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LES DIFFERENTES TENDANCES DES THEORIES PERSONNALISTES Yves Bertrand nous montre que, sous l’influence des sources précédentes, deux

B) TYPOLOGIE DES STRATEGIES EDUCATIVES EN PEDAGOGIE INTERAC- INTERAC-TIVE

II.3.5 DIALOGUE INTERCULTUREL

Selon Kozakai (2006), « Dialoguer, c’est accepter certaines modifications de soi. Et pour réussir un véritable dialogue interculturel, une vraie ouverture, il faut au préalable une assurance identitaire ». (KOZAKAÎ, 2006)

Généralement, nous avons peur de l’étranger; on lui refuse le dialogue, en s’accrochant à des « symboles identitaires ».

Il y a plus de facilité à dialoguer lorsqu’on a de l’assurance dans son identité. Afin de réussir le dialogue interculturel, il est alors nécessaire de s’avoir de quelle manière s’ouvrir au monde extérieur, tout en évitant de se sentir contraint de le faire.

L’échange interculturel permet de « sauvegarder sa propre identité culturelle et en même temps être prêt à se transformer graduellement par la rencontre et la fréquentation des autres ». (DE CARLO, 2001)

180 Dans la communication avec l’autre, il faut prendre en compte quatre paramètres importants qui sont :

- l’interlocuteur - le lieu de parole - le pôle référentiel

- le type de communication

Dans le cadre de l’enseignement et de l’apprentissage des langues-cultures étrangères, apprendre à l’apprenant à prendre en compte ces paramètres, constitue un acte d’ordre cognitif. Cette organisation intellectuelle de la construction de la conscience interculturelle signifie plus précisément que, pour réussir la « proximité culturelle », au lieu de faire l’acquisition de comportements culturels étrangers, l’important est de savoir discerner/discriminer les ressemblances/convergences et les différences/divergences entre la culture maternelle et la culture étrangère et de savoir en faire bon usage pour une meilleure communication/interaction. Il s’agit alors pour l’apprenant d’une langue-culture étrangère de considérer trois facteurs qui touchent au système de référence.

Dans un dialogue interculturel, il est nécessaire de prendre en considération : - l’arbitraire du système maternel : ne pas prendre son système maternel comme système de référence universel

- qu’il n’existe pas qu’un seul système d’organisation du monde mais des systèmes différents

- qu’il faut mettre en place un guidage qui amène à accepter que tous les systèmes existent sans hiérarchie préétablie.

181 Il s’avère que pour se construire en tant que sujet culturel, l’enfant doit prendre un engagement à des conduites intellectuelles qui organisent ses propres expériences culturelles; cette construction sera d’autant plus « efficace » que la dynamique intellectuelle dans l’espace relationnel de la classe ne sera pas sous-estimée, mais bien promue; autrement dit, ôter le poids de l’émotion et voir dans les apprenants des êtres dont le potentiel intellectuel n’attend que les sollicitations adéquates pour connaître un développement intense : « comme si on demandait aux apprenants de décrire une situation tout en étant distancié et sans porter de jugements de valeurs, surtout pas en termes de bien et de mal.(abandonner la conception dualiste/manichéenne des situations, conditions, réalisations). Il s’agit de travailler sur ce que les recherches récentes appellent l’intelligence émotionnelle. Il ne s’agit pas de s’affranchir des émotions et de leur substituer la raison, comme le disait Erasme, mais de trouver le bon équilibre entre les deux ». (GOLMAN et GOLMAN, 1983)

II.3.5.1 EN FAVEUR DE L’INTERCULTUREL

D’après Schoefthaler (2006, p.68), six arguments participent en faveur du dialogue interculturel :

1- Les modalités traditionnelles de dialogue ont trop souvent insisté sur ce que les cultures et les religions avaient en commun; or, nous sommes amenés aujourd’hui à considérer les différences et la diversité. « La crise actuelle appelle à un dialogue sur les différences et la diversité. Il ne s’agit pas d’une contradiction, puisqu’un tel dialogue ne peut être fait sans une base de valeurs communes, d’égalité et de non-discrimination ». (SCHOEFTHALER, 2006)

2- Les questions liées aux religions et les cultures ne font pas toujours l’objet de respect. D’après Schoenthaler « L’éducation formelle et informelle doit informer sur le pluralisme religieux et s’en faire l’écho, à

182 travers une terminologie qui ne soit pas teintée de croyance mais plutôt accessible à toutes les personnes qui ont des croyances et opinions différentes ». (SCHOEFTHALER, 2006)

Le fait de parler de la dimension émotionnelle des sentiments religieux est important. Engager un discours ouvert sur les standards éthiques et moraux devrait être une liberté citoyenne.

