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Chapitre II : Approche méthodologique

VIII. Effet des composés sur les êtres vivants

Les intermédiaires formés lors du traitement des contaminants par des procédés d’oxydation peuvent avoir un effet sur les êtres vivants plus important que les composés de départ (Rizzo, 2011). Antigoni et al., ont évalué l’effet toxique des composés obtenus après la photolyse du diclofenac sur les Daphnies magnas. Ils ont observé qu’à l’inverse du diclofenac, les produits de photolyse du diclofenac étaient toxiques pour les Daphnies magnas (Antigoni

et al., 2010). Dans une autre étude, Zhang et al., ont mesuré l’évolution de l’effet

œstrogénique pendant un traitement par photocatalyse d’un effluent secondaire d’une station

Air comprimé

Piège à CO2

1 2 3 4 5 6

Bain thermostaté à 20 °C + agitation magnétique

Pièges à CO2 avec Ba(OH)2 pour dosage et mesures de

biodégradation

NaOH NaOH Ba(OH)2

108 de traitement d’eaux usées dopé en œstradiol, éthinylœstradiol, octylphénol et en bisphénol A. Ils ont observé une augmentation puis une disparition de l’effet œstrogénique sur des « yeast cell » au cours du traitement photocatalytique (Zhang et al., 2012).

Etant donné que l’effet des intermédiaires sur les êtres vivants peut être différents et parfois plus important que celui des composés de départ, il semble judicieux d’évaluer l’effet des intermédiaires formés lors du procédé de traitement. Cette évaluation devrait faire partie des critères de choix pour un procédé. Un procédé de traitement pourrait être reconnu efficace s’il permet l’élimination de l’effet, c'est-à-dire sans systématiquement chercher à éliminer l’ensemble des composés intermédiaires ou sans atteindre la minéralisation des molécules initialement ciblées.

VIII.1. Effet sur l’activité déshydrogénase des Pseudomonas

En littérature, la toxicité des intermédiaires réactionnels formés au cours des traitements par photocatalyse est en général évaluée en utilisant les Daphnies magna, les micro-algues et les bactéries marines (Vibrio fischeri, Photobacterium phosphoreum) (Antigoni et al., 2010, Pereira et al., 2011, Postigo et al., 2001 et Sationgo-morales et al., 2012). Dans cette présente étude, la toxicité des intermédiaires réactionnels formés au cours du traitement photocatalytique est évaluée sur des cellules de Pseudomonas Aeruginosa puis comparée à celle des composés modèles. Le but est de vérifier si lors du traitement photocatalytique, l’effet toxique disparait ou résiderait encore en solution.

Les Pseudomonas sont des bactéries ubiquitaires que l’on rencontre dans les sols, sur les végétaux et surtout dans les eaux douces, les eaux marines. Elles sont très peu utilisées pour évaluer l’effet toxique des composés organiques (Hirsch et al., 2010) mais très utilisées pour évaluer l’effet toxique des métaux. L’effet observé est la croissance des biofilms (Benka- Coker et Ekundayo, 1998, Hassen et al., 1998, Chen et al., 2006). A contrario, dans cette présente étude, l’effet toxique des composés est évalué sur l’activité déshydrogénase des

Pseudomonas. Les enzymes déshydrogénases sont impliquées dans le transport d’électron

dans la chaîne respiratoire, elles sont localisées au niveau de la membrane plasmique. Toute altération du métabolisme bactérien perturbe le flux d’électron jusqu’au niveau de l’accepteur terminal. Ainsi, une mesure du flux d’électron renseigne sur le niveau de perturbation du métabolisme et donc sur une toxicité cellulaire globale.

Certaines molécules organiques accepteur d’électron, telles que le chlorure de 2-(4- iodophényl)-3-(4-nitrophényl)-5-phényltétrazolium (INT), sont utilisées pour mesurer le flux d’électron généré dans la chaîne respiratoire des bactéries (Smith et al., 1997). En présence

109 d’électron, l’INT est réduit en un composé, le sel de formazan de couleur rouge, insoluble dans l’eau. Plus l’activité respiratoire des bactéries est perturbée, moins les électrons sont libérés et donc la quantité de formazan est moins importante et la couleur rouge plus faible. C’est la quantité de formazan obtenue après exposition des cultures de Pseudomonas aux échantillons prélevés au cours de l’irradiation qui renseigne sur l’effet toxique des composés.

VIII.2. Evaluation de l’effet œstrogénique

Le test « Yeast Estrogen Screen » est très utilisé pour évaluer l’effet œstrogénique des composés (Chiang et al., 2004; Neamtu et Frimmel, 2006; Frontistis et al., 2011). Ce test se fait « in vitro » et permet de détecter les agonistes et les antagonistes de l’œstrogène. Cependant, les perturbateurs endocriniens n’agissent pas seulement en tant qu’agonistes et antagonistes aux œstrogènes mais peuvent aussi agir sur les réactions de catalyse enzymatique.

