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Effets de la fragmentation sur la dose

1.4 Fragmentation et mesures de sections efficaces

1.4.2 Effets de la fragmentation sur la dose

1.4.2.1 Au niveau de la tumeur

Comme évoqué précédemment, la première conséquence des interactions nucléaires sur le dépôt de dose est la diminution du nombre de projectiles en fonction de la profon-deur. À 400 MeV/n, il ne restera plus que 26,7 % des ions carbone incidents au niveau du pic de Bragg, comme le montre la figure 1.12(a), qui représente l’atténuation du nombre d’ions carbone en fonction de la profondeur lors de cette simulation. La figure 1.12(b) montre la comparaison entre un dépôt de dose idéal d’un faisceau de carbone sans inter-actions nucléaires et un dépôt de dose plus réaliste qui les prend en compte. La différence de dose au niveau du pic de Bragg est de 71,9 % à cette profondeur. Comme expliqué dans la section 1.2.4, cette atténuation est calculée à partir de la section efficace totale de réaction, qui apparaît donc comme une donnée primordiale lors de la planification d’un traitement.

Cependant, cette donnée est insuffisante pour évaluer précisément la dose déposée au sein de la tumeur. À 400 MeV/n, la dose déposée par les fragments au niveau du pic de Bragg correspond à environ 5 % de la dose totale. Négliger cette contribution donne déjà un écart sur la dose supérieur à la précision requise en hadronthérapie (2,5 % sur

1.4. Fragmentation et mesures de sections efficaces

Profondeur (cm)

0 5 10 15 20 25 30 35

Proportion restante du faisceau (%)

0 20 40 60 80 100 (a) Profondeur (cm) 26.5 27 27.5 28

Dose relative au pic de Bragg

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 inélastiquesInteractions Activées Désactivées (b)

Figure 1.12 – À gauche, atténuation des ions incidents en fonction de la profondeur. À droite, comparaison entre un dépôt de dose ne prenant pas en compte les interactions inélastiques et un la considérant.

le dépôt de dose). Pour un pic de Bragg étalé, la contribution des fragments à la dose dépasse les 25 % à cette énergie [28]. Il est donc impératif dans la planification d’un traitement de prendre en compte ces fragments. Pour cela, il est nécessaire de connaître le nombre, la charge et la vitesse des fragments créés (voir la formule de Bethe-Bloch, éq. 1.3). Bien que les modèles actuels soient incapables de reproduire précisément les taux de productions des fragments, la valeur de dose au niveau du pic de Bragg est correctement reproduite [28,29]. De plus, les différents modèles disponibles dans ces codes (qui pourtant montrent de grandes différences entre eux lorsqu’il s’agit de reproduire les sections efficaces différentielles [30]) montrent une différence inférieure à 2,5 % sur le calcul de dose jusqu’au pic de Bragg [31, 32]. En termes de dosimétrie au sein de la tumeur, la connaissance actuelle en matière de fragmentation est donc suffisante pour offrir la précision demandée en hadronthérapie. De plus, le fort EBR du 12C au pic de Bragg accentue encore la différence en termes de dose biologique à la tumeur.

1.4.2.2 Dans les tissus sains

À mesure que le projectile est consommé, la proportion de fragments secondaires augmente avec la profondeur jusqu’au pic de Bragg. Dans le cas de notre simulation à 400 MeV/n, leur contribution dans les tissus sains deux centimètres avant le pic de Bragg atteint 42 % de la dose déposée à cette profondeur. L’évolution de cette contribution peut être vue en vert sur la figure 1.13. Cette figure montre également la contribution des protons et des particules α à la dose, ainsi que la somme des contributions de particules de charge Z = 1 et Z = 2. Ces particules légères représentent près de deux tiers de la dose déposée par les fragments avant le pic de Bragg.

Si la valeur de dose globale est correctement reproduite par les codes de simulation, il n’en est pas de même pour le TEL de chaque particule. La dose biologique avant le pic de Bragg n’est plus largement dominée par le carbone, du fait de son EBR proche de 1 à bas TEL. Toutes les particules produites ayant une distribution en énergie large (un exemple

Profondeur (cm) 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Dose relative au pic de Bragg

2 10 1 10 1 Dose totale C 12 He 4 H 1 Z=1 + Z=2 Tous fragments

Figure 1.13 – Dépôt de dose d’un faisceau de carbone en fonction de la profondeur et participation des fragments (protons, alpha et total) à la dose.

pour les particules de Z = 1 est présenté en figure 1.16), les valeurs d’EBR associées peuvent également grandement varier. Avoir une meilleure connaissance du phénomène de fragmentation permettrait d’améliorer le contrôle de délivrance de la dose dans les tissus sains avant la tumeur.

