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Crème solaire trop sensuelle

Dans le document Questions complémentaires de sociologie (Page 146-155)

Une mère de famille a appelé la police à cause d’une femme qui se massait trop sensuellement la poitrine avec de la crème solaire

ROME – L’histoire plutôt insolite se déroule sur une plage italienne. Luisa, une ita- lienne plutôt bien gâtée par la nature prend un bain de soleil en topless.

Pour éviter tout coup de soleil, la demoiselle s’enduit le corps de crème solaire. Jusque-là rien d’anormal. Sauf que la façon avec laquelle Luisa s’applique la crème sur ses seins dénudés ne plait pas à une mère de famille installée non loin de là. Elle ne veut pas que ses deux fils de 12 et 14 ans voient ce spectacle et demande donc la de- moiselle de bien vouloir arrêter d’exhiber ses seins de cette manière. Mais Luisa a re- fusé de cacher sa nudité.

Cela aurait pu en restait là mais la mère décida d’appeler la police, expliquent La Re- pubblica et le Daily Mail.

Le policier appelé sur les lieux indique que « la jeune femme accusée d’atteinte aux mœurs était très très attirante ». Plainte a été déposée et Luisa a été obligée de prendre un avocat pour se défendre. Ce dernier trouve la plainte stupide et est persuadé d’avoir gain de cause. Dans la presse italienne le débat est lancé : faut-il interdire le monokini sur les plages publiques ?

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10.- Les manières de plage

Au-delà du cas précis du topless, nous nous sommes attardés sur un fait social, c’est à-dire (sur base des définitions que nous avons exposées dans la partie introductive) :

- une manière d’agir, de penser et de sentir qui existerait en dehors des consciences individuelles,

- un type de conduite ou de pensée qui s’impose à l’individu, qu’il le veuille ou non, - une manière de faire commune à l’étendue d’une société donnée et indépendante

de ses manifestations individuelles.

Nous désignerons ce fait social qui inclut, entre autres, la pratique du topless, sous le terme de « manières de plage » que nous empruntons à l’historien Christophe Granger (2010, « Du relâchement des mœurs en régime tempéré. Corps et civilisation dans l’entre-deux- guerres », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2, n°106, 115-125).

Nous avons déjà identifié des manières de faire dans le cadre de la pratique du topless, ainsi qu’une partie des manières de penser (ou de concevoir, de se représenter), de sentir (ou de ressentir, d’apprécier) le topless.

A titre d’exemple, nous avons mis en évidence l’exercice périlleux qui consistait à s’enduire la poitrine de crème solaire.

Dans cet exemple, quelles seraient les manières de penser et de sentir qui « encadrent » la pratique du topless ? ……… ……… ……… ……… ……… ………

Avec la notion de conscience collective, Emile Durkheim introduit l’idée que les membres d’une même société (pas tous les membres, mais ce qu’il considère comme la moyenne des membres) partagent des croyances, des représentations, des conceptions et des sentiments communs, auxquels ils sont affectivement attachés. Ces croyances et ces sentiments s’ancrent dans la durée en se transmettant entre générations, et s’étendent dans l’espace, état partagés au sein d’un même ensemble territorial. Et que, par ailleurs, cette conscience collective forme un système déterminé qui a sa vie propre.

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Nous allons à présent explorer les dimensions de cette conscience collective que nous révèle l’analyse des « manières de plage », fait social que nous avons retenu.

Nous partirons de l’idée que si nous sommes affectivement attachés à certaines croyances et représentations, c’est que nous ne sommes pas indifférents aux objets auxquels se ratta- chent ces croyances et ces représentations. Nous ne serions donc pas indifférents à la plage, aux vacances, au soleil, au bronzage,… Peut-être leur trouvons-nous une certaine utilité. En des termes plus proches de la théorie durkheimienne, ces choses remplissent une fonction. Nous chercherons donc à quel besoin ces choses correspondent.

Dans De la division du travail social (1893), Emile Durkheim porte son regard sur les « con- duites » humaines. Il n’utilise pas le terme d’actions, d’actes ou d’activités, mais celui de « conduite ». L’observation des conduites humaines renseigne sur l’organisation des sociétés et leurs évolutions. C’est sous l’angle des fonctions que Durkheim va caractériser l’organisation et l’évolution des sociétés :

- les fonctions économiques, dont l’importance grandit au moment où il rédige son analyse ;

- les fonctions militaires, administratives et religieuses, dont l’importance décroît ; - les fonctions scientifiques, qui peuvent contrebalancer la force des fonctions écono-

miques.

