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Cisaillement oscillant : rhéologie linéaire

1.2 Étude rhéologique d’un fluide complexe

1.2.7 Cisaillement oscillant : rhéologie linéaire

L’étude de la courbe d’écoulement est utile lorsqu’on souhaite connaître le compor-tement à grande déformation d’un fluide. Cependant, elle ne nous permet pas vraiment de sonder ses propriétés élastiques. Pour cela, il est nécessaire de se limiter à de faibles déformations et le meilleur moyen de connaître le module élastique d’un fluide et son temps de relaxation viscoélastique est d’utiliser la rhéométrie oscillatoire. On applique ainsi une déformation sinusoïdale (ou une contrainte) de faible amplitude et on observe la réponse en contrainte (ou en déformation). Pour une amplitude de déformation γ0 faible, on peut linéariser les équations et ainsi la réponse est elle aussi sinusoïdale. On pose alors :

γ(t) = γ0cos(ωt) (1.12)

σ(t) = σ0cos(ωt + δ) (1.13)

où γ0 et σ0 sont respectivement les amplitudes de la déformation et de la contrainte tandis que δ est le déphasage entre le signal de déformation et celui de la contrainte. En passant en notation complexe, la déformation et la contrainte s’écrivent :

γ?(t) = γ0exp(iωt) (1.14)

30 CHAPITRE 1. ÉCOULEMENTS DE FLUIDES COMPLEXES

On définit alors le module complexe G? tel que : σ?(t) = G?γ?(t), ainsi que G0 et G00 tels que :

G? = G0+ iG00 = σ0

γ0 exp(iδ) (1.16)

où G0 = σ0

γ0 cos δ et G00 = σ0

γ0 sin δ sont respectivement les parties réelle et imaginaire de

G?.

Le module G? se calcule facilement dans les deux cas limites suivants :

– Pour un solide élastique, nous avons vu que σ = G0γ. Ainsi dans ce cas limite, G? = σ?? = G0 et par conséquent G0 = G0 (et G00 = 0), d’où son appellation de module élastique ou module de stockage.

– A l’inverse, dans le cas d’un fluide purement visqueux, nous avons vu que σ = η ˙γ soit G? = σ?? = η ˙γ?? = iωη et par conséquent G00 = ωη (et G0 = 0), d’où son appellation de module visqueux ou module de perte.

Pour un matériau quelconque, on peut alors mesurer les modules G0 et G00 afin de savoir s’il se comporte plutôt comme un solide (G0 > G00) ou plutôt comme un liquide (G00 > G0). Nous verrons que cette inégalité peut dépendre d’une part de l’amplitude de la déformation oscillante appliquée (cas du gel de noir de carbone du chapitre 7) mais également de la fréquence à laquelle on le sollicite (cas des micelles géantes) voire même du temps. Dès lors que les modules G0 et G00 sont tous les deux non nuls, le fluide est considéré comme viscoélastique. Ce phénomène de viscoélasticité a été déjà mis en évidence avec l’exemple de la « silly-putty ». Une solution de molécules tensioactives est également un système viscoélastique. Elle est décrite par le modèle de Maxwell que nous allons présenter maintenant.

Le modèle de Maxwell

Un fluide de Maxwell est constitué de l’association en série d’un ressort de module élastique (raideur) G0 représentant le solide élastique et d’un amortisseur de coefficient de viscosité η représentant le fluide newtonien. Dans cette configuration, quand on applique une contrainte axiale, la contrainte totale σtot et la déformation totale γtot s’écrivent de la manière suivante :

σtot = σA= σR= σ (1.17)

γtot = γA+ γR (1.18) où les contraintes de l’amortisseur A et du ressort R sont respectivements données par :

σA = η ˙γA et σR = G0γR. En dérivant la déformation totale par rapport au temps on obtient : tot dt = ˙γ = A dt + R dt = σ η + 1 G0 dt (1.19)

En multipliant cette équation par η et en faisant apparaître le temps de relaxation de Maxwell : τm = Gη

