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Effet de la porosité et de la distance inter-feuillets

Chapitre 1 : Généralités et état de l’art sur l’irradiation des matériaux inorganiques hydratés

4.2.4 Effet de la porosité et de la distance inter-feuillets

plus, cet effet n’est pas identique selon les paramètres d’irradiation comme par exemple le pH ou la composition de la solution interstitielle.

4.2.4 Effet de la porosité et de la distance inter-feuillets

4.2.4.1 Effet de la porosité : cas des matrices cimentaires, des verres et des zéolithes

Dans les matrices cimentaires, les rendements primaires des espèces moléculaires (H2, H2O2) sont modifiés du fait de l’hétérogénéité du milieu (présence de pores). Le confinement de l’eau à l’intérieur des pores a pour effet d’augmenter la probabilité de recombinaison des radicaux, et ce d’autant plus lorsque leur taille est inférieure au libre parcours moyen de diffusion dans l’eau des espèces radicalaires (e- par exemple).

Un autre effet de la porosité dans les matrices cimentaires est observé sous rayonnement gamma. Bien que les rayons gamma déposent l’énergie au sein du matériau de façon homogène, les pores sont le lieu d’une hétérogénéité de dépôt d’énergie. La différence entre les numéros atomiques moyens des milieux traversés (matrice solide et eau interstitielle) entraîne le transfert d’un certain nombre d’électrons de la matrice solide vers la solution interstitielle. Une étude sur la zircone poreuse [114] a montré que l’énergie déposée dans l’eau des pores est cinq fois plus élevée que celle déposée dans l’eau libre.

Pour démontrer l’influence de la porosité, une étude [115] sur deux types de configurations a été menée. Une configuration « compacte » avec un rapport eau/ciment de 0,3 et une configuration « poreuse », plus riche en eau avec un rapport eau/ciment de 0,45. Après irradiation, la quantité de dihydrogène produite dans la configuration poreuse est supérieure à celle obtenue dans la configuration compacte. L’énergie transmise à l’eau des pores augmente dans le cas d’un matériau synthétisé à partir d’un rapport solide/eau plus élevé. C’est l’effet Compton représenté sur la Figure 20.

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Figure 20 : Représentation schématique du transfert d’électrons Compton supplémentaires à l’interface solide-liquide

Cet effet de porosité est également observé dans les verres de porosité contrôlée (Controlled Pore Glasses ou CPG) [104]. Les rendements radiolytiques de production de dihydrogène et de peroxyde d’hydrogène (H2O2) ont été mesurés après irradiation gamma et électronique afin de mettre en évidence les transferts d’énergie supplémentaires entre la matrice solide et l’eau confinée dans les pores. De plus, les mesures ont également été réalisées sur des verres secs ou hydratés afin de démontrer le rôle de la radiolyse de l’eau dans les mécanismes de production de H2.

Dans les verres de silice, deux mécanismes participent à la formation de dihydrogène. Le premier est la réaction d’un exciton avec l’eau adsorbée à la surface des pores (Eq 44). Dans le second, l’exciton réagit avec des silanols présents à la surface des pores. Les Eq 42 à Eq 46 résument ces deux phénomènes. 𝑆𝑖𝑂2𝐼𝑟𝑟𝑎𝑑𝑖𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛→ 𝑒+ ℎ+ Eq 42 𝑒+ ℎ+→ 𝑒𝑥𝑐𝑖𝑡𝑜𝑛3 Eq 43 𝑒𝑥𝑐𝑖𝑡𝑜𝑛 3 + 𝐻2𝑂 → 𝑂𝐻+ 𝐻 Eq 44 𝑒𝑥𝑐𝑖𝑡𝑜𝑛 3 + ≡ 𝑆𝑖 − 𝑂𝐻 →≡ 𝑆𝑖 − 𝑂+ 𝐻 Eq 45 𝐻+ 𝐻→ 𝐻2 Eq 46

La première étape est la création d’une paire électron-trou sous l’effet du rayonnement. Cette paire peut rester liée par des interactions coulombiennes et se nomme alors exciton. Si l’exciton n’est pas piégé dans le matériau, il peut migrer en surface pour réagir avec l’eau adsorbée ou les silanols. Une réaction de recombinaison radicalaire entre deux H forme H2.

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Des mesures ont été réalisées sur des verres hydratés (Figure 21) pour mettre en évidence le premier mécanisme responsable du dégagement de dihydrogène.

Figure 21 : Production de dihydrogène lors de l'irradiation avec des électrons de haute énergie de verres de différentes porosités [104]

Les résultats montrent qu’à dose identique, la production de dihydrogène augmente lorsque la taille des pores diminue et quand la surface spécifique augmente. Plus la surface spécifique est grande, plus la quantité d’eau adsorbée à la surface des pores augmente. La réaction présentée en Eq 44 est donc favorisée et le dégagement de dihydrogène augmente.

Le second mécanisme peut être mis en évidence lors de l’irradiation par pulses d’électrons de verres séchés (Figure 22).

