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PARTIE 1 : Synthèse bibliographique

2. La sporulation microbienne dans le cadre d’interactions plante-microorganisme

2.3. Conséquences de la sporulation sur l’interaction microorganismes - plantes

2.3.1. Effet sur la fitness et l’infectivité des souches

La première étape de ce paragraphe consistera à définir le terme de fitness. La fitness est

souvent vue en microbiologie comme l’aptitude d’une population de microorganismes à croître dans les conditions qui lui sont soumises (nutriments, température, divers éléments chimiques et physiques, …) ou leur aptitude compétitive lors d’une confrontation avec des

populations de souches différentes. Le microorganisme étudié a donc une fitness correcte

s’il est bien adapté à son milieu (Sanchez, 2002). En écologie évolutive la fitness, ou valeur sélective, serait plutôt décrite comme étant la capacité d’un individu à survivre et à se

reproduire dans un environnement donné ; c’est une mesure de la sélection naturelle. La

fitness est évaluée par le nombre de descendants aptes à se reproduire que l’individu étudié

est capable de produire à la génération suivante. La fitness des organismes en interaction avec les plantes est donc fortement liée à leur capacité à se reproduire, se disséminer mais aussi à leur infectivité. L’infectivitése caractérise alors par la capacité d’une souche à infecter les racines de sa plante hôte, compatibilité liée à son spectre d’hôte (capacité de s’associer avec une ou plusieurs espèces de plantes).

En ce qui concerne les champignons, la fitness du phytopathogène sera fortement liée à sa capacité à interagir avec la plante parasitée ainsi que sa capacité à se reproduire puis à se disséminer aux plantes voisines. Dès lors que l’interaction s’établit entre la spore et la plante, la spore germera immédiatement si l’humectation est continue et permettra la croissance d’un tube germinatif (Lazniewska et al., 2012 ; Lepoivre, 2003). L’émission des spores se fera en moyenne 24 à 48 heures après les premiers symptômes de maladies sur la plante. La période infectieuse, c’est-à-dire le temps pendant lequel une lésion produira des spores, est difficile à déterminer sur le terrain du fait des infections et réinfections multiples du même organe par les spores produites sur la plante ou par celles d’origine extérieure (Lepoivre, 2003). Cependant, les phytopathogènes ne développeront pas tous la même stratégie en ce

qui concerne la sporulation : certains, comme Phytophthora infestans, responsable du

infectieuses et peu résistantes et d’autres, comme les Urédinales, agents de la rouille, opteront pour la production d’un nombre limité de spores mais dont l’efficacité infectieuse et la résistance sont beaucoup plus élevées (Lepoivre, 2003). Après leur production, les spores seront disséminées par le vent, l’eau (irrigation), les transports de terre, les outils contaminés, les animaux, … et étendront ainsi l’épidémie dans l’espace (Brown et

Hovmoller, 2002 ; Lepoivre, 2003). En fonction des conditions, l’échelle du phénomène de

dispersion sera variable : de la réinfection de l’organe producteur à la dispersion

intercontinentale (Lepoivre, 2003). La fitness des champignons sera donc variable en fonction de la stratégie de multiplication et en fonction des conditions climatiques qui influenceront la dispersion des spores.

En ce qui concerne les souches Sp+ de Frankia, la sporulation apporterait des avantages

écologiques en termes de capacité à se multiplier et à se maintenir au sein de la symbiose avec son hôte. Tout d’abord, les souches Sp+ et Sp- présenteraient une infectivité différente se traduisant par un nombre de nodosités supérieur lors de l’inoculation d’une souche Sp+ face à une souche Sp- (Torrey, 1987 ; Markham, 2008). Les études réalisées à partir d’inoculations de broyats de nodosités (les souches Sp+ n’étant pas disponibles en culture pure), ont montré que les souches Sp+ sont 100 à 2000 fois plus infectives que les souches Sp- sur l’ensemble des plantes testées (VanDijk, 1978 ; Torrey, 1987 ; Markham, 2008). De ces constatations, l’hypothèse la plus probable est que les spores, qui représentent de multiples particules infectieuses, permettraient aux souches Sp+ d’être plus infectives. Toutefois, des différences d’infectivité ont été observées pour une même souche en fonction

de la plante hôte utilisée : Markham, en 2008, a testé le spectre d’hôte et l’infectivité de

souches Sp+ sur divers aulnes. Les souches Sp+ se sont montrées plus infectives mais la

différence entre les souches Sp+ et Sp- est plus prononcée chez A. crispa et A. rubra que

chez A. rugosa. Ces différences sont probablement dues au spectre d’hôte des souches.

