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Effet de site – définition et méthodes d’étude

CHAPITRE 6 : ALEA LOCAL

2. Effet de site – définition et méthodes d’étude

2.1. Pourquoi le qualifier

Les déformations lentes de la croûte terrestre engendrées par la tectonique de plaques créent des accumulations de contraintes. Lorsque la résistance des roches est atteinte, il y a rupture et glissement ce qui entraîne une libération considérable d’énergie au voisinage de la source. Cette énergie se dissipe d’une part, sous forme de fracturations, de déformations permanentes et d’échauffement au voisinage de la source et d’autre part, sous forme d’ondes sismiques qui en fonction de leur contenu fréquentiel peuvent provoquer des dégâts aux structures urbaines. L’énergie sismique en un point donné de la surface terrestre dépend de l’énergie émise à la source et des conditions de propagation entre la source et ce point (Aki et Richards, 1980). Du fait du comportement physique des ondes dans le milieu, les dégâts aux constructions décroissent habituellement lorsque l’on s’éloigne du foyer.

Chapitre 6 : Aléa local

Toutefois dans de nombreux cas, il existe des zones où les dégâts sont amplifiés du fait de la géologie locale. Le cas le plus typique étant celui du séisme de Michoacan au Mexique en 1985 de magnitude 6.9 où les destructions les plus importantes ont été déplorées dans le bassin de Mexico situé à près de 350 km de l’épicentre. Cet ancien lac asséché a amplifié considérablement le signal avec une accélération maximale 60 fois plus élevée que celle enregistrée sur le rocher (Singh et al., 1988). Lors du séisme de Northridge le 17 janvier 1994,

les amplifications des accélérations enregistrées dans le bassin de Los Angeles ont atteint plus de 7 fois la valeur référence au rocher (USGS, 1996). Plus récemment ce phénomène a été également observé d’une manière moins spectaculaire lors du séisme d’Annecy de 1996. La ville de Rumilly, située à 15 kilomètres de l’épicentre, a présenté des dégâts importants (Dominique et Blès, 1996) alors que les villages les plus proches n’ont pas été touchés (Le Brun, 1997).

L’onde incidente qui arrive sur un site peut donc être transformée, atténuée ou amplifiée par la nature géométrique et rhéologique de ce dernier : c’est l’effet de site. Une géométrie avec des sols meubles qui surmontent des formations géologiques plus rigides peut conduire à des phénomènes de résonance. De plus le contraste d’impédance entre la couche superficielle et le substratum rocheux peut conduire à un piégeage des ondes.

Les effets de site ne dépendent pas uniquement des milieux alluvionnaires ou des remplissages anthropiques, les reliefs topographiques (crêtes, falaises …) peuvent aussi amplifier le signal de façon très importante. Les villages perchés ont subi d’importantes amplifications avec de sérieux dégâts comme lors du séisme Ligure de 1887 où les villages de Bussana-Vecchia et de Baiardo situés sur des promontoires rocheux ont été sévèrement touchés. Ces observations ont également été faites pour le séisme de Lambesc en 1909 (Levret

et al., 1986), celui d’Irpina en 1960 (Bard et al., 1984), le séisme de Frioul de 1976 (Brambati et al., 1980) et pour le séisme de Northridge en 1994 (Aschford et Sitar, 1994).

Si de plus les fréquences amplifiées correspondent aux fréquences de résonance des structures bâties, alors ces dernières seront sujettes à destruction même si l’épicentre est relativement éloigné. Le séisme de Caracas en 1967 de magnitude 6.4 a infligé de fortes destructions aux immeubles de plus de 14 étages situés à 65 km de l’épicentre (Seed et al., 1972). Les périodes d’amplification du séisme par la couche de sédiments correspondaient à la période propre des structures les plus hautes. Lors du séisme de Mexico en 1985 ce sont les immeubles de 5 à 20 étages qui ont été endommagés (Singh et al., 1988). De plus la durée du mouvement est un paramètre important dans la destruction des bâtiments.

Diverses raisons peuvent donc expliquer des dommages éloignés de la zone épicentrale ou inégalement répartis : les différents types de constructions, les effets de déformation des sols, la liquéfaction et les amplifications locales du site.

2.2. Comment le qualifier

Le mouvement du sol dépend de :

- la fonction source décrite par plusieurs paramètres géométriques (taille, direction, pendage) et sismologique (énergie, direction du glissement, vitesse de rupture) ;

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- la fonction de propagation qui tient compte de la rhéologie du milieu (vitesse, densité, loi d’atténuation) ;

- la fonction du site, habituellement appelée « effets de site » et décrite précédemment dans divers exemples.

Toutes les méthodes dont le but est de connaître les caractéristiques du mouvement du sol doivent tenir compte de chacune de ces fonctions.

Le mouvement résultant enregistré est le sismogramme en temps qui est la convolution de plusieurs fonctions (source, propagation, site et réponse instrumentale). Le passage dans le domaine fréquentiel se fait par une transformation de Fourrier du sismogramme.

Certaines méthodes, pour connaître les caractéristiques du mouvement du sol, exploitent les sismogrammes, d’autres les enregistrements du bruit de fond et enfin certaines sont issues du calcul numérique. Nous présentons ici les différentes méthodes d’analyse qui ont été utilisées dans le microzonage de la Principauté et/ou dans cette étude.

2.2.1. Méthode de la fonction de transfert ou méthode des rapports spectraux

L’objectif de cette méthode, utilisée pour la première fois par Borcherdt et Gibbs en 1970, est de déterminer la fonction de transfert d’un site suspecté d’amplifications en calculant le rapport spectral d’enregistrements de séismes entre une station située sur ce site et une autre de référence située près de ce même site mais non sujette à la perturbation due à la structure étudiée.