Mais le risque le plus important concernant les tissus sains reste la présence poten-tielle d’organes sensibles à proximité de la tumeur. En effet, certaines tumeurs peuvent être proches d’un organe comme le cœur ou le cerveau dans lesquels il est impératif de contrôler le dépôt de dose. Il est donc important d’évaluer précisément la dose déposée par les fragments après le pic de Bragg. De plus, les écarts entre les prévisions des diffé-rents modèles sur la valeur de dose dépassent 15 % après le pic de Bragg. La figure 1.14 représente la cartographie de dose déposée lors d’une irradiation par un faisceau de car-bone à 400 MeV/n. L’échelle colorée représente la dose relative par rapport au pic de Bragg. Seules les valeurs de doses supérieures à 0,1 % de la valeur au pic de Bragg sont représentées. Sur cette figure apparaît clairement la dispersion de la dose due à la frag-mentation. La dispersion latérale atteint quelques centimètres, mais les valeurs de dose sont très faibles. Elles deviennent inférieures à 1 % après quelques millimètres seulement. Des valeurs de dose de quelques pourcents sont cependant visibles jusqu’à 3 cm après le pic de Bragg. La majeure partie de la dose reste donc déposée dans la trajectoire du faisceau, avec une faible ouverture angulaire. Bien que ces valeurs de doses sont faibles, elles augmentent dans le cas d’un pic de Bragg étalé. Ceci a pour conséquence de former une zone de quelques millimètres autour de la zone irradiée dans laquelle la dose n’est pas négligeable.

L’établissement d’une carte telle celle présentée en figure 1.14 permet d’évaluer l’im-portance de ce dépôt de dose. La précision du calcul de la dose déposée en un point (x, y) sur la carte dépend fortement de la capacité des modèles à reproduire les distributions angulaires et les distributions en énergie des fragments produits. Or aux énergies utilisées en hadronthérapie, les différents modèles testés présentent parfois des différences de plus d’un ordre de grandeur par rapport aux mesures déjà effectuées [30, 33]. Pour créer une

1.4. Fragmentation et mesures de sections efficaces

Figure 1.14 – Cartographie de dose (projection sur deux dimensions) d’une irradiation carbone à 400 MeV/n dans un volume d’eau. La profondeur du pic de Bragg est repérée par un trait vertical pointillé. L’échelle de couleur représente la dose normalisée à la valeur au pic de Bragg.

telle carte, il est également nécessaire de connaître le parcours des fragments produits. Le parcours étant dépendant de la masse de la particule, il faut donc connaître les taux de production de fragments avec une discrimination non seulement en charge, mais aussi en masse. La figure 1.15 représente le dépôt de dose engendré par des (a) protons, (b) deuterons et (c) tritons. Ces figures illustrent clairement la dépendance en masse du parcours et de la dispersion latérale des fragments, comme présenté en sections 1.2.3 et 1.2.4.

Une autre donnée est essentielle au calcul du parcours des fragments. Il s’agît des distribution en énergie d’émission des produits de fragmentation. La figure 1.16 (a) en montre un exemple pour les isotopes de l’hydrogène à 10 cm de profondeur. Cette figure montre que pour ces trois particules, les distributions sont sensiblement différentes. Elles ne présentent pas la même largeur en énergie ni exactement la même forme. La figure 1.16 (b) représente quant à elle les distributions en énergie pour des protons à 1 cm, 10 cm et 20 cm de profondeur. Si ces distributions gardent la même forme, elles présentent une diminution de largeur avec l’augmentation de la profondeur, liée à la baisse de l’énergie faisceau. Ces distributions sont larges (plusieurs centaines de MeV/n) et évoluent en fonction de la profondeur et du fragment.

Pour résumer, l’évaluation de la dose déposée par les fragments nécessite un certain jeu de données :

— des taux de production avec discrimination en masse, — des distributions angulaires des fragments,

— des distributions en énergie ou en vitesse des fragments,

et ce à toutes les énergies entre 0 et l’énergie du faisceau. Ces données peuvent être obtenues à partir d’expériences sur des cibles d’épaisseurs croissantes afin d’obtenir des informations sur la composition du faisceau à différentes épaisseurs. Elles peuvent égale-ment être obtenues à partir de cibles fines et à différentes valeurs d’énergie faisceau afin d’obtenir des sections efficaces doublement différentielles en angle et en énergie. Cette

(a)

(b)

(c)

Figure 1.15 – Cartographie de dose (projection 2D) déposée par (a) les protons, (b) deuterons, (c) tritons générés lors d’une irradiation carbone à 400 MeV/n dans un volume d’eau. La profondeur du pic de Bragg est repérée par un trait vertical pointillé. L’échelle de couleur représente la dose normalisée à la valeur au pic de Bragg.

1.4. Fragmentation et mesures de sections efficaces

Energie (MeV/n)

0 200 400 600 800

C incident