L’infectivité est également variable entre plantes-hôtes et souches : l’observation des

différences d’infectivité entre souches et pour une même souche sur différentes plantes hôtes, ainsi que l’observation du nombre de nodosités et de leur poids semblent être de bons

indicateurs de leur capacité à infecter et soutenir la croissance des plantes (Tjepkema et al.,

1986 ; Markham, 2008)

De plus, la capacité de Frankia à fixer le diazote dans sa plante hôte pourrait être modifiée

par la présence ou l’absence de spores (Torrey, 1987) : la sporulation altèrerait donc l’efficience des souches Sp+. Une souche est efficiente si elle est infective et si elle est capable de soutenir la croissance de sa plante-hôte même dans des conditions environnementales défavorables.

À ce jour, toutes les études comparant la physiologie des nodosités Sp+ et Sp- chez Alnus

Myrica gale (VandenBosch et Torrey, 1984 ; Monz et Schwintzer, 1989 ; Schwintzer, 1990) tendent à montrer que : (i) les nodosités Sp- auraient une activité nitrogénase supérieure à celle des nodosités Sp+, (ii) les nodosités Sp- seraient plus effectives pour supporter la croissance de la plante hôte en milieu dépourvu d’azote.

Ces constatations, complétées par d’autres études, montrent que le coût énergétique mis en jeu lors de la fixation d’azote est souvent plus faible dans les nodosités Sp- (Schwintzer, 1990). D’autres études, menées sur M. gale et C. peregrina, montrent que les nodosités Sp+ ont un taux de respiration plus élevé par unité d’activité nitrogénase que dans les nodosités Sp-, c’est-à-dire que les plantes associées à des souches Sp+ subissent un coût énergétique lié à la fixation d’azote plus important que les plantes nodulées avec des souches Sp- (VandenBosch et Torrey, 1984 ; Monz et Schwintzer, 1989). De plus, les plantes présentant des nodosités Sp+ investissent davantage de biomasse carbonée dans les nodosités (Monz et Schwintzer, 1989). L’hypothèse la plus plausible pour expliquer ce phénomène est le fort coût énergétique nécessaire aux souches Sp+ pour à la fois fixer de l’azote et sporuler au cours de la symbiose. Cependant ces observations peuvent être discutables car les données sont très variables en fonction de l’âge des plantes, du stade de la symbiose, mais surtout du

milieu utilisé pour la croissance des plantes (Schwintzer, 1990 ; Kurdali et al., 1988 et 1990).

En effet, une plus forte activité nitrogénase a été montrée pour les souches Sp- que les souches Sp+ dans un milieu de culture artificiel mais l’inverse a été observé lorsque les

plantes ont été cultivées sur sol (Kurdali et al., 1990). Le milieu de culture des plantes a donc

une influence sur l’efficacité de la symbiose.

Le dernier aspect abordé est l’influence de la sporulation sur la compétitivité des souches Sp+ et Sp- face à une plante-hôte compatible pour les deux souches. La compétitivité d’une souche est, dans ce cas, sa capacité à mettre en place une symbiose avec une plante hôte face à une ou plusieurs autres souches. L’hypothèse, dans le cadre de la sporulation des

souches Sp+ de Frankia, est que les spores, éléments présents en grande quantité et

capables de redonner une cellule végétative, leur permettraient d’être plus infectives que les

souches Sp-, et donc plus compétitives. Kurdali et al., en 1990 ont montré sur A. incana que

les souches Sp+ étaient plus compétitives que les souches Sp-, que ce soit en milieu artificiel ou dans un sol contenant la souche Sp+ indigène et que en condition de co-inoculation Sp+/Sp-, 10 fois plus de nodosités Sp+ sont mises en place dans un substrat artificiel et les nodosités Sp+ représentent environ 95 % des nodosités mises en place dans le sol. Cependant, la capacité compétitive des souches semble très variable en fonction des

Le principal problème pour comparer l’ensemble des études est la diversité des plantes hôtes, des milieux de culture et des souches que les auteurs ont utilisées, souvent choisies en fonction des sites d’études à leur disposition. Il est alors difficile de compiler l’ensemble des résultats et d’en tirer des conclusions générales. De même, un biais expérimental est présent dans l’ensemble de ces études : tous les résultats ne se basent que sur des observations de coupes de nodosités et la difficulté de s’assurer du réel phénotype d’une nodosité peut entraîner des biais. De plus, certaines études sont discutables car les plantes

ne sont pas inoculées à partir du même type d’inoculum (culture pure versus broyat de

nodosités) et sont pourtant comparées entre elles (Kurdali etal., 1988). Les données de ces

études n’ont également pas été vérifiées pour une éventuelle contamination par une autre

souche de Frankia. Il serait donc important de réaliser des études de manière reproductible

(mêmes plantes hôtes utilisées, avec les mêmes souches de Frankia, dans des mêmes

conditions d’expériences, …) et d’analyser les nodosités obtenues de manière fiable avec les outils de biologie moléculaire désormais disponibles.

Enfin, pour résumer le comportement des souches Sp+, elles seraient donc plus infectives et compétitives que les souches Sp-, grâce aux nombreuses spores qu’elles produisent mais moins efficientes pour la fixation d’azote, et soutiendraient ainsi moins bien la croissance de la plante.

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