Plusieurs hypothèses doivent être faites :

- la distance source - station doit être largement supérieure à la distance entre la station de référence et la station étudiée, supérieure à 10 (Field et Jacob, 1995), ainsi la fonction de propagation est la même pour les deux stations,

- la fonction source est la même pour les deux stations,

- la fonction de transfert de l’instrument est éliminée par la déconvolution instrumentale effectuée avant le calcul.

Ainsi la fonction de transfert du site étudié se calcule comme le rapport entre le spectre de Fourier enregistré à la station d’étude et celui à la station de référence.

2.2.2. Méthode H/V séisme ou méthode des fonctions récepteurs

Cette méthode a été introduite par Langtom (1979) pour calculer à partir des ondes P, la structure de vitesse dans la croûte et le manteau supérieur. Par analogie cette méthode a ensuite été utilisée sur les ondes S pour déterminer les effets de site à des échelles plus petites (Lermo et Chavez Gàrcia, 1993 ; Field et Jacob, 1995b ; Théodulidis et al., 1996). L’effet de site peut être obtenu en divisant les spectres des composantes horizontales par ceux des composantes verticales si l’on considère uniquement la première arrivée de l’onde S.

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L’avantage de cette méthode par rapport à la précédente consiste dans le fait qu’elle ne nécessite pas de station de référence. Elle est donc expérimentalement plus aisée car cela permet de s’affranchir du choix toujours difficile d’un bon site de référence.

2.2.3. Méthode H/V bruit

L’utilisation d’enregistrements du bruit de fond pour l’étude des effets de site est fondée sur le principe que le bruit de fond se propage dans le milieu et est amplifié aux fréquences de résonance spécifiques prédominantes du site.

Cette méthode introduite par Nakamura (1989) a été développée en fait par Nogoshi (1971) pour calculer la fonction de transfert d’un site en effectuant pour une seule station le rapport spectral d’enregistrements du bruit de fond sismique entre la composante horizontale et la composante verticale. Cette méthode présente deux avantages majeurs : comme la précédente, l’utilisation d’une seule station suffit et ne nécessite pas l’enregistrement de séismes significatifs dont l’occurrence est toujours aléatoire dans une zone de sismicité moyenne comme la nôtre. En considérant un certain nombre d’hypothèses (Le Brun, 1997 ; Sabouraut, 2000) on obtient le rapport de Nakamura ou HVNR (Horizontal to Vertical Noise Ratio). L’effet de site est ainsi calculé par le rapport entre les spectres de la voie horizontale et celui de la voie verticale. Notons toutefois que le calcul réalisé pour cette méthode est le même que celui réalisé dans la méthode des fonctions récepteurs que l’on peut également nommer HVSR (Horizontal to Vertical spectral Ratio).

HVSR estimé à partir des mouvements forts (non linéarité) ou HVNR issu du bruit de fond donne des résultats identiques aussi bien sur le contenu fréquentiel que sur les amplitudes mais HVNR ou HVSR a une amplitude inférieure à celle des rapports spectraux usuels (Field, 1995, 1995a).

2.2.4. Les études numériques

Les effets de site par voie expérimentale s’accompagnent toujours d’une étude permettant de connaître au mieux les caractéristiques géotechniques du site. Elle vise également la détermination de la fonction de transfert du site qui permet de calculer la modification du signal dans les domaines fréquentiels et temporels. Les études numériques mettent en œuvre des calculs uni, bi ou tri directionnels avec des modèles de sols linéaires ou non linéaires. Elles impliquent une bonne connaissance de la géométrie et des caractéristiques physiques et mécaniques des terrains constituants le site. Ces dernières sont déterminées par les résultats des sondages, les analyses de laboratoire, les études géophysiques et les essais géotechniques qui permettent l’établissement du modèle représentatif du site. Les principaux paramètres recherchés sont la masse volumique, la vitesse des ondes de compression (Vp) et de cisaillement (Vs), le facteur de qualité Qs et l’épaisseur h de l’interface.

Cependant les méthodes numériques simplifiées permettent, à partir de l’exploitation de quelques paramètres mécaniques et morphologiques schématisant le site, de définir assez rapidement l’effet local. Ces méthodes simplifiées rendent bien compte de la réalité lorsque le site est morphologiquement et géologiquement bien défini.

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2.3. Les limites de mesures expérimentales : la non linéarité

Les sources utilisées (microséismes) lors de la partie expérimentale du microzonage développent une énergie nettement inférieure à celle d’un séisme fort. Les fonctions de transfert obtenues, qui n’ont pas recours à l’identification de paramètres géotechniques, sont elles alors réalistes ? Autrement dit les rapports spectraux effectués sur les mouvements faibles sont-ils représentatifs des effets de site en mouvement forts ?

Il y a eu jusqu’à peu un désaccord entre géotechniciens, pour qui le sol a un comportement non linéaire dans les essais sur échantillons même à faible contrainte, et les sismologues qui pensent que le comportement des sols est pratiquement linéaire jusqu'à 0,3 ou 0,4 g, voire 1 g dans certains cas.

Dans la plupart des microzonages réalisés, la moyenne des rapports spectraux était appliquée aux mouvements forts jusqu’à un niveau d’accélération limite de 0,2 à 0,3g et une distance à la source supérieure à une cinquantaine de kilomètres (Rogers et al., 1984 ; Hays, 1986 ; Aki, 1993).

Depuis des modélisations sur modèle réduit en centrifugeuse ont mis en évidence le passage du comportement linéaire au non linéaire lorsque la sollicitation sismique devient importante (Sabourault, 1999). Aujourd’hui il semblerait qu’il y ait une réconciliation croissante entre les points de vue des sismologues et ceux des ingénieurs sur la réponse non linéaire du sol (Lacave, 2003).