• Aucun résultat trouvé

2.4.1 La régularisation par effet retard

Needleman [Nee88] a montré que si l’on prend en compte la dépendance au taux de défor-mation dans la loi de comportement d’un matériau, il n’y a plus de perte d’ellipticité pour le

problème quasi-statique et la vitesse des ondes demeure réelle pour le problème dynamique. Le problème reste bien posé tant que le niveau de contrainte reste faible devant la raideur élastique. La dépendance au taux de déformation introduit de manière implicite une longueur dans le problème aux limites sans que celle-ci soit un paramètre de la modélisation. C’est cette longueur qui permet la régularisation de la solution. Needleman montre dans cet article comment un comportement visco-plastique permet de rendre la solution indépendante de la discrétisation spatiale à la fois dans le cas d’un chargement statique et d’un chargement dynamique. D’autres études ont confirmé ce résultat par la suite [Slu92, BMPS93, Suf04, PSS08].

Le même principe a été appliqué par la suite dans la cadre des modèles d’endommagement. L’introduction d’une dépendance en vitesse ralentit l’évolution de l’endommagement (on parle d’endommagement retardé ou d’endommagement à effet retard) et régularise la solution. En effet, en retardant l’endommagement, on laisse le temps à une zone plus importante de s’en-dommager, la déformation n’est plus localisée dans un unique élément. La première formulation d’un modèle d’ endommagement à effet retard semble être due à Ladevèze [Lad91, Lad92] qui propose la loi d’évolution de l’endommagement suivante pour les composites stratifiés :

˙

D = 1

mhY−Y (d)Y

c inpour D≤ 1 (4.25)

Y(D) = Y0+Ycd sinon

Elle fait intervenir deux paramètres m et n déjà rencontrés aux paragraphes 2.4 et 2.5 du chapitre 3 et Y0et Ycsont des constantes qui définissent l’évolution de l’endommagement. Par la suite, cette loi a été modifiée, toujours pour la modélisation des composites stratifiés de manière à introduire une borne supérieure pour la vitesse d’endommagement [AD97] :

˙

D = D˙(1 − exp[−bhg(εe) − Di]) pour D ≤ DDDc (4.26) D = Dc sinon

où ˙D est l’inverse d’un temps caractéristiqueτb. La justification physique de cette borne est que la rupture sous l’effet d’un chargement croissant ne peut pas être instantanée. Elle doit donc être gouvernée par un temps interne caractéristique qui traduit un certain retard. Combinée avec une analyse dynamique, ce temps caractéristique introduit une longueur caractéristique à travers la vitesse des ondes. La distinction doit être faite pour les composites entre les modèles d’en-dommagement retardé et les modèles de viscosité. Certains composites fragiles (les stratifiés epoxy/verre par exemple) ont un comportement éminemment visqueux. Pour autant le temps caractéristique introduit n’est pas lié au processus de rupture, il différe du temps caractéristique de l’endommagement retardé de plusieurs ordres de grandeur. Ce temps caractéristique est déterminé à partir de la longueur caractéristique du matériau, elle-même fonction de la micro-structure. L’endommagement à effet retard ne sert donc pas le plus souvent à reproduire un effet de la vitesse de sollicitation puisque celui-ci n’existe pas pour les composites étudiés. C’est un outil de modélisation qui permet de rendre la rupture non instantannée et de ce fait régulariser la solution du problème.

La même loi d’évolution a ensuite été appliquée pour des matériaux métalliques dans le cas de sollicitations dynamiques [Suf04] puis pour les bétons et la glace [CMCO08] .

2.4.2 Modèle local et non-local d’endommagement anisotrope à effet retard

Pour les matériaux fragiles comme le béton, et contrairement aux matériaux précédemment cités, il existe un effet de la vitesse de sollicitation, que l’on reproduit pour le modèle d’endom-magement isotrope par une loi visqueuse d’évolution de l’endomd’endom-magement [DPCL96a]. Pour le modèle présenté, la loi de viscosité s’inspire fortement de celle proposée par Allix et Deü dans le cas de l’endommagement à effet retard, mais a été modifiée pour le cas d’un endommagement anisotrope :

H

(trεεε)tr ˙DDD= ˙D[1 − exp(−b(g(bεεε) − tr DDD))]

On pourra confondre "effet retard" et "viscosité" à la condition que le temps caractéristique introduit dans la loi d’évolution de l’endommagement soit du même ordre de grandeur dans les deux cas.

Pour le cas de la viscosité, on identifie ce temps interne à partir des courbes donnant l’accroissement de résistance en fonction de la vitesse de sollicitation. On a identifié au chapitre précédent la vitesse maximale de propagation de l’endommagement : ˙D≃ 50000 s−1. Cette vitesse peut être reliée au temps caractéristique parτb= D˙1

, soitτb≃ 2.10−5s.

On définit généralement la longueur caractéristique du béton comme étant égale à 4 fois la taille du plus gros granulat soit de l’ordre de la dizaine de centimètre. (C’est tout du moins ce qui est fait quand il s’agit de définir la longueur caractéristique d’un modèle non local). On peut relier cette dimension au temps caractéristique par c la célérité des ondes, on obtient alorsτc = lc/c ≃ 2,4.10−5s avec c=q

E

ρ ≃ 4200m/s.

Les deux temps caractéristiques calculés,τbetτcsont très proches, on peut donc considérer que le modèle de visco-endommagement présenté au chapitre 3 est un modèle d’endommage-ment à effet retard dans le sens où Allix et Deü l’ont défini. Ce modèle peut donc a priori d’une part reproduire l’effet de vitesse et d’autre part régulariser la solution avec un unique jeu de paramètre. On ne refait pas ici la description du modèle et de son intégration numérique puisque rien ne diffère de ce qui a été présenté au chapitre précédent.

Comme on l’a montré au chapitre 3, l’effet de vitesse sur la résistance en traction du béton est sensible à partir d’une certaine valeur de ˙ε, de l’ordre de 1.s−1 En deçà, la contrainte de pic en traction est égale à la contrainte de pic en quasi-statique. Si le matériau n’est pas sensible à l’effet de vitesse, il n’y a donc a priori pas de régularisation de la solution pour des tailles de mailles et de pas de temps raisonnables. L’effet retard n’est donc pas pour notre modèle et avec les paramètres retenus, un limiteur de localisation judicieux pour les faibles vitesses de sollicitation.

Afin de permettre la régularisation de la solution sur la totalité de la gamme des vitesses de sollicitations, on propose un modèle non-local d’endommagement à effet retard. Ce modèle doit permettre de reproduire l’effet de vitesse pour toutes les vitesses de sollicitation, de régulariser la solution en dynamique grâce à l’effet retard et et de régulariser la solution en statique par son caractère non local. La loi d’évolution s’écrit à f = g(bεnl

) − trDDD= Dv avecbεnl comme définie au paragraphe 2.2 ; elle devient :

H

(trεεε)tr ˙DDD= ˙D[1 − exp(−b(g(bεnl

) − trDDD)))] (4.27) avec la désactivation des dommages en dynamique, on l’écrit :

H

(trεεε) ˙dact = ˙D[1 − exp(−b(g(bεnl

) − dact)))] (4.28)