05/06/2010Anciens fossés de drainage
II. 3 : Faciès sédimentaires
II.3.3. E3) Alternances sables et limons à litage subhorizontal à faible pendage
(<20°) : épandages sableux humides et
creux interdunaires
Description
Les dépôts associés à ce faciès sont d’ordre métrique mais peuvent avoir localement des épaisseurs plus importantes (cf. Le Gurp). Comme pour le faciès précèdent, nous retrouvons un litage généralement subhorizontal ou à faible pendage pouvant se suivre sur plusieurs centaines de mètres à l’affleurement et l’absence de figures chenalisées de type fluviatile. Nous incluons au sein de ces faciès :
i. des ensembles caractérisés par une succes- sion de lits épais généralement entre 1 et 10 cm, constitués de sables moyens à fins, séparés par des contacts ondulés irréguliers voir gaufrés, parfois plans. Les lits sableux sont généralement massifs bien que certains présentent une lamination entrecroisée à pendage fort (> 20°) ou une lamination subhorizontale. Des lits millimétriques li- moneux ou limono-sableux sont interstra- tifiés entre des séquences élémentaires de lits sableux et se caractérisent également par leur aspect irrégulier ou gaufré. Le pendage des ensembles est généralement inférieur à 5°. Les lits limoneux à limono-sableux sont colorés par la migration d’oxydes de fer/aluminium ou de matière organique d’origine récente (sol actuel – subactuel) ; ii. des ensembles montrant des alternances ré- gulières de lits de sables moyens à fins épais généralement de 1 à 10 cm et des lits de li- mons ou limons sableux épais de 1 mm à 5 cm en moyenne (Planche VI). Localement, nous avons pu observer que le litage peut se présenter avec des faibles ondulations (hau-
Fig.II.4 : Développement de la pin stripe lamination. Noter le granoclassement inverse au sein des rides éo- liennes et la présence à la base de chaque ride d’un lit millimétrique constitué de sables fins. Modifié d’après Fryberger et Schenk (1988).
Sable très fin - limon Sable fin - moyen Granoclassement
inverse
Pin stripe lamination
II.3 : Faciès sédimentaires
teur ≈ 10 cm) d’espacement inframétrique. Les contacts supérieur et inférieur des lits limoneux sont généralement nets et présen- tent des ondulations de faible amplitude et période. Les lits sableux sont généralement massifs, mais ils peuvent présenter parfois un granoclassement normal ou inverse. Interprétation
Les caractères principaux de ce faciès suggèrent une accumulation éolienne dans un environnement où la nappe phréatique est en surface ou près de la surface, et correspond à un contexte qu’on définit comme «éolien humide» (Kocurek et Havholm, 1993). L’ensemble caractérisé par une succession de lits sableux à faible pendage et par des contacts irré- guliers ou gaufrés est ici rapporté à une succession dominée par des structures d’adhésion (Planche
sable migre et s’accumule sur des surfaces humides (Pye et Tsoar, 2009). Kocurek et Fielder (1982) ont produit une synthèse reprenant l’ensemble des observations décrites dans la littérature et ont réalisé des études expérimentales permettant de proposer un diagramme des principales struc- tures d’adhésion. Selon ces auteurs, les différentes morphologies pouvant être observées résultent des facteurs suivants : contenu en eau, variabilité de la direction du vent, configuration de la surface de dépôt, angle d’impact des grains en saltation. Dans les coupes observées dans ce travail, la plupart des lits observés correspondent à la migration de rides d’adhésion ou à des lamines d’adhésion (Fig.II.5). Les lits à lamination croisée à angle fort corres- pondent à la migration de rides d’adhésion grim- pantes. Par rapport au travail de Kocurek et Fielder (1982), nous ne sommes pas en mesure d’estimer l’angle d’impact des grains en saltation. Nous pou- vons toutefois affirmer que la surface de dépôt était subhorizontale dans tous les cas étudiés. Pour cette 10-16°
10-16°
LAMINATION D'ADHESION
LAMINATIONS D'ADHESION LAMINATIONS D'ADHESION
LAMINATIONS D'ADHESION RIDES D'AHDESION À ORIENTATION VARIABLE
BOSSES D'ADHESION *
LAMINATIONS D'ADHESION
LAMINATIONS D'ADHESION IRREGULIÈRES RIDES D'ADHESION À FAIBLE ANGLE
10-16° RIDES D'ADHESION
CONTENU EN EAU ÉLEVÉ CONTENU EN EAU FAIBLE
SURFACE DU SOL CHUTE DE GRAINS VERTICALE VENTS À DIRECTION VARIABLE VITESSES DES VENTS ÉLEVÉES
Fig.II.5 : Expression des structures d’adhésion selon différents facteurs. Seuls les exemples observés au sein des faciès éoliens étudiés dans ce travail ont été inclus. Modifié d’après Kocurek et Fielder (1982).
