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Bourdieu (1964) a consacré la majeure partie de son œuvre au dévoilement des processus invisibles par lesquels les classes sociales privilégiées maintiennent leur dénomination sur les classes sociales inférieures. Avec Passeron (1964, 1970), il applique cette démarche au système scolaire. Il dénonce la « violence symbolique » exercée par l’école à l’encontre des élèves d’origine populaire, particulièrement à travers la pratique du cours magistral, dont les références culturelles et les règles syntaxiques sont difficilement accessibles aux élèves qui n’y ont pas été accoutumés dans leur famille.

A l’opposé de la démarche de ces auteurs, Boudon conçoit les individus comme des acteurs sociaux rationnels et recherche les « bonnes raisons » qu’ils ont d’agir comme ils le font. Dans L’inégalité des chances(1972), il applique cette démarche de « l’individualisme méthodologique » au système scolaire. Il y explique la corrélation observée entre les inégalités sociales et les inégalités de réussite scolaire par les choix rationnels des familles. A chaque palier d’orientation du système scolaire, elles évaluent les coûts et les avantages de la poursuite des

64 études de leurs enfants en fonction de leur position sociale et des informations dont elles disposent.

Par ailleurs, l’approche sociologique de l’éducation implique aussi l’appartenance au groupe qui se révèle à travers trois processus que sont la conformisation, l’anonymat et l’assimilation. Se conformer implique une acceptation de toutes les règles du groupe, alors que l’anonymat implique l’adhérence silencieuse et l’assimilation, l’investissement entier dans ce que propose le groupe.

L’éducation est étroitement lié, nous l’avons vu, à l’influence et il existe un trait essentiel de la vie humaine qui détermine cette étroite relation. Il s’agit du rapport à l’autre : « La vie est l’ajustement continu de relations internes à des relations externes. » (Spencer, 1909, p. 33). L’être humain n’est pas un être solitaire, c’est dans l’interaction avec les autres qu’il se développe, se construit et se définit. Dès l’enfance, les êtres qui constituent l’environnement de la personne ont une influence importante sur l’élaboration de son monde symbolique.

Si les approches anthropologiques et philosophiques accordent une importance particulière à situer l’éducation dans une collectivité, l’approche ethnologique met en avant l’aspect culturel où les échanges sont le point de rencontre entre les diverses ethnies. L’approche sociologique, quant à elle, accorde beaucoup d’importance à l’entourage et à la notion d’influence. Dans toutes ces approches, nous remarquons l’importance accordée à la relation à autrui dans l’éducation. C’est ainsi, sous la « bienveillance » de l’Autre, que l’on se construit.

Nous allons à présent aborder l’approche majeure de notre recherche qui est l’approche psychologique.

65 La psychologie de l'éducation peut s'inscrire dans l'une ou l'autre des théories contemporaines de l'éducation. Bertrand (1990) présente différentes théories de l'éducation qu'il classe selon l'importance accordée aux quatre facteurs suivants : les contenus, la société, le sujet et les interactions entre ces trois facteurs. Chacun de ces trois niveaux s'articulent afin de former un tout. Nous allons les aborder séparément pour démarquer le sujet de la société et du contenu.

Bertrand (1991, op. cit) distingue sept grandes options théoriques en édu-cation, à partir des travaux français et québécois.

1°) les théories spiritualistes qui touchent les personnes préoccupées par le sens spirituel de la vie. Elles se focalisent sur la relation entre soi et l'univers dans une perspective religieuse et métaphysique, proche du "nouvel âge". L'auteur y fait entrer, pêle-mêle, aussi bien Marilyn Ferguson, Abraham Maslov que Jiddu Krishnamurti, les partisans de l'énergie divine, du Tao, de l'Invisible, de Dieu, les transcendatistes américains (Ralph Valdo Emerson, Henri Thoreau, Margaret Fuller) ou les diverses sources philosophiques orientales (bouddhisme zen, taoisme).

2°) Les théories personnalistes issues de la psychologie humaniste, no-tamment dans la ligne de Carl Rogers, de tendance libertaire, pulsionnelle, ou-vertes à la notion de soi, de liberté, d'autonomie de la personne.

Nous verrons qu'il nous faut reconsidérer ces deux classifications dans l'optique d'une réflexion sur le "retour du religieux", problème épineux de l'édu-cation contemporaine.

66 3°) Les théories psycho - cognitives qui s'intéressent au développement des processus cognitifs chez l'élève tels le raisonnement, la résolution de pro-blèmes, les représentations, les conceptions préalables, les images mentales, et autres à partir de travaux en psychologie cognitive liés aux études sur le cerveau et à celles sur l'intelligence artificielle.

4°) Les théories technologiques ou systémiques qui insistent sur l'amélio-ration du message par le recours aux "technologies" (prises au sens large) ap-propriées : design de l'enseignement, matériel didactique de communication et de traitement de l'information, avec la toute première importance de l'ordinateur.

5°) Les théories sociocognitives qui mettent au jour les facteurs culturels et sociaux dans la construction de la connaissance. Aux Etats-Unis et au Canada ce courant remet en question la domination du courant cognitiviste de la re-cherche ou l’influence trop grande accordée à la dimension psychologique de l'éducation. Ces théories se préoccupent du changement à apporter à l'éducation en fonction des facteurs sociaux et culturels et s'interrogent sur la construction des savoirs.

6°) Les théories sociales qui éclairent les dimensions proprement sociales, environnementales, institutionnelles de l'éducation. Elles cherchent à élucider les inégalités sociales et culturelles que les institutions scolaires tendent à reproduire.

7°) Les théories académiques ou encore "essentialistes", théories clas-siques qui focalisent leur attention sur la transmission de connaissances géné-rales en opposition à la formation spécialisée, avec deux tendances divergentes : les "traditionnels" qui souhaitent transmettre des connaissances classiques in-dépendantes des événements et des structures sociales et les "généralistes" qui s'attardent à une formation générale préoccupée de l'esprit critique et d'une ca-pacité d'adaptation.

67 Cette classification présente l'intérêt d'oser parler de la dimension "spirituelle" en éducation, phénomène relativement récent en France. Ce n'est, en effet, que par le biais d'une réflexion sur les "valeurs" et par la philosophie de l'éducation ou de l'anthropologie culturelle que

certains se sont risqués à y réfléchir ces dernières années (Olivier Reboul, Jean Houssaye, Pierre-André Dupuis, Henri Atlan, Georges Lerbet, Lê Thàn Khôi, Car-mel Camilleri).