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Effet des interactions électrostatiques

2.5 Discussion

2.5.1 Effet des interactions électrostatiques

Les interactions électrostatiques attractives entre un agrégat chargé et une molécule polaire et/ou présentant un moment dipolaire induit devraient conduire à des sections effi- caces d’attachement supérieures à la section efficace géométrique [53, 42]. Ainsi des mesures expérimentales en science de l’atmosphère montrent que les germes chargés augmentent la formation d’aérosols [54]. L’effet étant supposé être plus fort pour les plus petites tailles. Ceci est en contradiction avec nos résultats, où au contraire la section efficace est d’autant plus inférieure à la section efficace géométrique que la taille est petite.

Nous donnerons une estimation de la section efficace en prenant en compte les effets électrostatiques et nous justifierons la valeur du rayon moléculaire de l’eau que nous avons utilisée. Nous discuterons de l’effet attendu de la nature de la charge sur les sections efficaces d’attachement.

Modèles électrostatiques pour déterminer les sections efficaces de capture

Pour déterminer la section efficace d’attachement en considérant les interactions élec- trostatiques, nous utilisons des modèles de type Langevin dans la théorie ADO (average dipole orientation). Ces modèles sont basés sur les trajectoires classiques pour une molécule neutre (polarisable) présentant un moment dipolaire linéaire dans le champ d’une charge ponctuelle [55]. L’orientation du dipôle est moyennée sur l’ensemble des orientations.

Dans l’approche ADO, le potentiel effectif d’interaction entre un ion et une molécule neutre polarisable s’exprime, en unités atomique :

V(r) = − α 2r4 − ClµD Ecm + Ecmb2 r2 (2.25)

Le premier terme représente l’interaction du dipôle induit, α étant la polarisabilité de la molécule projectile et r la distance entre le centre de l’agrégat et la molécule. Le second terme est l’interaction avec le dipôle permanent, avec µD le moment dipolaire électrique de

la molécule, Cl est la "dipole locking constant" introduite par Su et al [56] et Ecml’énergie

de collision dans le centre de masse. Le dernier terme est la barrière centrifuge, où b est le paramètre d’impact. Pour l’eau, le paramètre Cl est pris égal à 1. En effet les simulations

numériques[57] que nous évoquerons plus tard montrent que dans nos conditions le dipôle de la molécule est toujours orienté dans la direction de l’agrégat [57].

Le tableau 2.3 nous donne les différentes données utiles pour les différentes molécules traitées, valeurs prises dans le Handbook of Chemistry and Physics [58].

espèce eau méthanol éthanol

α (×1024 cm3) 1, 46 3, 29 5.11 − 5.41

α (unités atomiques) 9, 85 22, 2 34, 5

µD (Debye) 1, 8546 1.70 1, 69 (moyenne)

µD (unités atomiques) 0, 73 0, 67 0, 66

Table 2.3 – Tableau résumant pour les espèces étudiées la polarisabilité α ainsi que le moment

dipolaire électrique µD

L’expression de la section efficace dans cette théorie ADO [59, 56] est :

avec : b2ADO = ClµD Ecm + s Ecm (2.27)

Pour prendre en compte la taille de l’agrégat, Kummerlöwe et al [60] proposent une version améliorée de la théorie ADO avec deux modèles : le modèle HSA (hard sphere average) où la charge de l’agrégat est fixée au centre de l’agrégat supposé sphérique, et le modèle SCC (Surface Charge Capture) où la charge est mobile à la surface de l’agrégat, et est en vis-a-vis de la molécule en raison de l’interaction attractive. Pour le premier modèle on a la section efficace suivante :

σHSA = σADO , si Ecm≤ E∗ (2.28) = σgeo+ π C lµD Ecm + α 2D2E cm  , pour Ecm> E∗ (2.29)

Dest la somme des rayons de la molécule et de l’agrégat D = Rag+rvap. L’énergie E∗,

E= α/2D4, est l’énergie de collision pour laquelle σADO devient inférieure à la section

efficace géométrique σgeo.

Pour le second modèle, SCC :

σSCC = π(Rag+ bADO)2 (2.30)

Afin de pouvoir déterminer les sections efficaces prédites par ces modèles, un paramètre important est le rayon de l’agrégat (et le rayon de la molécule projectile). Ces rayons peuvent être déduits à partir de la densité macroscopique des espèces chimiques concernées.

