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M´ ecanismes de plasticit´ e

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 126-131)

Approches locale et non locale en plasticité cristalline

4.1 M´ ecanismes de plasticit´ e

4.1.1 Syst`emes de glissement, conditions d’´ecoulement et ´ecrouissage

La déformation des métaux peut être décomposée en deux parties : la partie élastique et la partie anélastique. La composante élastique est la première mise en jeu lors du chargement d’une structure. Elle est due à une distorsion réversible du réseau cristallin. La description de la composante anélastique est plus complexe parce que faisant intervenir différents mécanismes de déformation, comme le glissement plastique, mais aussi le maclage ou encore les change-ments de phase. En fatigue à température ambiante, la déformation anélastique de l’acier AISI 316LN est principalement régie par le mouvement des dislocations. Nous nous limiterons donc dans notre étude numérique aux phénomènes de glissement plastique.

Le glissement plastique s’effectue par le mouvement des dislocations au sein de plans cris-tallographiques denses dans des directions denses. La combinaison de ces plans et de ces di-rections définissent les systèmes de glissement. Ces derniers varient selon la structure cristal-lographique du matériau. Pour les structures cubique face centrée (CFC), comme celle de la phase austénitique de l’acier AISI 316LN, les systèmes de glissement sont au nombre de 12.

Les directions de glissement correspondent aux directions <110> et les plans de glissement aux plans {111}. Nous noterons ces systèmes <110> {111}. Pour les structures cubique centrée (CC), comme celle de la phase ferritique de l’acier AISI 316LN, les directions de glissement sont les directions <111>. À la différence des structures CFC, les plans de glissement sont mal connues : ce peut être les plans {110}, les plans {112} ou encore les plans {123}.48systèmes de glissement peuvent ainsi être formés : les 12systèmes <111> {110}, les12 systèmes <111> {112} et les 24 systèmes <111> {123}. Les deux premières familles sont actives quelle que soit la température.

Quant à la dernière, elle ne l’est qu’à très hautes températures (à partir de T2F). Certains auteurs ont montré que la proximité des plans {123} avec les plans {112} ne rend d’ailleurs pas nécessaire l’activation des systèmes de cette dernière famille pour décrire correctement la plasticité (Hoc et al., 2003). Les travaux menés par Franciosi (1984) sur l’interaction des dislocations écartent d’ailleurs complètement ces systèmes.

La loi de Peach et Köhlher constitue le point de départ des théories décrivant la déformation plastique. Elle définit la forceF~ agissant par unité de longueur sur une dislocation en fonction du vecteur de Burgers~bet du vecteur unitaire donnant la direction de la ligne de dislocation~l, en présence d’un champ de contrainte macroscopique défini parΣ:

F~ = (Σ·~b)∧~l. (4.1)

En exprimant cette relation suivant les trois composantes d’un repère, il est alors possible de faire la distinction entre le terme de cisaillement, qui tend à déplacer la dislocation dans le plan défini par~b et~l, et le terme de contrainte normale qui produit le mécanisme de montée de la dislocation perpendiculairement à~b. Le mécanisme le plus courant est le mécanisme de glissement. Il correspond à un mouvement conservatif de la dislocation en sein de son système de glissement. La cission réduiteτsassociée au systèmesest donnée par la formule suivante :

τs= (Σ·n~s)·m~s, (4.2)

oùn~sest la normale au plan de glissement etm~sle vecteur unitaire colinéaire à~b.

La loi de Schmid donne la condition générale d’écoulement. Le glissement au sein du sys-tèmesse produit si la cission réduiteτsassociée à ce système est égale à une valeur critique, aussi appelée cission critiqueτcs:

s| −τcs= 0. (4.3)

La valeur de cette cission critique dépend de la nature des obstacles à franchir. Les princi-paux obstacles au mouvement des dislocations sont les suivants :

– La friction de réseau. Elle correspond à la résistance du réseau cristallin au glissement des dislocations. L’énergie de cœur d’une dislocation vis est minimale lorsque celle-ci se situe dans un puit de potentiels : les vallées de Peierls. Cette configuration est atteinte quand une dislocation est orientée suivant une direction dense. Pour qu’elle puisse se mouvoir, elle doit alors franchir une barrière de potentiel δEp correspondant aux rangées denses d’atomes contenues dans un plan de glissement. De manière générale, le passage d’une vallée à l’autre se fait par un mécanisme thermiquement activé de double décrochement.

La contrainte critiqueσp nécessaire au franchissement de ces barrières de potentiels est appelée la contrainte de Peierls-Nabarro. Elle dépend de la structure atomique du cristal et du type de liaison.σpest, par exemple, beaucoup plus élevée dans les cristaux covalents et ioniques ou les métaux. Elle est plus importante dans les matériaux à structure CC que dans les matériaux à structure CFC. À température ambiante, la friction de réseau est plutôt faible. S’il n’y a pas d’autres obstacles, le matériau se déforme plastiquement pour des contraintes appliquées peu importantes. En revanche, à basses températures, la friction de réseau est importante et contrôle la déformation de manière prépondérante.

