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Effet du traitement à l’acétate de plomb sur le contenu tissulaire en monoamines dans le cortex et le striatum

A. Neurotoxicité au plomb: conséquences sur l’activité fonctionnelle des ganglions de la base

I. Effet du traitement semi-chronique à l’acétate de plomb

I.8 Effet du traitement à l’acétate de plomb sur le contenu tissulaire en monoamines dans le cortex et le striatum

Dans le cortex frontal, on note une diminution significative de 36% de la concentration de la noradrénaline chez les rats traités à l’acétate de plomb par rapport aux contrôles (p=0,03; figure 32A), alors qu’aucune différence significative n’a été observée chez ce groupe concernant le contenu tissulaire de la 5-HT et du 5-HIAA dans cette structure (5-HT: p=0,55; 5-HIAA: p=0,69; figure 32B et 32C).

Dans le striatum, le traitement à l’acétate de plomb ne modifie pas les concentrations de la dopamine (test de Mann-Whitney, p=0,89 ; figure 32A) et de son métabolite DOPAC (p=0,40 ; figure 33B) ni celles de la sérotonine (5-HT) (p=0,16 ; figure 33C) et de son métabolite 5-HIAA (p=0,06 ; figure 33D).

Figure 32: Effet de l’acétate de plomb sur les concentrations tissulaires des monoamines et de leurs métabolites dans le cortex. A. Concentrations tissulaires de NA; B. Concentrations tissulaires de 5-HT; C. Concentrations tissulaires du 5-HIAA. * : Comparaison par rapport au groupe contrôle *p<0,05. L’analyse statistique a été réalisée en utilisant le test de Mann- Whitney. Les valeurs sont exprimées en moyenne ± ESM.

Figure 33: Effet de l’acétate de plomb sur les concentrations tissulaires de la dopamine et de son métabolite et de la sérotonine et de son métabolite dans le striatum. A. Concentrations tissulaires de DA; B. Concentrations tissulaires de DOPAC, C. Concentrations tissulaires de 5-HT; D. Concentrations tissulaires 5-HIAA. * : Comparaison par rapport au groupe contrôle L’analyse statistique a été réalisée en utilisant le test de Mann-Whitney. Les valeurs sont exprimées en moyenne ± ESM.

Discussion

Il a été rapporté que l'exposition cumulée au plomb augmente le risque de la PD et aurait comme conséquences la manifestation des symptômes moteurs et non moteurs (Tanner, 1989, Coon et al., 2006, Monnet-Tschudi et al., 2006, Weisskopf et al., 2010). Dans la présente étude, les résultats obtenus confirment que l’intoxication au plomb induit des déficits fonctionnels moteurs et non-moteurs mais en plus et pour la première fois, des changements importants dans l’activité électrique et métabolique des neurones du STN. Nous avons aussi montré que l’acétate de plomb induit des changements dans la teneur tissulaire en noradrénaline sans affecter celles de la dopamine et la sérotonine.

Ces résultats constituent des arguments très forts sur la neurotoxicité du plomb et sa capacité à engendrer des troubles cérébraux et plus spécifiquement l'induction d’une forme atypique de la PD. Dans la présente série d'expériences, 22 jours de traitement à l’acétate de plomb chez les rats Sprague-Dawley induit un blocage dans le gain de poids corporel comme précédemment rapporté par d’autres auteurs (Nehru and Sidhu, 2001, Correa et al., 2004, Oszlanczi et al., 2011). Ces résultats suggèrent que le plomb aurait des conséquences sur la fonction de nutrition comme cela a été proposé pour la plupart des substances environnementales toxiques (Franciscato et al., 2009). L’inhibition du gain de poids corporel pourrait être due à l’induction par le plomb d’une déficience dans le métabolisme qui sera dû à la présence des radicaux libres (Merry, 2002).

Dans le présent travail, l’inhibition enregistrée dans la prise de poids corporel est corrélée à une altération des performances comportementales s'exprimant par une réduction spectaculaire des comportements d'exploration et de motricité tels rapportés par des études antérieures (Reiter et al., 1975, Moreira et al., 2001, Reckziegel et al., 2011). De plus, la réduction obtenue dans les comportements moteurs est aussi associée à un niveau élevé d'anxiété révélé par le très faible pourcentage du temps passé dans les bras ouverts du labyrinthe en croix surélevé. L’ensemble de ces données sont en faveur de l’hypothèse émise dans nos objectifs que l'exposition semi-chronique à l’acétate de plomb affecte profondément à la fois les fonctions cognitives et la fonction locomotrice.

