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III. Le transport de sucres chez les plantes

3. La dynamique membranaire pour réguler les flux de sucres à l’échelle de la cellule

Pour assurer leur fonction, les protéines membranaires sont d’abord synthétisées dans le réticulum endoplasmique (RE), puis adressées le long du système endomembranaire de sécrétion (également appelé système sécrétoire, Figure E.17) à travers l’appareil de Golgi, puis le Trans-Golgi Network (TGN) vers leur destination finale (i) la membrane plasmique par exocytose pour les protéines plasmalemmiques (Peer, 2011) ou (ii) la membrane vacuolaire pour les protéines tonoplastiques (Pedrazzini et al., 2013). Les protéines du plasmalemme peuvent être soit conservées à cette membrane éventuellement dans des microdomaines, riches en stérols et sphingolipides (Mongrand et al., 2010), soit internalisées par endocytose. Ce processus d’endocytose permet : (i) leur adressage vers la vacuole pour leur dégradation, participant ainsi à leur turnover ou (ii) leur stockage dans des compartiments endocytiques de réserve puis leur recyclage vers la membrane plasmique quand leur fonction est requise (Murphy et al., 2005 ; Figure E.17). La voie principale d'endocytose la mieux décrite chez les cellules végétale est l’endocytose dépendante de la clathrine (Clathrin-Mediated Endocytosis, CME ; Chen et al., 2011) qui est la voie principale d’endocytose des PRR lors des IPM (Leborgne-Castel et al., 2010). Une endocytose liée aux microdomaines membranaires, impliquant des

41 protéines spécifiques de ces microdomaines telles les flotillines, a également été envisagée mais peu de données sont actuellement disponibles chez les plantes (Hao et al., 2014).

Figure E.17 : Représentation simplifiée du système endomembranaire chez les plantes.

Les protéines entrent de manière co-traductionnelle dans le réticulum endoplasmique (RE) et sont dirigées vers l’appareil de Golgi (Golgi). Les protéines membranaires adressées à la membrane plasmique (et/ou dans les microdomaines) ou les protéines solubles excrétées dans l’apoplasme quittent l’appareil de Golgi par la maturation des saccules aboutissant à un réseau trans-golgien (TGN). Les protéines sont délivrées à la membrane plasmique par exocytose, ou à la vacuole par le trafic cellulaire pour les protéines du tonoplaste (non représentées sur ce schéma). En parallèle, les protéines membranaires ainsi que des molécules extracellulaires peuvent être internalisées par endocytose au niveau des endosomes précoces. Les protéines membranaires peuvent soit être recyclées et réadressées à la membrane plasmique, soit dégradées dans la vacuole via les compartiments multi-vésiculaires (MVB, ou endosome tardif) qui fusionnent avec la vacuole lytique.

Le trafic cellulaire à destination (exocytose) et en provenance de la membrane plasmique (endocytose/recyclage) peut donc contrôler l’abondance et l’activité des transporteurs de sucres, participant aux réponses de la cellule à son environnement. Au-delà d’une régulation transcriptionnelle et leur synthèse de novo, l’adressage des transporteurs de sucres à la membrane plasmique peut-être régulé afin d’augmenter ou de limiter les échanges de sucres entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule (Figure E.18, régulation 1). De même, une régulation des transporteurs tonoplastiques peut influencer les échanges entre la vacuole et le cytoplasme.

Très récemment, une étude a démontré, chez les transporteurs plasmalemmiques de la sous-famille STP d’Arabidopsis, la présence d’un signal d’export du RE correspondant à 3 résidus aromatiques en C-terminal, nécessaire à l’adressage à la membrane plasmique (Yamada et al., 2017). La mutation de ce signal d’export non seulement a entrainé un défaut d’adressage et une rétention dans le RE des protéines STP1 et STP13 chez des cellules végétales, mais également une inhibition de l’entrée de glucose après expression hétérologue chez la levure (Yamada et al., 2017). Ceci illustre l’importance de la localisation subcellulaire des transporteurs pour leur fonction physiologique.