CPG 8 nm CPG 25 nm CPG 50 nm CPG 300 nm

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Figure 22 : Production de H2 dans des verres séchés ayant différentes tailles de pores et en fonction de la dose d’irradiation avec des électrons [104]

La quantité de dihydrogène produite pour un verre hydraté est bien plus élevée que pour un verre séché. A 1 MGy, pour un verre ayant des tailles de pores de 300 nm par exemple, cette production est d’environ 5.10-5 mol/g d’eau alors qu’elle n’est que de 3.10-7 mol/g d’eau dans le cas d’un verre sec. De plus, l’évolution de la quantité de dihydrogène produite n’est plus linéaire après 1 MGy et atteint un plateau. Le dégagement d’H2 décrit par ce mécanisme est donc négligeable face à la radiolyse de l’eau adsorbée. Par ailleurs, cette observation a été confirmée lors du même type d’irradiation sur des silices SBA-15 [116]. Concernant l’effet de la porosité, les mêmes résultats sont retrouvés : plus les tailles de pores sont petites, plus le dégagement d’H2 est grand.

Cet effet du confinement de l’eau a également été démontré dans les zéolithes [117-120]. Des zéolithes de type 4A ont été irradiées par rayonnement gamma [117]. Une augmentation du rendement de production de dihydrogène a été observée par rapport à celui de l’eau libre. Cette évolution serait attribuée à des transferts d’énergie et à une structuration de l’eau. En considérant l’énergie déposée dans l’eau, le calcul de rendement montre un maximum pour une teneur en eau de 4 %. A ce taux, l’eau est confinée dans les cages β, qui sont de petites tailles (diamètre 6,6 Å). Dans cette microporosité, l’eau possède une plus forte interaction avec la surface de la zéolithe et se structure. Cette eau est d’ailleurs difficile à éliminer. Un vide secondaire n’est pas suffisant pour sécher la zéolithe à température ambiante. Un traitement thermique est donc nécessaire [121]. Par contre, en considérant l’énergie déposée dans l’ensemble du matériau (zéolithe et eau), le maximum de rendement se trouve à 13 %. A cette teneur, l’eau recouvre toute la surface de la zéolithe. Ainsi, les phénomènes de transfert d’énergie sont optimisés puisqu’ils se produisent à l’interface solide/liquide.

CPG 8 nm CPG 25 nm CPG 50 nm CPG 300 nm

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Ces transferts d’énergie ont également été observés pour des matériaux en suspension dans de l’eau. Une augmentation du rendement de production de dihydrogène a notamment été démontrée lors de l’ajout de particules de zéolithe en suspension [122].

Dans le cas de suspension de silice, une augmentation du nombre d’électrons hydratés a également été constatée [123]. L’énergie absorbée par les nanoparticules (de 7 à 22 nm) de silice est transférée au liquide par le biais d’électrons secondaires. Si aucun piégeage ou recombinaison n’a lieu dans la silice ou la phase aqueuse, ces électrons se thermalisent une fois arrivés dans la solution. Il en résulte une augmentation du nombre d’électrons hydratés dans la solution en contact avec le solide. Cet effet est d’autant plus efficace lorsque la taille des particules est inférieure à 10 nm. L’émission d’un électron secondaire s’accompagne de l’apparition d’un trou (h+). Sa mobilité étant réduite au sein de la silice, il ne peut pas diffuser dans la phase aqueuse. Cela pose par ailleurs la question du devenir de ces trous.

Enfin, ce type d’étude a également été réalisé sur de nombreux oxydes au regard du dégagement de dihydrogène. Trois catégories d’oxydes ont ainsi pu être définies [124] : les oxydes responsables d’une augmentation des rendements de dihydrogène (ZrO2, Nd2O3…), ceux responsables d’une diminution (CuO, MnO2…) et ceux qui n’ont aucun effet (SiO2, CeO2, Al2O3, TiO2…). L’énergie entre les bandes de valence et de conduction (gap) de ces différents oxydes expliquerait leur effet ou non sur les rendements. Quand le gap de l’oxyde est proche de l’énergie de la liaison H-OH (5,1 eV) alors les rendements en dihydrogène augmentent. Par ailleurs, ce classement contredit certaines études [105, 125, 126] qui démontrent que des transferts d’énergie ont bien lieu entre la silice et le liquide et que ceux-ci sont responsables d’une augmentation du rendement radiolytique de production de dihydrogène. Ces différences peuvent provenir du fait que la taille et la concentration de ces oxydes en suspension doivent également être prises en compte car ces paramètres sont également susceptibles de modifier les rendements de dihydrogène. Il est généralement convenu que, plus la taille des particules augmente, plus le rendement en dihydrogène diminue [124, 127].

4.2.4.2 Effet de la distance inter-feuillets : cas des argiles

La radiolyse de l’eau dans les argiles (montmorillonite) a été étudiée en fonction de divers paramètres sous irradiation par faisceau d’électrons et notamment en fonction de la distance inter-feuillets [106]. En traçant l’évolution du rendement radiolytique de production de dihydrogène selon cette distance, deux comportements peuvent être mis en évidence (Figure 23).

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Figure 23 : Evolution du rendement radiolytique de production de dihydrogène en fonction de la distance inter-feuillets d’une montmorillonite [106]

Lorsque la distance (d001) est plus faible que 1,3 nm, l’espace entre les feuillets varie entre 0 et 1 couche d’eau. Le rendement radiolytique augmente alors avec la distance inter-feuillets et donc avec le nombre de couches d’eau. Au-delà de 1,3 nm, le G(H2) atteint un palier dont la valeur est proche de celle obtenue lors de la radiolyse de l’eau libre par faisceau d’électrons (4,5.10-8 mol/J [128]). Ainsi, pour un espace inter-feuillet suffisamment grand, l’eau réagit comme l’eau libre. Ce cas est comparable à celui des verres de porosité contrôlée en faisant l’analogie entre la taille des pores et la distance inter-feuillet.