Son époque est celle des sociétés industrielles.

On a pu, non sans quelque raison, dire de nos sociétés qu’elles sont ou tendent à être essentiellement industrielles (Durkheim, 1893, p.16).

Mais surtout, un temps de dérégulation de cette activité économique.

Une forme d’activité qui a pris une telle place dans l’ensemble de la vie sociale ne peut évidemment rester à ce point déréglée sans qu’il en résulte les troubles les plus profonds. C’est notamment une source de démoralisation générale. Car, précisément parce que les fonctions économiques absorbent aujourd’hui le plus grand nombre des citoyens, il y a une multitude d’individus dont la vie se passe presque tout entière dans le milieu industriel et commercial ; d’où il suit que, comme ce milieu n’est que fai- blement empreint de moralité, la plus grande partie de leur existence s’écoule en de- hors de toute action morale (Durkheim, 1893, pp.16-17).

Certains semblent avoir succombé à la poursuite de leur seul intérêt personnel et perdu le goût au désintéressement, à l’oubli de soi, au sacrifice…

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10.1.- Les vacances d’été

Un premier fait s’impose : le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants sur les plages varie selon les moments de l’année.

Comment expliquer la présence d’un si grand nombre de personnes au bord de la mer du- rant les mois de juillet et d’août ?

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Considérons ici les textes suivants.

Dix jours de grève qui ont changé le monde…

En 1936, à Paris, les grèves de mai éclatent. La situation politique intérieure, avec la montée des extrémismes, finit par précipiter l’instauration des congés payés. La Bel- gique suivit. C’était il y a précisément septante ans.

Si en Allemagne, le principe des congés payés était déjà reconnu quelques années avant la Première Guerre mondiale, il ne s’imposa réellement dans l’ensemble de l’Europe qu’au lendemain de la « grande boucherie ». Les vainqueurs mais aussi les vaincus s’étaient rendus compte des sacrifices de « leur » prolétariat. Les syndicats belges se montrèrent très actifs mais ne parvinrent pas d’emblée à convaincre les gou- vernements qui se succédèrent dans les années vingt. Comme l’a montré Jean Puissant (ULB) dans une étude sur les « congés taxés avant les congés payés », il y avait certes certains congés lors de grandes fêtes mais les ouvriers avaient tendance à les prolonger le lundi… Et les patrons trouvaient dans ce qu’on appelait « les lundis perdus » un bon prétexte pour ne pas instituer de vrais congés payés. Mais il y eut aussi des excep- tions : dès le début des années vingt, les Cimenteries et Briqueteries octroyèrent de trois à six jours à leurs 5.000 ouvriers. La brèche était ouverte et de plus en plus d’entreprises firent preuve de peu ou prou de générosité. L’Etat ne fut pas en reste : en 1925, le ministre des Communications, le socialiste Edward Anseele, instaura un con- gé de huit jours pour les cheminots.

Malgré ces percées réelles, il n’y avait pas encore de consensus entre les syndicats et, c’est bien connu, il aura fallu que Paris éternue pour que Bruxelles tousse. Pire, l’immobilisme marqua le dossier au début des années trente. La véritable avancée se situa de fait en 1936 dans la foulée de la France. Les grèves françaises de mai qui dé- bouchèrent sur les décisions que l’on sait du Front populaire amenèrent le monde belge du travail à recourir lui aussi à cette arme sociale. Les dockers d’Anvers démar- rèrent en trombe, les mineurs liégeois s’installèrent dans leur sillage, le mouvement était lancé. De manière sauvage dans un premier temps, ce qui désarçonna les leaders syndicaux mais ces derniers reprirent la main et la tête d’un grève qui toucha jusqu’à plus d’un demi-million de travailleurs. Les trois grandes familles syndicales furent conviées à rencontrer le patronat sous la présidence de Paul van Zeeland, devenu Pre- mier ministre. Ce dernier joua un rôle décisif dans la persuasion du Comité central de l’Industrie. Le travail pu reprendre le 22 juin 1936. Dix jours de grève avaient été plus efficaces que quinze ans d’hésitations politiques mais aussi syndicales. Selon Jean- Pierre Descan, un historien qui a particulièrement étudié la question (et qui a inspiré largement ce papier), le résultat des élections du 24 mai 1936 avec la percée des ex- trêmes a amené les syndicats à prendre le dossier à bras le corps face à la crainte « d’aventuriers et de démagogues » qui pourraient récupérer le mouvement. Un réflexe similaire se fit jour au gouvernement d’union nationale. Et cela expliquait aussi la dé- termination de Paul van Zeeland à boucler au plus vite un accord global. D’autant qu’on les présenta aussi comme une occasion pour les entreprises de souffler tout en

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entretenant le matériel et comme une promesse de meilleurs rendements tant méca- niques qu’humains.