– Les dislocations de la forêt. Lorsqu’une dislocation est en mouvement, elle peut rencon-trer d’autres dislocations, appelées les arbres de la forêt. Ces dislocations appartiennent à d’autres plans cristallins et percent le plan de la dislocation en mouvement (figure 4.1a).

Elles sont responsables du durcissement dit latent. Le franchissement de ces obstacles est un phénomène thermiquement activé. Il nécessite une contrainte dont l’importance dé-pend de la nature des interactions entre dislocations actives (en mouvement) et latentes (les arbres). Dans les métaux purs, ces interactions de type forêt sont généralement des obstacles prépondérants au mouvement des dislocations.

– Les éléments en solution. Dans les solutions solides, les dislocations peuvent être épin-glées par les éléments en solution, éléments en général uniformément répartis dans le cristal. Ce mécanisme d’ancrage est responsable des phénomènes liés au vieillissement statique et dynamique. La prise en compte de ce phénomène dans les modèles cristallins est délicate et bien que l’acier étudié soit une solution solide, nous n’utiliserons pas ce type de modèles.

– Les précipités, les inclusions et les défauts. Ces obstacles plus importants sont franchis selon différents mécanismes comme, par exemple, le contournement (mécanisme d’Oro-wan) ou le cisaillement.

Les interactions des dislocations en mouvement avec les arbres de la forêt, les éléments d’addition ou encore les précipités sont responsables de l’augmentation de la cission critique τcs. Mais d’autres phénomènes contribuent également à l’écrouissage macroscopique observé au cours d’un chargement :

– La multiplication des dislocations s’effectue naturellement par le mécanisme de Frank et

Read (figure 4.1b). Elle conduit à une augmentation des arbres de la forêt et ainsi à un durcissement du matériau. Un segment de dislocation ancré en deux points va se cour-ber sous l’effet d’une cission résolueτs de telle manière qu’un arc soit en équilibre sous l’action combinée de la force normale à la ligne de dislocation et de la tension de ligne. Si la cission appliquée continue à croître, l’équilibre devient instable et l’arc tourne autour des points d’ancrage. La recombinaison des deux portions d’arc en regard éjecte alors une boucle qui se propage par glissement. Un nouveau segment est alors créé et un nouveau cycle démarre.

– L’annihilation des dislocations se produit lorsque deux dislocations se rencontrent. C’est un phénomène adoucissant. Deux dislocations coins de signe opposé s’attirent par l’in-termédiaire du champ de déformation qu’elles créent. Lorsqu’elles se retrouvent face à face au sein d’un même plan cristallin, les deux demi-plans vont se rejoindre et former un plan complet. Les dislocations vis peuvent elles aussi s’annihiler à condition qu’elles soient parallèles et de signe opposé. Mais ce phénomène nécessité qu’elles changent de plans par mécanisme de glissement dévié.

– Lorsque les obstacles deviennent difficilement franchissables, les dislocations vis peuvent changer de plan cristallin. Ce phénomène est appelé le glissement dévié. Il tend à durcir le matériau mais est rendu difficile lorsque les dislocations vis sont dissociées. Il nécessite, en effet, la recombinaison des deux dislocations partielles. Pour les matériaux à structure CFC, le glissement dévié est d’autant plus limité que l’EFE d’un matériau est faible. La longueur des fautes d’empilement séparant les partielles augmente lorsque l’EFE dimi-nue. Notons que l’EFE des aciers inoxydables austénitiques, tels que l’acier AISI 316LN, favorise la dissociation des dislocations vis. Ce phénomène est en revanche généralement quasi inexistant pour les matériaux à structure CC.

– Lorsque deux dislocations ne s’annihilent pas, mais entrent en interaction, elles peuvent former une jonction. Selon leur nature, les jonctions génèrent des contraintes plus ou moins importantes. Leur formation durcit le matériau. Les jonctions se forment si leur énergie est inférieure à celle des deux dislocations initialement séparées (règle de Frank).

Plus de détails sur les interactions entre dislocations sont données dans la partie suivante.

(a) (b)

Figure 4.1 – a) ´Ecrouissage de la forˆet. b) M´ecanisme de Frank et Read.

4.1.2 Caract´erisation des interactions entre dislocations

Les interactions entre les dislocations associées à chaque système de glissement sont nom-breuses et leur force varie en fonction de la nature des interactions.

Pour évaluer les différents types d’interaction, des essais de durcissement latent peuvent être entrepris. Ces essais consistent à activer les dislocations du système primaire d’un mono-cristal puis à découper dans ce monomono-cristal de nouvelles éprouvettes qui seront sollicitées dans de nouvelles directions. Les interactions entre les différents systèmes de glissement sont alors évaluées en comparant les limites d’élasticité mesurées lors de ces seconds essais. Il est alors possible de mettre en évidence l’anisotropie du comportement plastique d’un matériau et de déterminer des matrices dont les coefficients caractérisent les interactions entre les dislocations propres à chaque système.

