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CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS GENERAUX

I. PROCESSUS CENTRAUX ET PERIPHERIQUES : CONCEPTION SERIELLE OU EN CASCADE ?

I.3. Effet de la position de l’irrégularité

Il nous apparait que la position de la séquence irrégulière ou inconsistante au sein d’un mot irrégulier est une donnée cruciale pour en interpréter les effets sur la dynamique de l’écriture. Ainsi, que ce soit au niveau de la conversion phono-graphémique ou celui de la planification des schèmes moteurs, le traitement de l’information est généralement considéré comme se produisant de manière séquentielle, unité par unité. L’observation des effets de la position de la séquence irrégulière peut donc nous renseigner sur l’organisation temporelle des processus sous-jacents. Cela peut par exemple se manifester en lecture à l’oral par un coût de l’irrégularité sur les latences qui diminue graduellement au fur et à mesure que l’irrégularité est proche de la finale du mot (Coltheart & Rastle, 1994). De la même manière à l’écrit, toujours en utilisant des monosyllabiques, Bonin et al. (2001b) ont d’abord montré que seule une inconsistance initiale affectait les latences en dénomination écrite d’images (s’agissant uniquement de monosyllabiques, l’inconsistance était située sur l’attaque ou la première voyelle). Mais l’effet d’une inconsistance finale était ensuite bien présente en écriture sous dictée. Selon ces auteurs, ce résultat en dictée s’oppose à l’hypothèse selon laquelle l’écriture débute dès que la première lettre est encodée. L’absence d’effet en dénomination, montrant au contraire une résolution de l’irrégularité après le début de la production, proviendrait du fait que les activations sémantiques permettent la récupération de la représentation orthographique de manière très rapide ; un processus qui interviendrait avant que la procédure de conversion phono-graphémique n’ait atteint la fin du mot. Bien qu’ils n’aient eux pas rapporté d’effet sur les

latences de la présence d’une irrégularité dans une tâche de copie, Roux et al. (2013) ont montré que la durée d’écriture de chaque lettre était modulée par la position de cette irrégularité. Une irrégularité au début du mot serait résolue (ou le coût du conflit central se répercuterait) au moment de la production de la première lettre, alors que l’effet serait plus diffus (tout au long de l’écriture du mot) lorsque l’irrégularité est à la fin du mot. Des effets différents de la position de l’irrégularité ou de l’inconsistance, sur les latences ou sur les durées de production ont donc été rapportés au travers de tâches d’écriture sous dictée, de dénomination écrite ou de copie mais ceux-ci semblent plutôt plaider en faveur de la conception en cascade.

Quoi qu’il en soit, ces résultats démontrent une certaine séquentialité dans la procédure de conversion (qui génère un conflit en cas d’irrégularité) et renforce selon nous la nécessité de prendre en compte la position de la séquence irrégulière lorsque l’on s’intéresse à ses effets sur le comportement. Les calculs de régularité proposés Soum (1997) (basés sur la somme des fréquences des mots contenant une relation phonie-graphie donnée), nous fournissant des mesures distinctes sur les positions initiale, interne et finale, pourront nous être utiles à cette fin. Comme précédemment, si les mesures de consistance de la base de données LEXOP fournissent des mesures de consistances détaillées pour toutes les composantes du mot (i.e. attaque, rime, coda), elles ne nous semblent pas compatibles avec un travail utilisant des mots de plusieurs syllabes. Lorsque nos propres mesures de consistances seront mises en œuvre, la position de la séquence considérée sera une dimension à prendre en compte.

II. NEUROANATOMIE DES PROCESSUS CENTRAUX ET

PERIPHERIQUES DE L’ECRITURE

II.1. Etudier le réseau cérébral de l’écriture en neuroimagerie

On dispose aujourd’hui d’un certain nombre de travaux réalisés en neuroimagerie de l’écriture manuscrite qui, bien qu’ils restent rares par comparaison à d’autres modalités langagières, devraient permettre de tirer un certain bilan. Différentes approches méthodologique ont pu être utilisées dans le but d’identifier ce que les chercheurs peuvent parfois désigner comme les « centres de l’écriture » chez le sujet sain. Ces « centres » peuvent désigner de manière générale un socle commun de processus parmi la diversité des processus engagés dans les différentes tâches d’écriture ; celles-ci pouvant varier selon l’entrée (entrée auditive dans une tâche d’écriture sous dictée, visuelle dans une tâche de dénomination écrite d’images, ou de copie de mots lus, conceptuelle dans l’écriture spontanée ou la génération sémantique), selon la sortie (réel tracé sur une feuille avec un stylo, écriture avec le doigt dans

les airs, écriture tapée sur clavier d’ordinateur, voire écriture « imaginée »), ou selon le contenu du message (lettres, mots, phrases, textes développés ; mots rares/fréquents, réguliers/irréguliers, pseudo-mots, etc.). Il est ainsi courant dans les expérimentations d’utiliser deux types de tâches contrôles : une tâche visant à contrôler les processus d’entrée, que l’on pourra qualifier par extension de processus centraux, et une tâche visant à contrôler les processus moteurs de sortie, qualifiés par extension de processus périphériques (quoique, on l’a vu, la dénomination « processus périphériques » désigne davantage dans les modèles cognitifs de l’écriture que la simple exécution motrice).

L’ambition du présent travail est donc d’apporter une contribution au débat sur la localisation anatomique et fonctionnelle de tels « centres de l’écriture », et en particulier d’examiner la distinction, au sein du réseau cérébral de l’écriture manuscrite, entre des aires fonctionnelles associées au traitement central, linguistique, de l’entrée, et des aires plutôt associées au contrôle moteur, périphérique, de la sortie. Les travaux mis en œuvre incluront un travail de synthèse, quantifiée, des travaux publiés jusqu’à présent (Chapitre VI), ainsi que la conduction de deux expérimentations utilisant l’IRM fonctionnelle (Chapitres VII et VIII).

Il s’agira notamment de confirmer l’implication et de préciser le rôle d’un certain nombre d’aires corticales que différentes études antérieures, qu’elles soient neuropsychologiques (au travers de l’étude des agraphies), en neuroimagerie, ou en stimulation corticale directe, ont d’ores et déjà mis en évidence : le cortex moteur et sensori-moteur, l’aire motrice supplémentaire, le cervelet, le cortex temporo-occipital inférieur gauche (impliqué dans l’agraphie lexicale, parfois rapporté activé en neuroimagerie lors de l’écriture de mots), les régions frontales inférieures et temporales supérieures (impliquées dans l’agraphie phonologiques, rapportées activées en neuroimagerie tantôt en lien avec la voie phonologique, tantôt avec la voie lexicale), la région pariétale inférieure (un centre de l’écriture a été identifié dans le gyrus angulaire, des perturbations phonologiques seraient causées par la stimulation électrique du gyrus supramarginal), et, tout particulièrement, deux aires qui apparaissent régulièrement activées (et associées à l’agraphie pure), que sont la région pariétale supérieure gauche et frontale supérieure gauche (GMFA). Afin de faire progresser notre compréhension sur le rôle fonctionnel de ces différentes aires, nous chercherons de plus à examiner des effets de longueur orthographique (indices du recrutement du buffer graphémique) et des effets de l’âge d’acquisition des mots produits (proposés comme indices de l’accès lexico-orthographique, mais distincts des effets de fréquence lexicale, cf. Chapitre I.II.2.2).

II.2. Rôle de la GMFA dans l’écriture : à l’interface des processus