Conditions Modèle régional Modèle local
Transport des fractions grossières et fines depuis la zone source
En principe depuis une seule zone source de grande extension, i.e. le secteur exposé du bassin de la Mer Nordique
A partir de zones ponctuelles et espacées, i.e. à partir de creux de déflation
Flux de production de particules Par étapes et sur de longues distances Continu et sur les distances rélativement courtes
Dépôt des fractions grossières et fines dans le site d'accumulation
Séparé dans le temps par plusieurs mois Presque simultané
Configuration des vents efficaces (i.e. des vents responsables du dépôt des fractions fines et/ou grossières)
Contraste saisonnier dans l'intensité du vent Alternance d'événements à transport de
sables et d'événéments calmes Conditions d'humidité de la surface
du sol
Humidité générale au cours du printemps et du début de l'été suite à la fonte d'un sol saisonnairement gelé
Humidité prolongée limitée aux dépressions topographiques avec une nappe phréatique peu profonde
Zone source Zone du
flux de production Site d'accumulation ? Pavage de déflation A. Probablement une couverture résiduelle de sable éolien B. Sable éolien avec litage à alternances horizontales C. Intergradation: interstratifica- tions sable-loess (gauche) Limon sableux et Loess sableux (droite) D. E.Loess 1 2
Submersion par la rémontée de la Mer du Nord, recouvrement par des sédiments plus récents ou rémobilisation
Sediments à l'optimum de l'accumulation éolienne
Sedimentation estivale avec vents faibles et variables et fonte de la surface de dépôt Sedimentation hivernale avec vents généralement plus intenses, tempêtes de neige et surface de dépôt gélée
Processus: Déflation Accumulation de sable
Accumulation nivéo-éolienne avec granulométrie moyenne variable selon la distance de la source Sédimentation par capture d'une surface humide des fines en suspension
Sédimentation des fines en suspension par une surface sèche
1. Épisode de vent transportant du sable
2. Fin de l'épisode de vent
Transport sable par saltation
Minces plages sableuses dépôsées par traction
Décantation des fines en suspension Transport fines en suspen-
sion
Creux de déflation
Niveau nappé phréatique*
Fig.II.6 : Modèle régional (en haut) et modèle local (en bas) proposés par Schwan (1986, 1988) pour expliquer les alter- nances sable – limon au sein des épandages éoliens pléniglaciaires d’Europe du nord-ouest. Les caractéristiques de chaque modèle sont résumées en bas de page.
II.3 : Faciès sédimentaires
rek et Fielder (1982) est proposée ici simplifiée en ne considérant que les configurations vraisem- blables dans notre contexte sédimentaire (Fig. II.5). L’alternance de lits sableux et de lits limoneux se prête à des interprétations multiples. En contexte de désert chaud, ce type de faciès est associé à des lacs semi-permanents ou à des sebkas (Glen- nie, 1970 ; Reineck et Singh, 1975). D’après les auteurs, des lits limoneux voire argileux s’ob- servent lorsque les lacs ou les sebkas sont alimen- tés par des cours d’eau (wadis). L’accumulation des fines se fait par décantation et il en résulte des séquences élémentaires à granoclassement normal, le terme final pouvant être des lits argileux. Des ap- ports plus grossiers sont mis en relation avec les cours d’eau ou au transport des sables dunaires par le vent. Granja et al. (2008), dans une zone côtière du nord- ouest du Portugal, ont observé ce type de faciès au sein d’une séquence éolienne datant entre la fin du Pleistocène supérieur et de l’Holocène. Selon les au- teurs, ce type de faciès s’est formé dans un contexte éolien humide caractérisé par des édifices dunaires et par des zones interdunaires dans lequelles le som- met de la nappe est affleurant ou proche de la surface. En domaine périglaciaire, ce type de faciès a été largement décrit au sein des épandages sableux pléniglaciaires du NO de l’Europe. Il a été étu- dié notamment par Ruegg (1983), Schwan (1986, 1988) et Lea (1990). D’après Ruegg (1983), cette alternance s’explique par une surface périodi- quement humide qui favoriserait la capture des grains plus fins transportés en suspension dans l’air. Schwan (1986, 1988) a proposé deux modèles pour expliquer ce faciès : un modèle régional et un modèle local. Le modèle régional explique les alternances sables – limons comme la conséquence d’une sédimentation à caractère saisonnier : en été, les vents étant de faible intensité, seules les fines sont transportées et s’accumulent sur des surfaces humides grâce à la fonte du gélisol ; en hiver, les vents sont plus intenses et permettent de remobi- liser les sables, tandis que les fines sont transpor- tées sur des longues distances. Selon le modèle local, l’accumulation des sables et des limons se fait au cours du même épisode par des vents efficaces pendant une seule période de l’année : les sables s’accumulent davantage selon ce modèle, tandis que le dépôt des limons se fait surtout au cours d’événements à vents moins intenses et dans des secteurs en dépres- sion où la hauteur de la nappe est suffisante pour humecter la surface du sol et donc permettre la capture des fines. Les conditions associées à ces deux modèles ainsi que leur synthèse graphique sont présentés (cf. Fig. II.6). Selon Lea (1990), le modèle régional saisonnier proposé par Schwan (1986) ne peut pas entièrement expliquer les alter- nances sables-limons puisque les régions sous ré- gime périglaciaire sont caractérisées par une grande
vitesse des vents. Lea (1990) souligne également que des vents saisonniers, dont l’action s’excerce à des moments bien distincts dans le temps, ne peuvent pas rendre compte des lits avec une grada- tion progressive entre des sables fins à la base et des limons au sommet. D’après cet auteur, cela s’expli- querait plutôt par des événements caractérisés par une décroissance progressive de l’intensité du vent.