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3.1 Eau et sable

Dans le document Questions complémentaires de sociologie (Page 56-60)

Complétons notre investigation de l’espace physique en considérant deux autres éléments constitutif de l’espace balnéaire : l’eau et le sable.

Le sable rêvé pour délivrer la magie des lieux est chaud et mou, couchis douillet pour un corps indolent qui expérimente l’immobilité nécessaire à la perception diffuse des sensations. Cette plage molle et passive, telle que nous la connaissons aujourd’hui, so- lidement installée dans son stéréotype, n’est devenue vraiment dominante que dans la seconde moitié du 20e siècle. Elle a dû vaincre pour cela la référence première, qui était celle des mers froides, du sable dur et du corps tonique. La transformation du re- gard porté sur le rivage s’est d’abord alimentée à l’idée positive de l’océan vigoureux, régénérateur des organismes affaiblis par les miasmes de la ville. C’est l’époque des immersions brutales dans les eaux glacées, du « bain à la lame », où les seuls plaisirs sont ceux de la douleur et de la suffocation (Corbin A., 1988, Le territoire du vide.

L’Occident et le désir du rivage. 1750-1840, Paris, Flammarion). Epoque qui hors de

la place voit s’épanouir la très militaire et masculine gymnastique. La gymnastique perdra peu à peu ce double caractère, en se diluant dans des pratiques plus diversifiées et en s’intégrant dans une définition moins martiale (Segalen, M., 1994, Les enfants

d’Achille et de Nike, une ethnologie de la course à pied ordinaire, Paris, Métailié). Ce

type d’exercice reste présent sur les plages : natation, jeux de raquettes ou de ballons. Mais il est très minoritaire par rapport à la tendance contraire : la langueur statique du corps réceptacle de sensations.

La plage moderne du sable chaud et mou et de la torpeur sensitive a curieusement commencé à s’esquisser à travers la figure venue d’Angleterre de l’invalid, malade ou supposé tel, amené en convalescence sur le rivage (Corbin, 1988). Seul, immobile face aux éléments, n’osant encore trop avouer les plaisirs qu’il ressent, l’invalid apprend une « façon neuve d’éprouver son corps », « une nouvelle économie des sensations » (Corbin, 1988, p.113).

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Puisant dans l’héritage romantique, cette écoute tournée vers l’intérieur invite à la rê- verie et à une pensée flottante attentive aux vibrations du moi. Dès la fin du 19e siècle, quelques guides commencent à présenter la plage sous une forme hédoniste et passive. Comme celui-ci, qui propose de se laisser « envahir par cette bonne paresse qui nous saisit sur le sable des grèves » (cité par Rauch, A., 1988, Vacances et pratiques corpo-

relles, Paris, PUF, p.52). Mais il faudra attendre l’invention sociale du soleil et du

bronzage pour que le sable mou domine définitivement le sable dur (Kaufmann, 1998 : 33-34).

A quoi donc cela servirait-il de privilégier des plages avec du sable mou, à l’instar de cette plage idyllique ?

On peut en outre considérer l’argument commercial suivant :

Votre peau effleure le sable chaud, votre esprit et votre corps se relaxent. Souriez. Vous êtes arrivé au paradis, vous êtes sur les plages des Iles Canaries. http://www.turismodecanarias.com/iles-canaries-espagne/voyages-de-vacances/plage/

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Le besoin rencontré par le sable mou et chaud :

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En 1963, l’ennemi public en Languedoc-Roussillon a un nom : le moustique. Mais pourquoi ? La Côte d’Azur étant prise d’assaut par des vacanciers de plus en plus nombreux, il faut offrir de nouvelles stations balnéaires conformes aux préoccupations de l’époque. Le projet naît donc d’aménager un littoral long de 180 kilomètres en Languedoc-Roussillon.

Les années soixante marquent les débuts de l’aménagement du territoire en France. Le secteur du tourisme constituait notamment l’une des priorités de la nouvelle Déléga- tion à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) créée en févier 1963 et dont la direction fut confiée à Olivier Guichard. Ce nouvel organisme adopta rapidement un plan d’aménagement du littoral languedocien, qui avec ses lagunes, souffrait de l’image répulsive d’un littoral peu accueillant et hanté par les moustiques. Le projet fut confié à une mission interministérielle d’aménagement présidée par Jean Racine, qui mit au point un Plan d’urbanisme d’intérêt régional approuvé par décret en 1964. L’Etat procède à de vastes acquisitions de terrains (près de 3 500 ha) complétées par des classements en Zone d’aménagement différé (ZAD). Plusieurs grandes unités touristiques, associant stations anciennes et stations entièrement nouvelles conçues ex- nihilo (Port-Camargue, la Grande Motte, Le Cap d’Agde, Port-Barcarès...) sont con- çues. Outre la construction de logements, l’aménagement des plages et l’assainissement des marais, l’aménagement touristique du littoral s’est également ac- compagné d’une multiplication de ports de plaisance et de ports de pêche.

Cette mise en valeur du littoral languedocien permet de bien souligner tous les objec- tifs de l’aménagement du territoire en France au cours des années 1960 : offrir des in- frastructures à un secteur en plein essor, le tourisme, permettre un rééquilibrage des activités sur le territoire (ici désenclaver la Côte d’azur), mettre en valeur des régions restées rurales et peu développées. L’aménagement du littoral languedocien constitue une réussite importante : pour l’ensemble de la région, on est passé de 525 000 tou- ristes en 1965 à près de 5 millions à la fin des années 1980 et un chiffre d’affaires de l’ordre de 8 milliards de francs qui fait du tourisme la première activité régionale. Cette promotion touristique du littoral a eu des répercussions sensibles sur l’emploi, soit directement (accueil, hébergement), soit indirectement (commerces, services, tra- vaux publics et bâtiment).

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Fabrice Grenard, « Une réalisation importante de l’aménagement du territoire : la mise en valeur du Languedoc-Roussillon », Date de diffusion : 12 juillet 1963, Jalons pour l’histoire du temps présent, Consultable sur : http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01076/une-realisation-importante- de-l-amenagement-du-territoire-la-mise-en-valeur-du-languedoc-roussillon.html, consulté le 09/09/2013

Pour bien comprendre l’ampleur des aménagements réalisés, on peut consulter :

http://martial.guerin5.free.fr/port_barcares.htm

Qu’est-ce qui semble dès lors nécessaire pour constituer une « bonne » plage ou une plage « attractive » ?

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Au vu de ce qui précède, comment peut-on expliquer qu’il ait fallu lutter contre les mous- tiques en Languedoc Roussillon ?

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3.2.- Les bords de mer

Gardons comme fil conducteur la proposition déjà avancée. Elle nous servira pour investi- guer les aménagements apportés en bord de mer.

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