de molécules tensioactives possèdent une « microstructure », c’est-à-dire une organisation supramoléculaire, sus-ceptible de se modifier sous l’effet d’un écoulement, à des échelles de temps facilement accessibles à l’expérience. Ce couplage entre microstructure et écoulement conduit fré-quemment à des instabilités donnant lieu à des écoulements hétérogènes. Nous allons à présent décrire trois types d’hétérogénéités différentes : le glissement aux parois, le phénomène de bande de cisaillement et la coexistence fluide-solide.

3. Notons ici que pour une facilité de représentation, dans la cellule de Couette c’est le cylindre extérieur qui tourne et que dans la géométrie plan-plan c’est le plan inférieur qui tourne.

1.3. COUPLAGE MICROSTRUCTURE-ÉCOULEMENT :

ÉCOULEMENTS HÉTÉROGÈNES 35

l

h h

l

Figure 1.12 – Exemples d’écoulements hétérogènes. (a)Écoulement présentant un glissement aux parois : le profil de vitesse est scindé en trois parties correspondant à trois taux de cisaillement différents. (b)Écoulement en bandes de cisaillement caractéristique de solutions de micelles géantes. Le fluide présente alors deux bandes cisaillées à deux taux de cisaillement locaux distincts ˙γlet ˙γh. (c)Écoulement caractéristique d’une coexistence liquide-solide d’un fluide à seuil. Une région du fluide est non-cisaillée ( ˙γl= 0) tandis que la partie proche du rotor est en mouvement à ˙γh. Le taux de cisaillement local est défini ici comme la « pente » du profil de vitesse. Les pointillés bleus indiquent le cas d’un fluide newtonien.