Dans le cas de matériaux à structure CFC à faible énergie de faute d’empilement, Franciosi (1978 ; 1984) a défini un coefficientasupour chaque type d’interaction entre les dislocations des systèmessetu:

– celles entre dislocations appartenant au même système (coefficientaaut0 ), traduisant l’au-toécrouissage ;

– celles entre dislocations appartenant à des systèmes colinéaires (coefficientacol1 ), systèmes ayant le même vecteur de Burgers mais des plans de glissement différents ;

– celles entre dislocations appartenant à des systèmes coplanaires (coefficient acop1 ), sys-tèmes ayant le même plan de glissement mais des vecteurs de Burgers différents ;

– celles entre dislocations appartenant à des systèmes orthogonaux (coefficientaort1 ), sys-tèmes ayant des vecteurs de Burgers perpendiculaires, conduisant à la formation de ver-rous de Hirth ;

– celles entre dislocations formant des jonctions glissiles (coefficientagli2 ) ;

– celles entre dislocations formant des jonctions sessiles conduisant à la formation de ver-rous de Lomer-Cottrell (coefficientases3 ).

Ces six coefficients ont été classés. Plus le caractère durcissant d’une interaction est impor-tant, plus le coefficient qui lui est associé est élevé :

aaut0 < acol1 =acop1 =aort1 < agli2 < ases3 . (4.4) Pour établir ce classement, Franciosi (1984) s’est appuyé sur les résultats d’essais de durcisse-ment latent réalisés sur des monocristaux de cuivre à des niveaux de déformation supérieurs à 0,5%. En dessous de cette valeur, ces coefficients croissent avec la déformation. Ils ne prennent une valeur constante qu’à partir de ce seuil. Les rapports entre les coefficientsaaut0 ,acol, cop, ort

1 ,

agli2 etases3 dépendent du matériau. Lorsque l’EFE diminue, la dissociation des dislocations aug-mente et les interactions aussi, conduisant ainsi à une hausse de certains coefficients.

La matrice d’interaction12×12(12étant le nombre de système de glissement des matériaux CFC) proposée Franciosi (1984) est présentée dans le tableau 4.1. Les systèmes y sont reportés selon la notation de Schmid et Boas (tableau 4.2).

Tableau 4.1 – Matrice sym´etrique d’interaction pour les mat´eriaux `a structure CFC.

Tableau 4.2 – Notations de Schmid et Boas pour les mat´eriaux `a structure CFC.

Plans de glissement Direction de glissement Syst`eme de glissement 1 pour [011]

Plus récemment, des travaux de Dynamique des Dislocations Discrètes (DDD) ont permis d’affiner les résultats expérimentaux obtenus par Franciosi (1984) (Madec et al., 2003 ; Kubin et al., 2008 ; Devincre et al., 2008). Des simulations de traction sur monocristaux de cuivre ont permis de déterminer des matrices d’interaction pour de faibles niveaux de déformation (<

0,1%). Il a été observé que les coefficientsasuévoluent en fonction de la densité de dislocations totaleρtot:

aref est le coefficient d’interaction moyen (√aref = 0,35),asurefcorrespondent aux coefficients de la matrice d’interaction déterminés pour une densité de dislocations de référenceρref etbà la norme du vecteur de Burgers. La forme logarithmique de cette équation dénote une augmenta-tion rapide des coefficients d’interacaugmenta-tion lorsque le niveau de déformaaugmenta-tion appliquée est faible.

Lorsqu’il augmente, cette évolution ralentit et lesasu tendent alors vers une valeur constante comme l’a supposé Franciosi (1984). Si en ce qui concerne ce point précis, les observations de cet auteur sont confortées par les simulations DDD, il n’en est pas de même en ce qui concerne

le classement des différents types d’interactions. Le tableau 4.3 détaille les coefficientsaautref dé-terminés en DDD pourρref = 1012m2.

Tableau 4.3 – Coefficientsasu de la matrice d’interaction d’un mat´eriau `a structure CFC d´eter-min´es par simulations en dynamique des dislocations discr`etes (Kubin et al., 2008).

aaut0 acol1 acop1 aort1 agli2 ases3 0,122 0,625 0,122 0,070 0,137 0,122

Au regard de ce tableau, les mêmes types d’interaction que ceux distingués par Franciosi (1984) apparaissent et la matrice précédemment présentée conserve sa forme. Mais :

aort1 < aaut0 =acop1 =ases3 < agli2 < acol1 . (4.6) Pour les matériaux à structure CC, les travaux concernant la détermination des matrices d’interaction figurent en annexe C.

Il est important de noter que ces matrices sont valables pour des chargements monotones à des niveaux de déformation inférieurs à5%. Pour des niveaux supérieurs ou des trajets de chargement cyclique, des structures hétérogènes de dislocations se forment. La caractérisation des interactions alors mises en jeu reste un problème ouvert.

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