Pour les protéines déjà présentes dans les membranes, un autre niveau de régulation peut avoir lieu à l’échelle de la protéine, par des modifications post-traductionnelles ou par des interactions protéines-protéines et/ou

42 encore par des processus de dynamique membranaire décrits précédemment en lien avec un trafic vésiculaire (Figure E.18).

Les données montrant une régulation des transporteurs de sucres par des modifications post-traductionnelles via des phosphorylations de résidus de ces protéines sont assez rares. Cependant les travaux de Roblin et collaborateurs (1998) ont été les premiers à montrer que l'absorption du saccharose liée par la force protomotrice est inhibée dans les vésicules de membrane plasmique préparées à partir de feuilles de betterave sucrière (Beta vulgaris L., Bv) et infiltrées avec l’acide okadaïque, un inhibiteur de protéines phosphatases. Les auteurs ont suggéré que le transporteur de saccharose semble être actif lorsqu’il est sous une forme déphosphorylée et inactif sous une forme phosphorylée (Roblin et al., 1998). Par la suite, Ransom-Hodgkins et collaborateurs (2003) ont confirmé l’effet inhibiteur sur l’activité du transport de saccharose, lorsque les protéines phosphatases sont inhibées. Par contre, des résultats contradictoires ont été obtenus lors de traitements avec des inhibiteurs de protéines kinases qui semblent augmenter ou ne pas avoir d’effet sur l’activité du transport de saccharose de BvSUT1 (Ransom-Hodgkins et al., 2003). Des études par des approches de phosphoprotéomiques chez Arabidopsis ont permis d’identifier des sites putatifs de phosphorylation pour des transporteurs de saccharose et de monosaccharides (Nühse et al., 2004 ; Niittylä et al., 2007). Récemment, il a été montré pour la première fois une régulation par phosphorylation du transporteur de monosaccharide AtSTP13, essentielle à son activité dans un contexte d’IPM (développé dans le paragraphe IV.1. La régulation des flux de sucres de la plante à l’interface plante/microorganisme pathogène ; Yamada et al., 2016). La régulation de l'activité des transporteurs de sucres par phosphorylation peut donc être un mécanisme commun possible pour les transporteurs de saccharose et d’hexoses.

L’exemple le plus connu de régulation à l’échelle de la protéine par dynamique membranaire, est celui du transporteur de glucose GLUT4, chez les mammifères. En effet, en réponse à l’insuline il se déplace entre la membrane plasmique et des compartiments intracellulaires de stockage, dans des cellules musculaires et adipeuses. L’insuline stimule rapidement le transport de glucose par un recrutement réversible des protéines GLUT4 à la membrane plasmique où elles s’activent (Figure E.18, régulation 3). Au contraire, en absence d’insuline, GLUT4 est séquestrée dans des compartiments intracellulaires, réduisant ainsi sa concentration à la membrane plasmique (Leto and Saltiel, 2012).

Chez les plantes, les travaux de Krügel et collaborateurs (2008 et 2012), réalisés chez la levure ou en plante, ont montré que le transporteur SlSUT1 de la pomme de terre (Solanum tuberosum SUT1) est également régulé par dynamique membranaire en réponse à des agents oxydants. Cette oxydation a un effet sur l’adressage à la membrane plasmique et la dimérisation de la protéine, mais également sur l’augmentation de l’activité du transporteur (Krügel et al., 2008). De plus, ces travaux ont montré la présence de StSUT1 sous forme de monomères (majoritairement) et de dimères dans des fractions résistantes aux détergents, correspondant à des microdomaines de la membrane plasmique. D’autres auteurs ont également montré la capacité des transporteurs SUT à interagir entre eux ou avec d’autres protéines. Reinders et collaborateurs (2002) et Schulze et collaborateurs (2003), utilisant le système split ubiquitine en levure, ont montré que des

