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PARTIE I : CADRE THEORIQUE ET PROBLEMATIQUE

I. 1RECHERCHES ANTERIEURES

I.2 CADRE THEORIQUE

I.2.1 Ecologie des savoirs

Selon le point de vue de Chevallard, un savoir S va exister dans différentes institutions, entouré par d'autres savoirs ou connaissances (explicites ou implicites) qui, pour les sujets de chaque institution, vont aller de soi, être stables, et constituer ce qu’il appelle un milieu. Ce milieu va caractériser les conditions dans lesquelles va vivre ce savoir S dans l'institution considérée. La caractérisation des conditions de vie d’un savoir donné vont amener

Cadre théorique et problématique

Chevallard (1994) à élargir le cadre en intégrant ce qu’il appelle le questionnement écologique s’inspirant de l'écologie biologique :

Les écologistes distinguent, s’agissant d’un organisme, son habitat et sa niche. Pour le dire en un langage volontairement anthropomorphe, l’habitat, c’est en quelque sorte l’adresse, le lieu de résidence de l’organisme. La niche, ce sont les fonctions que l’organisme y remplit : c’est en quelque façon la profession qu’il y exerce. (Op. cité, p. 142).

À la suite de Chevallard, Artaud (1997) montre alors comment un objet émerge et peut vivre dans un écosystème didactique.

Pour qu’un objet O émerge dans un écosystème didactique, il est nécessaire qu’existe un milieu pour cet objet, c’est-à-dire un ensemble d’objets connus (au sens où il existe un rapport institutionnel non problématique) avec lesquels O viendra se mettre en interrelation. Cette condition est à mettre en rapport avec une condition citée plus haut, la loi du tout structuré, dont je rappelle l’énoncé : un objet mathématique ne peut exister seul ; il doit venir prendre place dans une organisation mathématique, organisation qu’il faut faire exister. La nécessité qu’existe un milieu dit alors que cette émergence d’une organisation mathématique ne peut se faire ex nihilo. Il faut prendre appui sur des organisations, mathématiques ou non mathématiques, déjà existantes. (Op. cité, p. 124).

Cette dimension écologique permet de questionner les objets mathématiques.

La problématique écologique se présente, d'emblée, comme un moyen de questionner le réel. Qu’est-ce qui existe, et pourquoi ? Mais aussi, qu’est-Qu’est-ce qui n’existe pas, et pourquoi ? Et qu’est-Qu’est-ce qui pourrait exister ? Sous quelles conditions ? Inversement, étant donné un ensemble de conditions, quels objets sont-ils poussés à vivre, ou au contraire sont-ils empêchés de vivre dans ces conditions ? (Artaud, 1997, 99)

L’analyse écologique vise ainsi, à nous permettre de mettre à jour un réseau de conditions et de contraintes qui vont déterminer la place que peuvent occuper les notions en jeu dans chacune des disciplines mathématiques et physique et dans leur interrelation. Pour ce faire, nous analysons leur évolution au cours des changements de programmes en prenant en compte le fonctionnement global des institutions scolaires où elles interviennent, mais aussi d’institutions plus larges liées au fonctionnement du savoir savant chez les mathématiciens ou les physiciens. Ce positionnement théorique nous semble important, en effet comme le fait remarquer Dorier (2000):

Par l'objet même de son étude, la recherche en didactique des mathématiques présente un caractère expérimental, cependant le travail "de terrain" (observations, expérimentations, analyses de productions d'élèves, etc.) est sous-tendu par un travail préalable important ayant trait à "l'étude du savoir mathématique". Cette étude est une phase fondamentale pour que le chercheur puisse prendre ses distances par rapport aux enjeux didactiques. Le sens des concepts, les problèmes qui s'y rattachent, la position relative d'un élément de savoir dans un savoir plus large qui l'englobe, mais

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aussi la variabilité de ces données en fonction des périodes et des institutions, etc. sont autant de questions qui aident à mieux comprendre le fonctionnement d'un système didactique. De plus, le chercheur en didactique ne peut se contenter d'un point de vue interne au système d'enseignement, il analyse le processus complexe qui conduit de la production du savoir dans la communauté mathématique jusqu'à son enseignement, en replaçant l'enjeu de connaissance dans le contexte plus vaste de la constitution des savoirs. […] Ainsi une part importante de l'analyse didactique consiste à prendre en compte l'évolution et la constitution historique du savoir mathématique dans la sphère savante et ses rapports avec la constitution du texte du savoir enseigné. En outre, le processus de transposition didactique est complexe, il ne commence pas au moment où l'enseignant prépare son cours, il est au contraire à ce moment là dans sa phase finale, l'enseignant n'ayant plus que le contrôle de variables locales dans la présentation du texte du savoir. Le chercheur en didactique est donc tenu de remonter aux sources de ce processus, jusqu'à la production du savoir savant, pour "se déprendre de la familiarité de son objet d'étude, et exercer sa vigilance épistémologique". (Op. cité, 9)

Ce cheminement dans la recherche en didactique qui consiste à partir de la constitution historique du savoir est fondamental voire crucial pour l’étude du processus de la transposition didactique. Cette phase pouvant être complétée par une analyse de matériaux plus accessibles comme les programmes et les manuels scolaires.

L’étude de la transposition didactique appelle, le plus souvent, celle de l’histoire de l’enseignement d’un domaine donné des mathématiques. Les matériaux à disposition ne permettent pas, le plus souvent, d’avoir accès à l’enseignement effectif des époques anciennes. Les manuels scolaires peuvent renseigner sur un élément qui est intermédiaire entre la prescription officielle (en France, les programmes officiels) et les pratiques effectives des professeurs. Même pour les périodes actuelles, étant donné que les programmes et les manuels sont très aisément accessibles alors que les pratiques en classe sont longues à observer, cette facilité méthodologique est très souvent (presque toujours), notamment dans les travaux de thèse, à l’origine de questions qui sont adressées aux pratiques. Ainsi le manuel, dans de nombreux travaux de didactique des mathématiques, est un outil pour analyser le curriculum et les processus de transposition didactique. (Assude et Margolinas 2005, 232)

Dans notre travail, nous nous proposons de dégager à partir des programmes et des manuels de différentes périodes (depuis 1852) en mathématiques et en physique l’évolution des habitats et des niches occupés par les notions de vecteurs et de translation et de grandeurs physiques vectorielles et de mouvement de translation. C’est donc une analyse épistémologique, fondée sur les outils de l’analyse écologique, de l’évolution de l’enseignement de ces concepts que nous nous proposons de mener.

Nous présentons à présent les outils de l’anthropologie du didactique que nous allons utiliser pour analyser l’enseignement actuel à la lumière de l’analyse écologique précédente.

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