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II. La perception des molécules microbiennes et signalisation chez les plantes

2. Les interactions plantes-agents mutualistes

2.1 La communication entre les partenaires : les signaux pré-symbiotiques

Au cours de l’interaction légumineuse-rhizobium, les rhizobia sécrètent des molécules appelées facteurs Nod en réponse aux flavonoïdes produits par la plante dans la rhizosphère (Roche et al., 1991). Ces facteurs Nod sont des LipoChitoOligosaccharides (LCO), formés d’une suite de 4 unités de NAG liées par des liaisons β,1-4. Ces molécules participent au dialogue moléculaire, première étape indispensable à l’initiation de la symbiose. La reconnaissance des facteurs Nod par la plante hôte va permettre la mise en place des étapes d’infection et d’organogénèse pour accueillir les bactéries dans la racine via le déclenchement d’une voie de signalisation permettant l’activation de gènes de nodulation entraînant la formation de nodosités dans les racines (Oldroyd et al., 2011).

Tout comme dans la symbiose rhizobienne, les échanges de signaux sont essentiels pour l’établissement de la MA. Les signaux fongiques et végétaux échangés durant la phase pré-symbiotique permettent d’accroître le volume des racines mais également la germination et la ramification des hyphes fongiques, augmentant ainsi les chances de contact entre les deux partenaires et donc d’une interaction « opérationnelle ».

2.1.1 Les « signaux végétaux» : les strigolactones (SL)

Différents auteurs ont découvert la présence de molécules capables de stimuler la croissance et la ramification de CMA dans les exsudats racinaires de plantes mycorhizotrophes (Bécard and Piché, 1989 ; Giovannetti et al., 1993 ; Giovannetti et al., 1996 ; Nagahashi and Douds, 2004). Ceci souligne l’importance de signaux émis par la plante dans la mise en place de la MA. Par la suite, les travaux de Buee et collaborateurs (2000) et Nagahashi and Douds (2000) ont montré l’induction de ramifications intenses d’hyphes de CMA en réponse à une fraction purifiée d’exsudats de racines de carotte, similaire à celle mise en place lors de la présence d’une racine hôte. Ce test a permis d’isoler le facteur de ramification produit par les racines (Buee et al., 2000) et de l’identifier par des travaux conjoints à partir de fractions d’exsudats de racines de sorgho (Sorghum bilocor) et du lotier (Lotus japonicus ; Akiyama et al., 2005 ; Besserer et al., 2006). Il s’agit d’une

19 classe d’hormones, les SL, qui peuvent stimuler le métabolisme du champignon et provoquer une augmentation de son activité mitochondriale aboutissant à la ramification des hyphes de différents CMA (Gigaspora margarita et G. gigantea), mais aussi la germination des spores de Rhizophagus irregularis et de Glomus mosseae (Akiyama et al., 2005 ; Besserer et al., 2006 ; Besserer et al., 2009). Ceci a été confirmé chez des mutants de pois (Pisum sativum), défectueux dans la production de SL, présentant un taux de colonisation plus faible par rapport aux plantes sauvages. De plus, l’ajout exogène du GR24, un analogue de synthèse des SL, a permis de restaurer le phénotype mycorhizien (Gomez-Roldan et al., 2008).

Au-delà de leur rôle dans l’interaction avec les CMA, les SL sont des molécules « signal » de la classe des « phytohormones » agissant à plusieurs niveaux dans la physiologie des plantes. Elles activent la germination de graines de plantes parasites (telles que les Striga ou les Orobanche) qui puisent dans les racines de plantes voisines les ressources nécessaires à leur croissance (Cook et al., 1966). Elles contrôlent la ramification des tiges en inhibant le développement des bourgeons axillaires (Gomez-Roldan et al., 2008 ; Umehara et al., 2008) et aussi l’architecture des racines en réprimant la formation des racines latérales et la croissance de la racine primaire, tout en promouvant l’élongation des poils absorbants (Brewer et al., 2013 ; Waldie et al., 2014).