Restait à permettre aux ouvriers de profiter réellement de leurs nouveaux avantages. C’est ce qui amena les syndicats à créer un réseau d’infrastructures adaptées et le 3 mai 1937, un Office national des vacances ouvrières vit le jour. Mais ce n’est qu’en août 38 qu’une loi précisa que les congés payés étaient un droit pour tous les travail- leurs.

Laporte, C., « Enfin des congés ! Et payés », La Libre, 03.07.2006

Le bienfait social pourrait être nul

Les congés payés octroyés, le gouvernement et les organisations sociales ne se désin- téressent pas de la question. Au contraire, le souci d’organiser ces congés, de per- mettre à la masse des salariés d’en profiter sainement et intelligemment, est le point de départ d’une véritable politique de développement du tourisme social. 1.500.000 ou- vriers sont concernés. « Ce serait évidemment une erreur que d’imaginer le problème

des vacances populaires résolus sous prétexte que la grande masse des salariés béné- ficie chaque année d’un nombre appréciable de jours de congé payé. Un simple vote de loi ne suffit pas. Si l’on s’en tenait là, le bienfait social que l’on en attend serait pratiquement nul. Que ferait en effet l’ouvrier bénéficiaire d’un congé ? Il s’occuperait de menus travaux d’intérieur, il « bricolerait », il tuerait le temps en er- rant dans son coron ou son faubourg industriel, se livrerait à des jeux de hasard, et les pessimistes ajoutent « à la boisson » », écrit Henri Janne, futur directeur de l’Office

national des vacances ouvrières(a).

Le premier été de « congés payés » a surpris les bénéficiaires : si les routes de Bel- gique ont vu défiler de nombreux vacanciers à bicyclette, une grande partie des travail- leurs sont restés chez eux, faute de moyens… et d’une offre adéquate. « On peut ce- pendant, comme il est d’ailleurs naturel, marquer une différence entre les ouvriers ha- bitant les régions rurales et ceux qui vivent dans les agglomérations urbaines. Les premiers se sont, en grande partie, occupés de la culture de leur jardin et de leur lopin de terre. Dans les deux catégories, on signale de petits voyages, excursions à bicy- clettes, visites à des parents. Des ouvriers, parmi ceux touchant de hauts salaires prin- cipalement, ont fait un séjour au bord de la mer, en famille. Il semble que la mer exerce, dans ces milieux aussi, une attraction qui ne fera qu’augmenter »(b).

A partir de 1937, on assiste donc, sous l’égide de la Commission des vacances ou- vrières à la multiplication d’initiatives publiques ou privées. La Fédération nationale du camping et la Fédération nationale des auberges de jeunesse sont créées cette an- née-là. La Caisse d’Epargne et de Retraite met au point un système qui permet d’épargner en vue des vacances. Plusieurs initiatives similaires sont prises par les syn- dicats ou les organisations de jeunesse. Les chemins de fer, les sociétés d’autobus émettent des billets à tarifs réduits. C’est également le point de départ de l’organisation des excursions ludiques et/ou culturelles de la part des associations fon-

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dées par les mouvements ouvriers. « Loisirs et Vacances » naît en 1937 sous l’égide de la Ligue Nationale des Travailleurs Chrétiens. « Vacances et Santé », créée la même année, en est l’équivalent socialiste. Au sein des deux mouvements, il existait déjà quelques homes de vacances et certains programmes en matière de voyages organisés. Ils sont appelés à se développer et, selon le principe de la liberté subsidiée cher aux chrétiens, ils bénéficieront pour cela du soutien de l’Etat.

(a)

Henri Janne, « Vacances populaires en Belgique », in Revue internationale du travail, vol. XXXIV, n°2, février 1939, cité par Congés payés 1936. Histoire et idéologies, sous la direction d’André Hut, Actes du colloque organisé à Bruxelles le 29 novembre 1986 par le mouvement Culture-Tourisme- Loisirs CTL, Reflet, 1991, p.106.