43 membres des classes SUT1, SUT2 et SUT4 de la tomate (Solanum lycopersicum, Sl) et d’Arabidopsis étaient capables de former aussi bien des homo- que des hétéro-dimères. In planta, une preuve supplémentaire de l’homo-dimérisation de StSUT1 démontrée dans les microdomaines chez la pomme de terre, a été menée par une approche split-YFP dans des cellules de tabac (Krügel et al., 2008). De plus, ces dimères ont la capacité d’absorber du saccharose chez la levure démontrant leur fonctionnalité (Reinders et al., 2002). Des études plus récentes révèlent une interaction entre StSUT1 et de nombreuses protéines des microdomaines, dont une protéine disulfure isomérase (PDI), qui elle-même interagit également avec StSUT4 et SlSUT2. La PDI interviendrait comme protéine chaperon dans le contrôle de l’oligomérisation et l’adressage des SUT à la membrane plasmique et/ou aux microdomaines (Krügel et al., 2012 ; Figure E.18, régulation 2). Enfin, les travaux de Liesche et collaborateurs (2010) montrent que l’adressage et le recyclage à la membrane de StSUT1 sont contrôlés par endocytose (probablement en association avec les microdomaines) entraînant soit sa dégradation dans la vacuole, soit son recyclage à la membrane plasmique (Figure E.18, régulation 4).

La dimérisation des monomères (homo- et hétérodimères) dans la famille SWEET chez Arabidopsis a également été démontrée par des expériences de split ubiquitine chez la levure ; certaines interactions ont été confirmées in planta par split GFP (Xuan et al., 2013). Ces premières études sur l’oligomérisation des SWEET, utilisant des mutants dominants négatifs ont montré l'importance de l'oligomérisation pour leur fonction. Les transporteurs SWEET ne contiennent que 7 domaines transmembranaires par rapport aux transporteurs SUT/MST qui en possèdent 12. Les auteurs ont suggéré que l'oligomérisation de deux SWEET pourrait permettre la formation d’un pore membranaire permettant le transport de sucres. Cependant, ils peuvent être fonctionnels sous forme de monomère, cette structure pourraient être suffisante à l’activité du transport (Xuan et al., 2013). De même, une étude récente a révélé chez le riz que le transporteur OsSWEET2b, localisé au niveau du tonoplaste, semble être fonctionnel sous forme de monomère (Tao et al., 2015). Ces auteurs ont également observé la formation d’homotrimères de ce transporteur. La formation de ces macro-complexes permettrait la régulation de l’activité du transport, par changement de conformation des protomères du complexe, induisant une modification de la capacité du transport. Mais les mécanismes moléculaires sous-jacents à ces régulations doivent encore être élucidés.

Les transporteurs de sucres peuvent donc former des homo- et/ou des hétéro-oligomères, indiquant que leur activité de transport, leur localisation et leur dynamique peuvent donc être régulés par des interactions

Figure E.18 : Schéma hypothétique et simplifié représentant les différentes régulations de dynamique membranaire de transporteurs de sucres plasmalemmiques à l’échelle de la cellule. ① Régulation

de la synthèse de novo du transporteur et adressage à la membrane plasmique ② Régulation positive ou négative des transporteurs dans des zones particulières de la membrane plasmique (microdomaines). ③ Mobilisation à partir de réservoirs intracellulaires et adressage à la membrane plasmique par exocytose. ④ Dégradation à la vacuole et/ou recyclage du transporteur par endocytose.

44 protéines-protéines. Les données disponibles sur la régulation des transporteurs de sucres via le trafic cellulaire sont rares chez les plantes et ne concernent pour l’instant que quelques candidats de la famille SUT ou MST (STP). L’existence de mécanismes similaires pour d’autres transporteurs n’est pas à exclure mais reste à identifier notamment lors des différentes interactions entre plantes et microorganismes.

IV. Les sucres, un élément essentiel à l’interface biotrophe pour le devenir