3- Les rencontres sur le dialogue sont trop axées sur les identités collectives : nationales, religieuses et ethniques. L’accent doit davantage être mis sur les identités individuelles et de groupes sociaux. Les forums de dialogue constitués de représentants de chaque groupe ethnique ou religieux sont contre-productifs et participent au scénario du choc des civilisations plutôt que de l’éviter. Effectivement, le dialogue entre les cultures doit créer un espace de perception mutuelle pour chaque groupe social ou culturel.

4- Les droits humains d’appréciation des identités multiples, imbriquées et dynamiques de chaque individu, doivent intégrer le dialogue; les droits humains doivent primer sur les traditions culturelles.

5- Promouvoir la tolérance active en incluant le respect mutuel est nécessaire. Dans ce contexte, l’objectif majeur de l’éducation devrait être d’organiser davantage les processus d’apprentissage que l’enseignement. Les méthodes « interactives » sont basées sur l’empathie et le jeu de rôle; ce qui permet d’acquérir une perspective multiple et est représentatif d’un élément central de l’éducation d’une citoyenneté démocratique.

6- Dans le contexte européen, il existe des stéréotypes tels : les européens ont perdu leurs valeurs morales et éthiques, les musulmans sont des partisans potentiels du terrorisme. Ce n’est que par le biais d’un véritable

183 dialogue à propos des diversités au sein des pays et entre eux que nous pourrons dépasser ces stéréotypes.

II.3.5.2 RISQUES DU DIALOGUE INTERCULTUREL

1- Le risque que l’autre ne comprenne pas ce que l’on veut dire : Selon Appadurai (2006, p.33), « Le risque d’être mal compris est inhérent à toute communication humaine, et nous avons élaboré de nombreux moyens pour le réduire. Nous nous efforçons de choisir soigneusement nos mots et nos actes, de faire attention à la langue et aux traductions, et d’anticiper les suppositions que l’autre partie pourrait être amenée à faire. Bref, nous essayons d’être aussi intersubjectifs que possible et de trouver la meilleure façon de franchir la frontière qui sépare le locuteur de l’auditeur ». (APPADURAI, 2006)

Selon De Cuellar (2006), il existe « une logique de rejet » et un « narcissisme des petites différences » qui « menacent la paix et la sécurité et violent la dignité implicite de l’individu ». (DE CUELLAR, 2006) Quant à Maalouf, dans son analyse des « identités meurtrières », il aborde une expérience méditerranéenne sur ce rejet de l’Autre. Il décrit comment la marque de différence peut être au-dessus de tous les autres critères. Le mécanisme de séparation des êtres humains se met en place à travers une imposition des identités collectives, et cela au détriment du principe de respect des droits humains, concernant la non-discrimination et l’égalité.

De Cuellar et Maalouf aboutissent aux mêmes conclusions : « les politiques culturelles doivent éviter les concepts schématiques, comme la distinction populaire entre « nous » et « eux » ». Ils vont jusqu’à nous signaler le danger de l’usage du terme « l’Autre », très répandu dans les

184 concepts d’éducation interculturelle. « Ce terme ouvre la porte à l’imposition d’identités collectives ». (SCHOEFTHALER, 2006)

2- Le second risque du dialogue est celui d’être trop bien compris. « Le risque qu’il y a à être pleinement compris est en fait que l’interlocuteur prenne en considération nos convictions les plus intimes, nos opinions fondatrices, et même nos doutes. Cela constitue un risque puisque le dialogue ne porte pas sur tout. Pour être efficace, le dialogue doit, dans une certaine mesure, se limiter à un terrain de discussion commun et tendre à un accord sélectif, et à un consensus provisoire ». (APPADURAI, 2006)

En effet, le dialogue est une forme de négociation; il ne doit pas exister de compréhension mutuelle complète, ni de un consensus absolu qui impliquerait la rupture de toute frontière et de toute différence.