0, on aboutit à l’équation différentielle suivante :

τm˙σ + σ = η ˙γ (1.20) La solution générale de cette équation s’écrit :

σ(t) = η τm

Z t

−∞

1.2. ÉTUDE RHÉOLOGIQUE D’UN FLUIDE COMPLEXE 31 10−1 100 101 102 10−3 10−2 10−1 100 101 G ′;G ′′ (P a) ω (1/s) 0 10 20 30 0 5 10 15 G ′′ (P a) G′(Pa) (a) (b) G0 1/τm G0/2 G0/2

Figure 1.9 – Modèle de Maxwell pour un fluide viscoélastique. (a)Évolution du module élastique G0 (en bleu) et du module visqueux G00 (en rouge) avec la fréquence. Aux basses fréquences, le comportement du fluide est liquide (G0 < G00) mais à haute fréquence le fluide présente un comportement élastique (G0 > G00). (b) Représentation de Cole-Cole : G00 en fonction de G0 formant le demi-cercle de l’équation1.24. Ici τm= 0,1 s et G0= 30 Pa.

En passant en botation complexe, l’équation1.20 se met sous la forme :

σ? = ηiω 1 + iωτmγ

? = G0iωτm

1 + iωτmγ

? (1.22)

Le module G? dans le cadre de ce modèle vaut alors G? = σ?? = G0 + iG00 avec :

G0 = G0ω 2τ2 m 1 + ω2τ2 m G00 = G0ωτm 1 + ω2τ2 m (1.23)

La figure1.9(a) représente l’évolution de G0 et G00en fonction de la pulsation ω. Leur in-tersection permet alors de déterminer le temps de relaxation viscoélastique de Maxwell

τm. On remarque alors que :

 G0G0 2 2 + G002= G 2 0 4 (1.24)

est l’équation d’un cercle. Ainsi la représentation de G00 en fonction de G0, dite de Cole-Cole est un demi-cercle de centre G0/2 et de rayon G0/2 [Fig.1.9(b)].

Notons que suivant le mode de sollicitation utilisé, on ne sonde pas les mêmes pro-priétés du fluide étudié. Ainsi un fluide complexe tel que les micelles géantes (mélange de tensioactifs et de sel que nous décrirons en détail dans le chapitre5) peut être visco-élastique et rhéo-fluidifiant. La viscoélasticité est mesurable à des faibles déformations c’est-à-dire en rhéologie linéaire et cisaillement oscillant, tandis que la rhéo-fluidification est observable à des grandes déformations à travers la courbe d’écoulement en régime non-linaire.

Comme nous le verrons dans le chapitre 5, les systèmes micellaires peuvent déve-lopper des instabilités élastiques dont l’origine réside dans l’existence de contraintes normales. Avant de nous plonger dans l’étude de ces instabilités dans une cellule de Taylor-Couette, nous allons dans un premier temps donner un aperçu des différents effets élastiques observés dans le cas d’expériences simples et définir plus en détail la direction des contraintes normales dans les différentes géométries utilisées.

32 CHAPITRE 1. ÉCOULEMENTS DE FLUIDES COMPLEXES

(a) (b) (c)

(d)

(e)

Figure 1.10 – Diverses expériences montrant les effets élastiques de certains fluides. (a) et (b) Effet Weissenberg - montée d’une solution de polymère le long d’une tige en rotation, (c) Gonflement à l’extrusion d’un tube pour une solution aqueuse de 2% de polyacrylamide, (d) Siphon ouvert réalisé avec une solution aqueuse de 0,75% d’oxyde de polyéthylène (Polyox WSR 301) : la séquence montre le développement du siphon à partir d’un versement initial hors du bêcher et (e) Détente élastique : la séquence montre ici la remontée d’un fluide élastique dans le bécher après qu’on l’ait coupé avec des ciseaux. Photographies tirées de [Boger et Walters,1993]

1.2.8 Effets élastiques, contraintes normales et viscosité