2.1.2 Les « signaux fongiques » : myc-LCO et myc-CO 2.1.2.1 Des facteurs Nod aux facteurs Myc

Des expériences utilisant une co-culture de Medicago truncatula et de CMA (G. rosea, G. gigantea, G. margarita et R. irregularis) séparés par une membrane perméable, ont démontré l’existence de signaux fongiques diffusibles perçus par la plante. Ces signaux fongiques élicitent l’expression du gène de nodulation ENOD11 dans les racines de l’hôte, tandis que des agents pathogènes (Phythophthora medicaginis, Phoma medicaginis et Fusarium solani) n’induisent pas l’expression de ce gène (Kosuta et al., 2003). D’autres auteurs ont montré des résultats analogues, où l’expression de gènes initialement identifiés dans la symbiose rhizobienne était induite dans les racines de la plante hôte en réponse à ces signaux diffusibles et/ou lors de la MA (Journet et al., 2001 ; Chabaud et al., 2002 ; Weidmann et al., 2004).

En parallèle, ces signaux diffusibles, provenant du CMA G. margarita, sont capables de développer la formation de racines latérales de M. truncatula, tout comme les facteurs Nod. De façon plus surprenante, un traitement avec les facteurs Nod sur les racines de cette même plante hôte a montré que la colonisation racinaire par le CMA était augmentée (Oláh et al., 2005).

D’autres études physiologiques ont dévoilé que ces signaux fongiques, ainsi que les CMA, pouvaient induire des variations périodiques de la [Ca2+]cyt et/ou de la [Ca2+]nuc,connus sous le terme d’oscillations de la [Ca2+], dans les cellules végétales (Navazio et al., 2007; Kosuta et al., 2008; Chabaud et al., 2011). Les oscillations de la [Ca2+]nuc induites par les exsudats fongiques sont équivalentes à celles observées dans les cellules racinaires sous les hyphopodes, le point de contact par l’hyphe du CMA (Chabaud et al, 2011). Ces variations

20 de la [Ca2+] ont été également observées dans des racines M. truncatula lors de la symbiose rhizobienne (Miwa et al., 2006 ; Kosuta et al., 2008 ; Sieberer et al., 2009 ; Chabaud et al., 2011).

Enfin, l’utilisation de mutants de gènes impliqués dans la voie de signalisation Nod (détaillée plus bas), ayant perdu la capacité de pénétration des bactéries et de formation des nodosités racinaires, présentent aussi des « phénotypes mycorhiziens » tel un de la pénétration ou de colonisation de la plante hôte par le CMA (Catoira et al., 2000 ; Kistner et al., 2005). L’implication de ces gènes est donc essentielle à la mise en place des deux endosymbioses. De plus, les facteurs Nod bactériens ont une structure comprenant un squelette chitinique, alors que la chitine est un composant de la paroi fongique. Toutes ces observations ont conduit à émettre l’hypothèse selon laquelle la voie de signalisation Nod serait une adaptation plus récente (datant d’environ 65 millions d’années) de la voie de signalisation mycorhizienne beaucoup plus ancienne (environ 450 millions d’années), suggérant l’existence d’une voie symbiotique commune de signalisation (Oldroyd, 2013). A partir de tests ayant permis la caractérisation des facteurs Nod, Maillet et collaborateurs (2011) ont identifié la nature de ces signaux fongiques après purification de fractions d'exsudats mycorhiziens issus de cultures in vitro de racines de carotte mycorhizées par R. irregularis et de spores fongiques germées. Ils ont montré que le CMA R. irregularis produisaient des LCO. Ces molécules sont constituées d’un tétramère (forme majoritaire) ou/et d’un pentamère (forme minoritaire) de NAG. Ils peuvent être sulfatés ou non sur le sucre réducteur, et portent sur la fonction amine du résidu NAG non réducteur un acide oléique (acide gras en C18) ou un acide palmitique (acide gras en C16) saturé ou non (Figure E.5). Ces molécules sont structuralement très proches des facteurs Nod et ont été appelées facteurs Myc.

Figure E.5 : Structure chimique des myc-LCO majoritaires.

