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Chapitre VI. Discussion générale – Perspectives et conclusions

1 Effet des composés antioxydants sur l’altération de l’argilite

L‘hypothèse testée en microcosmes était que les composés terpéniques antioxydants (thymol, carvacrol et linalol) pouvaient modifier les processus d‘altération physico-chimiques du COx frais, et donc les quantités et les cinétiques des éléments lixiviés au cours du temps (Chapitre III). L‘effet « antioxydant » escompté devait surtout être observé sur l‘oxydation électrochimique des sulfures contenus dans l‘argilite, donc sur les cinétiques et les taux ou rendement de lixiviation des sulfates. Dans la première expérience « quasi-abiotique » avec le

COx frais, la densité bactérienne extrêmement faible, et l‘absence de sources de carbone facilement métabolisables, nous a permis d‘attribuer les lixiviations des éléments minéraux mesurées à des processus essentiellement abiotiques (Chapitre IV-1). Or, seul une diminution significative des vitesses de lixiviation des sulfates a pu être observée en présence de thymol à 2 mg.l-1. Aucun effet inhibiteur significatif sur les cinétiques de lixiviation n‘a pu être constaté en présence des autres terpènoïdes (carvacrol et linalol), quelles que soient les concentrations utilisées de 0 à 80 mg.l-1. Les vitesses sont proches de celles de l‘échantillon de COx témoin, lixivié à l‘eau. Contrairement à l‘hypothèse soutenue, l‘accroissement de la concentration en thymol facilite la lixiviation des sulfates. Les vitesses de lixiviation augmentent rapidement pour dépasser d‘environ 20% celle du témoin aux plus fortes concentrations en thymol. Néanmoins, les quantités totales de sulfates lixiviées n‘augmentent pas pour autant avec la concentration en thymol et auraient même un comportement inverse. Le thymol agit donc à la fois positivement sur la vitesse de lixiviation des sulfates et négativement sur les taux de lixiviation : aux faibles concentrations, plus de sulfates seront lixiviés plus lentement alors qu‘aux fortes concentrations ce sera l‘inverse. Dans ce cas, on ne peut pas vraiment parler d‘effet inhibiteur ou activateur du thymol. Cet effet en « demi-teinte » du thymol a été confirmé dans la deuxième série d‘expérience où un apport supplémentaire de sulfures (pyrite finement broyée) a été réalisé. De même, bien que les vitesses de lixiviation restent comparables à celles des témoins, à dose équivalente, l‘ajout croissant de linalol diminue le taux de lixiviation des sulfates par rapport au thymol. Plus surprenant, le carvacrol, un isomère du thymol, n‘a aucun effet sur la lixiviation des sulfates, pas plus en terme cinétique que de rendement.

Néanmoins, à l‘exception du carvacrol, l‘ajout de molécules antioxydantes surtout aux faibles doses semble plutôt favoriser la lixiviation des sulfates et accroitre le rendement d‘altération. Ces résultats contraires à l‘hypothèse sont, en revanche, intéressants et indiquent que l‘effet des molécules « antioxydantes » employés ne peut pas être interprété dans le seul cadre d‘une passivation électrochimique de la réactivité des sulfures.

Au cours de ce travail, plusieurs explications physico-chimiques et biologiques, ont été avancées pour tenter d‘expliquer ces comportements contradictoires et surtout les réponses très variées du COx à l‘apport de molécules antioxydantes.

La première hypothèse met en avant les lixiviations immédiates des phases labiles lors des premières phases d‘imbibition du COx et de la déstructuration de l‘argilite par des processus de gonflement. La mise à l‘équilibre de l‘argilite avec des solutions à faible force ionique

entraîne une dissolution rapide des sels « marins » emprisonnés lors du dépôt et de la diagénèse de la roche. La lixiviation précoce et intense du sodium en est la preuve. Ceci engendrerait un gonflement des feuillets des phyllosilicates argileux, sous l‘action des cations libérés. Les smectites ainsi déstabilisés s‘altéreraient alors rapidement du fait de substitutions cationiques.

De plus, les terpénoides, tels que le thymol ou le linalol, en s‘adsorbant sur la matrice argileuse ou s‘intercalant entre les feuillets d‘argiles amplifieraient le processus. Cette dégradation physique de l‘argilite augmenterait l‘accessibilité à d‘autres minéraux plus sensibles à l‘oxydation par l‘air comme les sulfures. Le thymol adsorbé diminuerait alors la réactivité des sulfures à l‘oxydation par l‘oxygène dissout (Figure 49). La seule véritable preuve de cette action inhibitrice du thymol sur l‘oxydation des sulfures est donnée par une diminution sensible et graduelle des vitesses de lixiviation de l‘arsenic lorsqu‘on dope le COx avec des particules de pyrites arséniées (Chapitre IV-2). Sinon, le pouvoir tampon des carbonates et la présence d‘un fond sulfaté important (30 µM) masquent les réponses des autres traceurs d‘altération, i.e. fer et soufre.

Cependant, les différences des taux de lixiviation observées pour le linalol et le thymol pourraient aussi s‘expliquer par les variations au niveau de leurs sous-unités d‘isoprène (Guitton, 2010). Le linalol est un monoterpène acyclique simple, tandis que le thymol est un monoterpène monocyclique. Ces différences structurales modifient l‘adsorption et la volatilité de ces composés, pouvant diminuer la rétention du linalol par les minéraux du COx. Toutefois, à notre connaissance, les interactions de ces molécules aromatiques, représentatives des huiles essentielles des parties aériennes de plantes, avec des matrices complexes, telles que le COx, ont été peu étudiées. Du fait des propriétés hydrophobes des terpènoides aromatiques (thymol, carvacrol), l‘ajout artificiel et initial d‘antioxydant aurait pu induire une agglomération préférentielle de certaines fines particules minérales et/ou organiques du COx et ainsi modifier les taux et les quantités d‘éléments lixiviés (Figure 49).Toutefois, le COx contient seulement 1 à 2 % de pyrite et 1 % de matières organiques. La faible régulation de la lixiviation des éléments minéraux du COx (i.e. sulfates, fer, …) observée dans les expériences au laboratoire pourrait également être due à cette faible quantité d‘éléments réactifs sulfurés pyriteux.

Une autre hypothèse avancée dans ce travail était que l‘effet inhibiteur des antioxydants sur les microorganismes devait contribuer à limiter l‘altération microbienne du COx. Dans la deuxième expérience avec le COx frais, l‘ajout d‘un inoculum microbien et d‘exsudats

racinaires a permis d‘intégrer l‘interaction entre les composés antioxydants, les microorganismes et l‘argilite. Le principal résultat de cette expérience biotique est le rôle régulateur des antioxydants sur le développement microbien (Figure 49). Cependant, cette diminution de la densité bactérienne n‘est pas nécessairement accompagnée d‘une diminution significative des cinétiques de lixiviations et des quantités d‘éléments lixiviés. Hormis quelques résultats notables sur l‘arsenic ou l‘aluminium, les résultats obtenus ne mettent pas en évidence un effet des antioxydants sur les processus d‘altération minérale du COx impliquant l‘activité des microorganismes. Dans les gammes de concentrations employées (i.e. 2 ; 40 et 80 mg.l-1 et 0,2 ; 2 et 20 mg.l-1), l‘effet du thymol a été validé aux doses les plus faibles (2 mg.l-1). Son effet bactériostatique sur la microflore n‘a pas été testé aux concentrations supérieures à 20 mg.l-1.

2 Impact de la végétalisation sur les caractéristiques physico-chimiques et