Les résultats de ce travail montrent que l’acétate de plomb perturbe la coordination motrice de façon significative, cette perturbation étant exprimée par la courte durée que le rat passe sur la barre de rotation dans le test du rotarod. Cette étude montre clairement un lien entre le déficit dans la coordination motrice et l’exposition au plomb. Il est clair que ces perturbations cognitives et motrices engendrées par le plomb reposent sur des bases anatomo- fonctionnelles. En effet, Il a été démontré, que le cortex cérébral et les ganglions de la base,

structures impliquées dans les fonctions cognitives et motrices sont connues pour être des cibles de ce métal dans le cerveau (Kala and Jadhav, 1995b, Leret et al., 2002). Cette altération dans les systèmes monoaminergiques suggère que ce métal peut affecter les structures centrales impliquées dans le contrôle du comportement moteur, tels que, les ganglions de la base. Il apparaît cependant que les déficits moteurs induits par le plomb ne sont pas liés à une déplétion dopaminergique comparable à celle rapportée dans la PD ou dans les modèles animaux de la maladie (Ungerstedt, 1968, Belujon et al., 2007, Delaville et al., 2011a). En effet, aucun changement n'a été observé dans les concentrations de dopamine et de son principal métabolite le DOPAC dans le striatum, contrairement à ce qui a été rapporté dans la littérature. Plusieurs études neurochimiques ont, en effet, suggéré que l'exposition au plomb réduit la neurotransmission dopaminergique nigro-striatale (Nation et al., 1989, Lasley, 1992, Cory-Slechta, 1995, Kala and Jadhav, 1995a, b, Cory-Slechta, 1997), ou augmente la libération spontanée de la dopamine dans le striatum (Zuch et al., 1998, Szczerbak et al., 2007).

Les effets induits par le plomb sur les niveaux de monoamines en général et de la dopamine en particulier dans différentes structures du cerveau s'appuient sur divers aspects tels que le niveau d'exposition, la durée de d’exposition, l'espèce animale utilisée, et le stade de développement des animaux pendant l’exposition. Ce qui peut expliquer pourquoi les études sur les effets de l’exposition au plomb sur les taux de catécholamines, l’activité de la tyrosine hydroxylase, l’activité de l'acétylcholinestérase, etc, sont controversées. Ceci va dans le sens des résultats obtenus où les niveaux de dopamine restent inchangés.

Par ailleurs, une étude publiée par Tavakoli-Nezhad et al. (2001) a montré que l’exposition au plomb entraîne une diminution du nombre de neurones dopaminergiques spontanément actifs sans affecter les paramètres de décharges (fréquence et mode de décharge) de ces neurones dans la SNc et VTA. L’absence de lien direct entre la perturbation des fonctions comportementales motrices induites par le plomb et la déplétion dopaminergique dans notre étude suggère fortement l'altération d’autres systèmes de neurotransmetteurs chez les rats traités à l’acétate de plomb, systèmes qui seraient impliqués dans le contrôle de ces fonctions.

La réduction de la noradrénaline dans le cortex obtenue dans ce travail peut refléter une altération des neurones noradrénergiques du LC induite par le plomb et qui par conséquent se traduirait par une réduction noradrénergique des afférences corticale. Cette diminution noradrénergique dans le cortex suite à l’intoxication au plomb positionne ainsi ce neurotransmetteur comme candidat pour expliquer l'altération des fonctions cognitives et les

déficits moteurs induits par le plomb. Bien que le système noradrénergique ait rarement été associé aux déficits moteurs dans les maladies neurodégénératives, un nombre non négligeable de preuves expérimentales suggère qu'il pourrait être impliqué dans les comportements moteurs anormaux. En effet, chez les souris knock-out (DBH-/ -), l’absence du gène qui code pour la synthèse de noradrénaline provoque une perturbation robuste de la fonction motrice et de la coordination motrice qui dans ce modèle, est spécifiquement liée à la déplétion de la noradrénaline (Rommelfanger et al., 2007). Récemment, des effets similaires ont été rapportés chez le rat après une déplétion noradrénergique induite par le DSP-4 sachant que ce dernier n’affecte ni le système dopaminergique ni le système sérotoninergique (Delaville et al., 2011a). Par ailleurs, il est connu qu’aux stades précoces de la PD, les déficits cognitifs sont souvent accompagnés par l'anxiété et la dépression, et de ce fait ont été en partie attribués aux niveaux réduits de la noradrénaline et de la sérotonine dans le cortex (Delaville et al., 2011a) plutôt qu’a la perte des cellules dopaminergiques (Owen et al., 1998).