Sections efficaces électrostatiques et rayon moléculaire

Estimer avec précision le rayon moléculaire est assez difficile, mais cette donnée nous est nécessaire pour estimer une section efficace géométrique. On peut supposer que les agrégats ont la même densité que le solide ou le liquide macroscopique, et en déduire le rayon moléculaire. En déduisant un rayon à partir de la densité de l’eau liquide, de l’eau surfondue ou de la glace, celui-ci peut prendre des valeurs comprises entre 1, 93 et 1, 98 Å. On considère généralement la dernière valeur, celle de la glace, de 1, 98 Å, les agrégats aux températures où l’on travaille étant considérés comme solides. Il est cependant fort probable que les agrégats aient une densité différente de la valeur donnée par le solide macroscopique.

Nous pouvons voir sur la figure 2.17 les sections efficaces d’attachement obtenues pour les deux modèles SCC et HSA prenant en compte les interactions électrostatiques. Ce sont les prédictions pour l’eau en prenant un rayon moléculaire de 1, 98 Å. Les données expérimentales obtenues pour les sections efficaces d’attachement à 22 eV ont également été tracées.

Aux grandes tailles, le modèle de type HSA, où la charge se trouve au centre de l’agrégat sous-estime la section efficace d’attachement, quand le modèle SCC, avec la charge en surface, sur-estime plutôt cette dernière.

Nous avons également tracé sur cette figure les sections efficaces géométriques en sup- posant un rayon moléculaire pour l’eau de 1, 98 Å et de 2, 4 Å. Le rayon de 2, 4 Å est déduit des données expérimentales en supposant que les sections efficaces convergent aux grandes tailles vers la section efficace géométrique. Ceci est fait en laissant le rayon moléculaire comme paramètre libre lors de l’ajustement des données avec la formule 2.23, avec pour

2.5. DISCUSSION

Figure 2.17 – Sections efficaces obtenues dans le cas de modèles prenant en compte les interac-

tions électrostatiques de type HSA et SCC et comparaisons avec un modèle de sphères dures pour un rayon déduit du solide macroscopique σgeoou pour le rayon déduit du modèle dynamique σexp.

Les valeurs expérimentales à 22 eV sont également tracées.

l’expression de la section efficace géométrique l’expression 2.15. La section efficace géomé- trique σexp déduite à partir de ce rayon se trouve entre les prédictions des deux modèles de

Langevin. Ce résultat suggère deux cas de figure possibles. Soit nous avons bien une den- sité de l’agrégat équivalente à celle du solide macroscopique, donc un rayon de 1, 98 Å, et un effet des interactions électrostatiques visible sur la section efficace aux grandes tailles. Soit la densité dans les agrégats est différente de celle du solide macroscopique et le rayon moléculaire d’un constituant est de 2, 4 Å et les interactions électrostatiques ont un effet négligeable sur les sections efficaces.

Comme l’évolution avec la taille des valeurs déterminées par les modèles électrosta- tiques ne diffère pas beaucoup des valeurs que nous pouvons déterminer en partant du simple modèle géométrique, on se contente donc de continuer à utiliser la formule 2.15 dans le modèle empirique.

Influence de la nature de la charge

L’effet de la nature de la charge, positive ou négative, semble avoir un rôle significatif dans les mesures de taux de nucléation [61]. En fonction des systèmes étudiés, la préférence de signe semble varier en fonction de la nature chimique des constituants [62, 61]. Depuis la première expérience en chambre de nucléation par Wilson en 1897 [63], il a pu être observé que la nucléation dans une vapeur d’eau supersaturée est favorisée par les espèces négativement chargées comparées aux positives. La nucléation de l’eau semble favorisée par les anions mais l’explication de cet effet est sujet à controverse [62, 64, 65].

L’équipe a réalisé des mesures sur des agrégats d’eau de charges positive et négative afin de mesurer l’effet de cette charge sur les sections efficaces d’attachement. Ces mesures ont été effectuées précédemment à ma thèse [21] et comparent les sections efficaces pour des agrégats protonés (H2O)nH+et déprotonés (H2O)n−1OH−. Les sections efficaces d’at- tachement obtenues pour les deux types d’agrégats sont du même ordre de grandeur et présentent la même dépendance en taille. Elles tendent vers la même valeur de la section efficace géométrique pour les deux types d’agrégats. Les sections efficaces pour les agrégats protonés semblent être légèrement inférieures que pour les déprotonés pour les plus petites

tailles, mais cet effet n’est pas assez marqué au vu de la précision de nos mesures pour pouvoir être définitivement confirmé.