A. Structure d’un myc-LCO tétramérique sulfaté portant un acide palmitique saturé : LCO-IV(C16:0) S. B. Structure

d’un myc-LCO tétramérique non sulfaté portant un acide oléique insaturé : LCO-IV (C18:1). Extrait de Maillet et al., 2011.

2.1.2.2 Les CMA produisent des myc-CO courts, en plus des myc-LCO

Les travaux de Chabaud et collaborateurs (2011), utilisant des cultures de racines (root organ cultures ; ROC) de M. truncatula et de carotte exprimant une sonde spécifique du Ca2+ libre dans le noyau, ont montré que les exsudats de spores germées (GSE, Germinating Spore Exsudates) provenant du CMA G. margarita déclenchaient des oscillations de la [Ca2+] non régulières comparées à celles induites par les facteurs Nod (Sieberer et al., 2009). Auparavant, il avait déjà été rapporté que les facteurs Nod et les CMA déclenchaient

21 des signatures Ca2+ cytosoliques différentes dans les cellules rhizodermiques de M. truncatula (Kosuta et al., 2008). Les ROC représentent des systèmes simplifiés particulièrement intéressants car ils peuvent être colonisés par des CMA (Boisson-Dernier et al., 2001), mais ne peuvent pas s'associer avec les rhizobiums (Akashi et al., 2003), ni déclencher d’oscillations de la [Ca2+]nuc après contact avec les rhizobiums (Chabaud et al., 2011), suggérant l’implication de molécules « signal » différentes entre les deux symbioses.

En utilisant ce système de culture simplifié, Genre et collaborateurs (2013) ont montré, comme initialement exposé par Chabaud et collaborateurs (2011), l’induction de réponses Ca2+ irrégulières en réponse à des GSE de différents CMA (G. margarita, G. rosea et R. irregularis) alors que les GSE du pathogène biotrophe Colletotrichum trifolii étaient incapables de déclencher des réponses Ca2+. Ils se sont interrogés sur la nature chitinique du signal, qui s’est révélée positive, puisqu’un pré-traitement par des chitinases des GSE de G. margarita a supprimé les oscillations de la [Ca2+] initialement déclenchées par le CMA. De plus, un mélange de CO (ChitoOligosaccharides) commerciaux de tailles variables (CO4 à 6) a montré l’induction de réponses Ca2+ analogues à celles déclenchées par le traitement de GSE des CMA. Un traitement individuel de CO commerciaux (CO3, 4, 5, 6 et 8) sur les cellules épidermiques a révélé que les CO courts (CO4 et CO5) étaient les plus actifs, alors que les CO à chaines longues, comme le CO8, connu comme étant un éliciteur chitinique de réactions de défense (Shimizu et al., 2010; Hayafune et al., 2014), n’induisent pas d’oscillations de la [Ca2+].

Après avoir étudié la composition des GSE, les auteurs ont démontré que les CMA produisaient en plus des LCO (Maillet et al., 2011) des chaines courtes de chitines, les CO4 et CO5 (Figure E.6) étant majoritaires (Genre et al., 2013). Ces derniers induisent les plus fortes réponses Ca2+ dans les cellules épidermiques de M. truncatula et de carotte, analogues à celles induites par les CMA. Cependant, ces oscillations possèdent des variations dans la période et sont de plus faibles amplitudes que celles induites par les facteurs Nod (Kosuta et al., 2008 ; Chabaud et al., 2011 ; Genre et al., 2013). En complément, une augmentation importante de la concentration en CO4 et CO5 dans les GSE a été observée lorsque des spores de R. irregularis ont été traitées avec le GR24 (Genre et al., 2013).

L’ensemble de ces travaux démontrent que les CMA produisent donc des molécules chitiniques appelées myc-LCO et myc-CO à chaines courtes, mais l’existence d’autres facteurs myc n’est toutefois pas à exclure.

Figure E.6 : Structure chimique des myc-CO courts. n = 1 ou 2. Modifié de Maillet et al, 2011.

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2.2 La signalisation commune aux deux endosymbioses nécessaire à la mise en place de