(b) Bulletin social des industriels, n°85, juin 1937, cité par Congés payés 1936. Histoire et idéologies,

sous la direction d’André Hut, Actes du colloque organisé à Bruxelles le 29 novembre 1986 par le mou- vement Culture-Tourisme-Loisirs CTL, Reflet, 1991, p.55.

Extrait de Huberty C., 2006, « Les congés payés ont 70 ans », Supplément au Regards n°59, Juillet- Août, MOC Liège, 4 pages. Disponible sur : http://mocliege.be/IMG/pdf/reg059_dossier.pdf

Le Valeureux Liégeois à Oostduinkerke

Autre activité qui a fait la renommée des Femmes prévoyantes socialistes : les va- cances pour les enfants. Organisées dès le début des années trente (soit six ans avant les congés payés !), elles sont conçues comme des cures d’air et d’alimentation saine. Le succès est d’ailleurs foudroyant et entraîne l’acquisition par les FPS de plusieurs homes : les Floricots à Tihange (1933), le Valeureux Liégeois à Oostduinkerke (1949) et la Cité ardente à Nieuport (1955).

Au fil du temps, l’action de la mutualité envers les enfants a pris diverses formes et s’est adaptée à l’évolution de la société : en 1947, la Fédération met en place deux nouveaux services axés sur la jeunesse, la Mutualité des jeunes travailleurs (MJT) et l’épargne prénuptiale qui remportent eux aussi un vif succès et lui permettent

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d’augmenter sensiblement le nombre de jeunes affiliés. Après-guerre, des formations d’animateurs sont dispensées par les FPS afin d’encadrer au mieux ces activités pour les enfants et les adolescents.

Extrait de Bettens L., 2007, La FMSS : 115 ans de solidarité, FMSS, FPS, pp.26-27. Disponible sur : http://www.solidaris-liege.be/solidaris_be/qui-sommes-nous.html (Onglet : Voir aussi : les 115 ans de la FMSS).

Les nouveaux pèlerinages

L’été 1936, seuls 600.000 Français partirent en vacances pour la première fois. Mais ce fut suffisant pour estomaquer les vacanciers les plus aisés, qui eurent tôt fait, la moue méprisante, de rebaptiser ces néo-estivants « les congés payés ». L’été 1937, l’engouement se poursuivit : on recensa 1,8 million de départs en vacances. Le tou- risme populaire était né. Et avec lui, toute une imagerie elle aussi populaire : ce rituel collectif de la descente estivale vers le sud qui remplaça les grands pèlerinages d’antan.

Les congés payés ne modifièrent pas que le rapport au travail ; ils bouleversèrent pro- fondément les relations entre les villes et la campagne, voire le rapport global à la so- ciété. Le sociologue Jean Viard, directeur de recherches au CNRS, le soulignait ré- cemment : à partir de 1936, grâce aux congés payés, « partir travailler loin de ses pa- rents n’interdit plus de les revoir, habiter la ville n’interdit pas de connaître la cam- pagne, s’installer à la campagne autorise quand même les séjours en ville, vivre en France autorise à connaître d’autres pays. La mobilité et les libertés qu’elle représente sont devenues le compagnon inséparable de ces temps libres multipliés ».

L’innovation des congés payés transforma la physionomie, l’économie et la sociologie françaises. Elle fut à l’origine du développement du réseau d’auberges de jeunesse Léo Lagrange (du nom du secrétaire d’Etat aux Loisirs de l’époque), de l’ascension de la famille Trigano, de l’invention de l’ambre solaire (et son fameux slogan : « Bronzez sans brûler »), du succès de la nationale 7, de l’essor des Maisons de la culture, des fé- dérations sportives, des gîtes ruraux ou même de la pétanque.

Extrait de Delattre B., « Cet été 1936 qui bouleversa la France », La Libre, 03.07.2006

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Quelles seraient alors les fonctions des vacances à la mer ? A quel(s) besoin(s) répondent- elles ? ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ………

Quelles seraient les conceptions, les représentations, les croyances,… associées aux vacances d’été et qui constitueraient la conscience collective de la société française des années 30 ? En d’autres termes, à quoi croit-on ? A quoi attache-t-on de l’importance ? A quoi aspire-t- on ? ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ……… ………

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