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Comme mentionné plus haut, le déphasage inhomogène des spins nucléaires résultant de leur précession à des vitesses angulaires différentes conduit à annuler l’aimantation transversale de l’ensemble d’ions. Ce déphasage inhomogène est déterministe, c’est-à-dire qu’à tout instant il est possible de définir la position des spins nucléaires et donc à tout instant les différences de phase entre chacun d’entre eux. Erwin Hahn a montré en 1950 comment remettre les spins nucléaires en phase, et donc récupérer l’aimantation transversale initiale ; en appliquant un séquence dite d’écho de spins ou encore écho de Hahn [29].

Le principe est le suivant : les moments magnétiques nucléaires initialement alignés dans le plan perpendiculaire au champ magnétique effectif évoluent librement en précessant à leur propre pulsation de Larmor ω12. A tout instant t, la phase accumulée par chaque moment magnétique nucléaire µ est donnée par le produit ω12t. L’idée consiste à modifier cette phase accumulée en appliquant un champ radio-fréquence à résonance avec les moments magnétiques nucléaires, pour que ces derniers retrouvent leur configuration d’origine après un certain temps d’évolution libre. Nous allons illustrer le principe d’écho de spins à l’aide d’impulsions carrées.

Une impulsion radio-fréquence vue par un ion Tm3+ est caractérisée par deux paramètres : la durée τp de l’impulsion correspondant au temps pendant lequel l’ion interagit avec le champ radio-fréquence ; et la pulsation de Rabi Ω(t) = γnBo(t) décrivant l’intensité de l’interaction ; et où Bo(t) est en réalité le module du champ oscillant effectif perçu par un ion Tm3+ du fait de l’anisotropie du tenseur gyromagnétique de l’ion Tm3+ (voir premier chapitre).

L’aire d’une impulsion se définit de manière générale par : Ap = tc+

τp

2

tcτp2

Figure 2.4 –Séquence d’écho de spins. a) création d’une aimantation transversale. b) précession libre à des pulsations différentes pendant τ : le moment magnétique bleu prend de l’avance sur le rouge. c) application d’une impulsion d’aire π : le moment magnétique bleu qui est maintenant en retard par rapport au rouge. d) précession libre pendant τ : le moment magnétique bleu a compensé son retard sur le rouge, ils sont maintenant refocalisés et l’aimantation transversale récupérée.

où tc est le centre de l’impulsion. Dans le cas d’impulsion carrée, Ω(t) est constant, et on retrouve une expression déjà rencontrée plus haut :

Ap = Ωτp (2.19)

On note ici que la pulsation de Rabi Ω n’est autre que la largeur spectrale de l’impulsion carrée. On réalise alors la séquence suivante illustrée sur la figure 2.4 :

1. Application d’une impulsion d’aire π/2 selon uX, à résonance avec le moment magnétique

µinitialement selon Bef f : µ tourne autour de Bo d’un angle π/2, et se retrouve à la fin de l’impulsion selon uY.

2. Évolution libre de µ pendant un temps τ1 : µ précesse autour de Bef f à sa pulsation ω12. La phase accumulée à l’issue de cette évolution libre est α1 = ω12τ1 = \(uY, µ).

3. Application d’une impulsion π selon uY à résonance avec µ : µ tourne autour de Bo

d’un angle π, et se retrouve à la fin de l’impulsion toujours dans le plan horizontal Ph. Cette rotation dans l’espace 3D correspond à une réflexion du plan Ph par rapport à l’axe

uY. A l’issue de cette impulsion, tout se passe comme si µ avait accumulé une phase de 2π − 2α1.

4. Évolution libre de µ pendant un temps τ2 : µ précesse autour de Bef f à sa pulsation ω12. La phase accumulée au cours de cette évolution est α2= ω12τ2.

La phase totale accumulée dans le plan Ph est alors :

α1+ 2π − 2α1+ α2 = 2π + α2− α1= ω122− τ1)[2π] (2.20) Le moment magnétique nucléaire retrouvera sa position d’origine si la durée de la seconde évolution libre équivaut la durée de la première, c’est-à-dire si on a τ2 = τ1. Les moments magnétiques nucléaires sont alors refocalisés dans le plan Ph, et l’aimantation transversale initiale est ainsi récupérée à l’issue de la séquence.

La séquence décrite plus haut est valable uniquement lorsque l’impulsion carrée est à réso-nance avec le moment magnétique. Hors résoréso-nance, la fréquence angulaire de précession pendant

l’interaction avec la champ radio-fréquence n’est plus donnée par la pulsation de Rabi Ω mais par la pulsation de Rabi généralisée :

g =2+ (ω12− ω)2 (2.21) L’angle parcouru à l’issue de l’impulsion devient alors strictement supérieur à π :

Ag = π 1 +(ω12− ω)2 (2.22) Pour qu’un moment magnétique hors résonance voie la même impulsion qu’un moment magné-tique à résonance, il faut que :

Ag ≈ π (2.23)

soit que

12− ω)2

≪ Ω2 (2.24)

Les moments magnétiques les plus éloignés de la résonance sont ceux vérifiant

ω12− ω = 2inh (2.25)

Il en résulte que la condition requise pour que les moments magnétiques voient la même im-pulsion carrée s’écrit :

(

inh

2Ω

)2

≪ 1 (2.26)

La relation ci-dessus stipule que la pulsation de Rabi, autrement dit, la largeur spectrale de l’impulsion carrée, doit couvrir largement l’élargissement inhomogène. Cette condition est facilement réalisée dans d’autres ions de terres rares tels que le praséodyme. En effet, le faible élargissement inhomogène de l’ordre de 15 − 30 kHz [30, 31], permet d’utiliser des impulsions larges de plusieurs ∆inh, et d’une durée de plusieurs dizaines de µs. Dans ces conditions, les impulsions π peuvent se révéler efficaces. La situation est cependant autrement différente dans notre système. L’ensemble d’ion Tm3+ a un élargissement inhomogène de l’ordre de 500 kHz pour la configuration angulaire θ = 48° du champ statique Bs. En pratique, il nous est difficile d’obtenir des fréquences de Rabi au-delà de 300 kHz. Le champ radio-fréquence produit par une bobine est proportionnel au courant la traversant. Ce dernier est amplifié à l’aide d’un circuit résonant RLC ; son facteur de qualité doit donc être grand pour maximiser le gain. Cependant, le facteur de qualité étant inversement proportionnel à la largeur de la résonance, du circuit, il faut l’optimiser tout en s’assurant de couvrir suffisament l’élargissement inhomogène. Par ailleurs, l’amplificateur radio-fréquence dont nous disposons ne permet pas d’atteindre les valeurs de Ω requises.

Ne pouvant pas produire des impulsions π de durée suffisamment courte pour exciter toute la largeur inhomogène de manière uniforme, on recherche une alternative peu coûteuse en énergie permettant de réaliser la séquence d’écho de spins, et surtout robuste, c’est-à-dire insensible au désaccord ω12− ω.