En outre, nos résultats montrent clairement que l’hypoactivité et la baisse du comportement exploratoire induits par l'exposition au plomb ont été associées à l'anxiété comme le montre la forte réduction du pourcentage du temps passé dans les bras ouverts du labyrinthe en croix surélevé. Cependant, les rats traités à l’acétate de plomb ne présentent pas un comportement dépressif ou « depressive-like » puisque aucun changement n’a été observé dans le test de préférence au sucrose par rapport aux contrôles.

Toutes ces observations suggèrent fortement que les troubles induits par le plomb concernant les fonctions cognitives et motrices sont plus spécifiquement liés à une réduction de la noradrénaline. Selon la théorie de Braak, les symptômes non moteurs ainsi que les troubles moteurs liés à une déplétion noradrénergique sont connus pour être exprimés très tôt, bien en amont de la perte des cellules dopaminergiques de la SNc (Zarow et al., 2003, Braak and Del Tredici, 2008b). Dans notre modèle de neurotoxicité au plomb, les déficits moteurs et la réduction dans le contenu de la noradrénaline renforce l'hypothèse que la perte de la noradrénaline est un élément essentiel dans le déclenchement de déficits moteurs ressemblant à ceux du parkinsonisme.

L’implication du plomb dans les déficits moteurs et la coordination motrice est soutenue dans ce travail par la démonstration que le traitement semi chronique à l’acétate de plomb modifie le mode de décharge des neurones du STN, structure clé fortement impliquée dans le contrôle moteur. Il a en effet été reporté qu’après une déplétion en dopamine dans le contexte de la PD, l’activité neuronale du STN adopte un mode de décharge irrégulier et en bouffées ce qui représente un des aspects majeurs de la physiopathologie de la PD (Bergman

et al., 1994, Ni et al., 2001a, Belujon et al., 2007, Delaville et al., 2011b). De même, nous avons montré que le traitement semi chronique à l’acétate de plomb induit le changement d'un mode de décharge régulier à un mode irrégulier et en bouffées. En outre, comme dans les modèles animaux de la PD (Ni et al., 2001a, Meissner et al., 2005, Belujon et al., 2007), nous n’avons pas observé de changement dans la fréquence de décharge des neurones du STN chez les rats traités à l’acétate de plomb. Les changements dans le mode de décharge des neurones du STN obtenus après intoxication par le plomb ont été corrélés à une forte augmentation dans le métabolisme du STN mesuré par histochimie de la cytochrome oxydase. Le lien entre la perturbation motrice induite par le plomb et l'hyperactivité du STN dans notre paradigme implique une modulation noradrénergique directe ou indirecte de l'activité neuronale du STN. Nos résultats sont en accord avec des données récentes montrant que la déplétion noradrénergique induite par le DSP-4- provoque des déficits moteurs qui s’expriment en parallèle avec des changements du mode de décharge des neurones du STN (Delaville et al., 2011a). Le mécanisme exact impliqué dans la modulation du STN par la noradrénaline suite au traitement au plomb reste à être déterminé. D'un point de vue fonctionnel, il est possible qu’un dysfonctionnement de la transmission noradrénergique influence sur l'activité corticale et modifie par conséquent l'activité électrique des neurones du STN. Une déplétion directe de la noradrénaline afférente au STN peut être également à l'origine des changements observés. Le STN est en effet l'une des structures des ganglions de la base qui est intensément innervée par les terminaisons noradrénergiques (Boyajian et al., 1987, Canteras et al., 1990) et il a été démontré que des agents noradrénergiques peuvent moduler l'activité neuronale du STN et ayant un impact sur le comportement moteur chez le rat (Belujon et al., 2007).

En conclusion, notre étude apporte de nouvelles preuves quant à l'implication du plomb, en tant que produit toxique de l'environnement, dans l'induction de déficits moteur et non moteur associés à une désorganisation de l'activité des neurones du STN. Ces anomalies sont similaires à celles de la PD. Cependant, comme le système dopaminergique n'est pas affecté, ces troubles cognitifs et moteurs seraient liés aux syndromes d’un parkinsonisme atypique engendrant des symptômes « parkinsonian- like ».

II. Impact du traitement chronique à l’acétate de plomb : comparaison avec le modèle