La société « WatchFrog » a développé un test qui, en plus d’évaluer les effets œstrogéniques sur un organisme entier dans son environnement (test in vivo), permet d’élargir le spectre d’identification des antagonistes et agonistes des œstrogènes aux composés qui agissent sur les réactions de catalyse enzymatique. Ce test a été utilisé dans notre étude pour évaluer l’effet de perturbation endocrinienne des intermédiaires formés au cours du traitement par photocatalyse du bisphénol A et de la 17β-œstradiol en comparaison à l’effet de perturbation endocrinienne avant le traitement.

La technologie du test mis en place par WatchFrog est basée sur l’utilisation des alevins de médaka génétiquement modifiés (Médaka ChgH-GFP, green florescente protein). Les poissons de cette lignée ont le promoteur du gène de la choriogénine couplé au gène codant la protéine fluorescente GFP. Ainsi les alevins présentent une fluorescence en réponse à un perturbateur endocrinien et le niveau de fluorescence détecté est proportionnel au niveau de transcription du gène GFP donc à la quantité de perturbateur endocrinien en contact avec les alevins. Dans le test, la signalisation œstrogénique est révélée par une augmentation du niveau de fluorescence de base établie sur une eau minérale naturelle (Evian).

VIII.2.1 Essais de perturbation endocrinienne

Les tests sont réalisés dans des plaques contenant 96 puits et placés à 26°C. Chaque puits contient des alevins (20) et 8 mL d’échantillon. Au bout de 24 heures, le milieu est renouvelé avec 8 mL d’échantillon. Puis 24 h plus tard, la fluorescence des alevins est déterminée. La durée totale de contact alevins/échantillon est de 48 heures.

110 Un contrôle interne d’activation de l’axe œstrogénique est réalisé pour chaque série de test en mettant en contact les alevins avec 8 mL de solution d’éthinyl-œstradiol (EE2) à 150 ng/L. Ce niveau de concentration correspond à la concentration pour laquelle la perturbation œstrogénique est avérée.

Le niveau de fluorescence des alevins en présence respectivement de la testostérone, des échantillons prélevés pendant le traitement photocatalytique et dopés en testostérone est également déterminé. Ceci se fait dans le but de détecter les composés qui perturbent l’activité de l’enzyme aromatase. L’aromatase est une enzyme essentielle pour la production endogène d’œstradiol à partir de la testostérone. Elle contrôle l’équilibre entre œstrogènes et testostérone dans l’organisme. La présence des composés altérant l’activité de cette enzyme entraine un niveau de fluorescence des alevins différent de celui des alevins en contact avec la testostérone. Ce changement du niveau de fluorescence indique la présence de composés agissant sur la réaction de catalyse enzymatique.

Dans le Tableau II. 11, un descriptif des expériences réalisées dans le test de WachFrog ainsi que les objectifs respectifs sont présentés.

Tableau II. 11 : Description des échantillons lors de l’évaluation de l’effet œstrogénique

Composition Objectifs

Contrôle négatif Alevins, 8 mL d’eau pure (Evian) Indique le niveau de base de fluorescence des alevins Contrôle positif 1 Alevins, 8 mL d’EE2 à 150 ng/L

Indique le niveau de fluorescence des alevins mis en contact avec un

perturbateur endocrinien Contrôle positif 2 Alevins, 8 mL de testostérone à

30 μg/L

Indique le niveau d’activité de l’aromatase dans un échantillon

témoin

Echantillon brut Alevins, échantillon prélevé au cours de l’irradiation Indique l’effet œstrogénique de l’échantillon traité Echantillon dopé à la

testostérone

Alevins, échantillon prélevé au cours de l’irradiation, 30 μg/L de

testostérone

Indique l’effet de l’échantillon traité sur l’activité enzymatique de

l’aromatase

VIII.2.2 Interprétation des résultats

La fluorescence des alevins est quantifiée à l’aide du logiciel Image J et les résultats sont ensuite analysés suivant les directives de l’OCDE pour l’analyse statistique des expériences d’écotoxicité (« Document on the Statistical Analysis of Ecotoxicity Data », OCDE 2003).

111 Chaque groupe expérimental est analysé pour déterminer si la répartition des valeurs suit une loi normale. Dans ce cas, on réalise un test sur la variance (ANOVA) suivi d’un post-test paramétrique par paires pour comparer les groupes deux à deux (test de Tukey). Si un ou plusieurs groupes expérimentaux ne suivent pas une répartition normale, un test sur la variance est réalisé (Kruskal-Wallis) suivi d’un post-test non-paramétrique par paires pour comparer les groupes entre eux (test de Dunn) ; (* : p<0,05; ** : p<0,01 ; *** : p<0,001; ns : non significatif p>0,05).

Selon l’intensité de la fluorescence, une échelle de risque allant de 0 à 2 a été définie comme suit :

- Niveau 0: l’échantillon brut ne diffère pas significativement du contrôle négatif, il est classé comme inerte.

- Niveau 1: l’échantillon diffère significativement du contrôle négatif, il est classé comme suspect.

- Niveau 1 bis : l’échantillon co-traité avec la testostérone diffère significativement du contrôle positif 2, il est classé comme suspect.

- Niveau 2 : l’échantillon diffère significativement du contrôle négatif 1 et du contrôle positif 2, il est considéré comme perturbateur œstrogénique.