3- Le troisième risque de dialogue correspond à un risque qui implique des différences internes entre individus. Par exemple, lorsqu’on considère les groupes, les différences internes se situent entre vieux et jeunes, entre l’élite et le peuple, entre le pouvoir et la rue. « (…) le problème central des différences internes est qu’il ne peut y avoir de négociation avec l’autre sans négociation parallèle avec soi-même ». (APPADURAI, 2006) Se dégage ainsi le problème de la représentation d’un groupe par une personne. On s’interroge sur la mesure dans laquelle cette personne va effectivement parler au nom de tous les membres de son groupe. Il existe des débats internes ayant un véritable lien avec des dialogues externes. Prenons l’exemple suivant : la question des obligations de toute communauté envers ses membres les plus faibles et les plus pauvres. Cela peut être ramené à la volonté de faire régner la justice, la protection sociale et l’équité par exemple au niveau des débats externes.

Le dialogue pourrait cacher des débats internes ou de les exagérer. « Avant tout, nous devons choisir avec soin les débats internes à amener à la table de nos

185 dialogues extérieurs. Bien choisis, ces débats internes peuvent être un guide précieux dans le domaine sensible ou un terrain d’entente sera peut-être trouvé. Mal choisis, ils peuvent nous entraîner au contraire sur le terrain des convictions non négociables et nous mener au bloc des idéologies totalisées ». (APPADURAI, 2006)

II.3.5.3 DIFFERENTS TYPES DE DIALOGUE INTERCULTUREL

Nous pouvons prendre en considération trois types de dialogue : 1- La communication pragmatique et stratégique

Chacun essaie de valoriser ses propres intérêts et négocie avec les intérêts des autres parties. C’est une sorte de dialogue qui s’installe, où manipulation et déception peuvent être présentes. Dans notre cas, on parle par exemple de négociation en commerce international ou au sein des relations diplomatiques internationales.

2- Le discours moral et universel

On parle ici d’un discours moral et universel au niveau international concernant par exemple les droits de l’homme, la loi internationale.

3- Le dialogue d’éthique-herméneutique

On parle d’un dialogue qui porte sur le partage des valeurs culturelles des acteurs en dialogue. Sont impliquées les traditions religieuses, les valeurs culturelles, voire l’histoire personnelle. Le développement d’un apprentissage interculturel se fait sur ce type de dialogue dont les exemples sont le dialogue interreligieux entre cultures diverses ou encore des programmes d’échange au niveau scolaire.

186 II.3.6 COMPETENCES INTERCULTURELLES

Selon Soener, Verlot et Serijis (1999, pp. 65-66), les compétences interculturelles se situent à un niveau collectif, « des capacités directrices rendant possible, dans un espace donné, la gestion positive et valorisante de la diversité culturelle ». (SOENEN, VERLOT et SUIJS, 1999)

Ce qui nécessite quatre caractéristiques selon Bennett (1994) : - l’empathie

- l’écoute

- le croisement des regards

- la possibilité de varier, d’alterner les codes

Alors que la multiculturalité ou la pluriculturalité désigne une juxtaposition de plusieurs cultures dans un même espace, l’interculturalité implique l’échange, une transaction dynamique. Le brassage culturel auquel nous assistons aujourd’hui nous autorise à dire que l’interculturalité correspond à une pluriculturalité approfondie et maîtrisée.

COMMUNICATION INTERCULTURELLE

D’après l’idée de Gudykunst (1995), reprise par Ogay (2000), la communication interculturelle est perçue comme une gestion de l’incertitude et de l’anxiété issues de l’ambiguïté produite par la rencontre interculturelle. Effectivement, cet auteur évoque que le fait que nous ne partageons pas les mêmes codes et cadres de références culturels rend difficile la prévision de ce qui va se passer dans l’interaction (« comment dois-je le saluer, »), puis la traduction des

187 comportements de notre interlocuteur (« il ne m’a pas serré la main, qu’est-ce que cela veut dire, »). Gudykunst remarque que, selon leurs seuils de tolérance de l’incertitude et de l’anxiété, les individus sont différents. En effet, dès lors que le seuil de tolérance est dépassé par le niveau d’incertitude et d’anxiété ressenti, il y a perturbation de la communication, notamment parce que l’individu fait un usage massif des stéréotypes sans que l’attention soit accordée à l’information individualisée contenue dans la situation.

Toutefois, le niveau d’incertitude et d’anxiété ne doit pas être trop bas, sinon l’interaction n’intéressera pas l’individu.

Nous pouvons ainsi dire que, dans une relation interculturelle, l’important c’est le niveau d’incertitude. Autrement dit, un niveau d’incertitude de plus en plus élevé entraînera une plus grande utilisation des stéréotypes à l’égard de l’autre différent de soi.