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La deuxième section est consacrée à deux phénomènes que nous jugeons indissociables : la dynamique et le changement du BM. Nous abordons dans un premier temps la question de la dynamique du BM. Nous identifions trois principales manières d’appréhender la dynamique du BM : la dynamique intra-BM et inter-BM au niveau intra-organisationnel, et la dynamique inter-BM au niveau inter-organisationnel. Nous proposons qu’une analyse de la dynamique du BM selon ces trois modalités permet d’enrichir l’étude du changement du BM. Dans un second temps, nous abordons plus précisément la question du changement du BM. Nous identifions d’abord deux approches pour étudier le changement du BM : les approches « contenu » et les approches « processus ». Nous optons pour une approche mixte offrant une compréhension plus fine des phénomènes de changement. Nous relevons ensuite deux modèles de changement du BM (Linder et Cantrell, 2000 ; Moyon, 2011) adaptés à nos précédents choix conceptuels et théoriques. Ces modèles permettent d’apprécier le degré de changement du BM. La mobilisation de ces modèles doit nous renseigner sur l’ampleur de l’influence des ONG sur le changement du BM de la grande entreprise. Nous retiendrons le modèle de changement de Moyon (2011) car celui-ci se fonde sur l’utilisation du « modèle RCOV », une représentation de BM proche de celle que nous avons adopté comme cadre d’analyse.

Section II.1 La dynamique du business model

Le BM peut être considéré comme une « photographie » de la « logique de création de valeur » d’une entreprise. Cette « photographie », comme nous l’avons vu dans la partie précédente, peut comporter différents éléments a priori cohérents. L’approche dynamique du BM peut être abordée à plusieurs niveaux : celui d’une entreprise focale26 (1.1) et celui de plusieurs organisations en relations (1.2). Au niveau d’une entreprise focale, l’approche dynamique suppose une appréhension des interactions à l’œuvre entre les différents éléments constitutifs d’un seul BM ou de plusieurs BM. Au niveau inter-organisationnel, les interactions peuvent également être envisagées sous l’angle des interactions entre les différentes composantes des BM des entités en relation.

1.1 Les interactions de BM au niveau de l’entreprise focale

Au niveau d’une entreprise focale, l’approche dynamique suppose une appréhension des interactions à l’œuvre entre les différents éléments constitutifs d’un seul et même BM (1.1.1) ou bien de plusieurs BM au sein d’une même entreprise (1.1.2).

1.1.1 Les interactions intra-BM

L’étude des interactions au sein d’un même BM au niveau de l’entreprise focale suppose la mobilisation d’une approche multidimensionnelle du BM. Il s’agit d’étudier les interactions entre les différentes composantes qui constituent le BM. Par exemple, dans le cadre du modèle RCOV (Lecocq et al., 2006 ; Demil et Lecocq, 2010), il est question d’étudier les interactions entre les trois composantes principales identifiées par les auteurs, à savoir le système de ressources et de compétences, l’organisation et la proposition de valeur. Ceci permet d’apprécier la cohérence globale du BM et sa capacité à optimiser le rapport entre d’une part le volume et la structure des coûts et d’autre part le volume et la structure des revenus (équation de profit). Nous proposons de rendre compte des apports de la littérature sur la compréhension des interactions entre les différentes composantes d’un seul et même BM au niveau d’une entreprise focale.

Les interactions entre les différentes composantes d’un BM sont régulièrement évoquées dans la littérature (Moyon, 2011 : 116). Certains auteurs choisissent même de se focaliser sur les interactions au sein d’une seule et même composante, comme par exemple la proposition de valeur (Fay, 2004 ; Kasabov, 2010 ; Katona et Sarvary, 2008 ; Pauwels et Weiss, 2008). Nous allons nous concentrer sur les recherches qui portent sur les interactions entre les différentes composantes du BM. La figure 11 (p.74) représente le BM d’une entreprise quelconque composé de six (6) composantes (A, B, C, D, E et F). La perspective dynamique intra-BM au sein d’une entreprise focale consiste à appréhender les différentes interactions (1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7) entre les différentes composantes du BM.

Figure 11. Dynamique intra-BM au sein d’une entreprise focale

Casadesus-Masanell et Ricart (2007, 2010) et Seelos et Mair (2007) proposent une méthode d’analyse des interactions entre les différentes composantes d’un BM. Cette méthode se décline en trois étapes. La première étape consiste à identifier, sur la base d’observations empiriques, un ensemble de choix agrégés relatifs au BM d’une entreprise. La deuxième étape consiste à reconstituer les relations entre ces ensembles de choix selon une logique de « cause à effet ». Dans cette perspective, le BM est défini comme : « a set of choices and a set of

consequences arising from those choices » (Casadesus-Masanell et Ricart, 2007 : 3). La

troisième et dernière étape consiste à regrouper certains ensembles de choix et à les agréger lorsqu’ils correspondent à une même logique. Ces ensembles de relations entre choix agrégés font ressortir la logique globale du BM.

Casadesus-Masanell et Ricart (2010) proposent une représentation détaillée du BM de la compagnie aérienne Ryanair. Cette représentation a été construite grâce aux deux premières étapes de la méthode décrite précédemment. Les différents choix représentés sont issus d’une agrégation de choix liés et répondant à une logique similaire. Par exemple, l’élément

« nothing is free » correspond à l’idée qu’aucun service n’est offert au client, comme

l’enregistrement des bagages ou encore les boissons à bord. Ensuite, les flèches correspondent à la mise en relation des différents choix. Les éléments soulignés sont les conséquences des choix non soulignés. Par exemple, l’élément « low quality service expected » implique la

tarification de l’ensemble des services additionnels et la non distribution de repas. La figure 12 (p.75) représente le BM de Rynair de manière détaillée.

Figure 12. Représentation du détaillée du BM de Ryanair (Casadesus-Masanell et Ricart, 2010 : 199)

Casadesus-Masanell et Ricart (2010) optent ensuite pour une représentation simplifiée du BM de Ryanair afin de faire apparaître les principales « logiques de création de valeur » de l’entreprise. La figure 13 (p.76) représente le BM de Rynair de manière simplifiée.

Figure 13. Représentation simplifiée du BM de Ryanair (Casadesus-Masanell et Ricart, 2010 : 201)

Nous observons dans le cadre de ces deux représentations des phénomènes de rétroactions entre différents choix formulés par l’entreprise : « prix bas => volumes élevés => fréquence

élevée de rotation des avions => coûts fixes faibles => prix bas => etc. ». Cette boucle de

rétroaction met en évidence un cercle vertueux (Brown, 2001 ; Seelos et Mair, 2007 ; Casadesus-Masanell et Ricart, 2007, 2010 ; Demil et Lecocq, 2010). La capacité de l’entreprise à obtenir des coûts fixes faibles grâce à la rotation élevée des avions, lui permet de maintenir des prix compétitifs et ainsi d’augmenter son volume d’affaires, lui permettant d’augmenter la rotation de ses avions, etc. Casadesus-Masanell et Ricart (2010) qualifient ce phénomène sous le vocable de « feedback loops ». Ceux-ci permettent à chaque itération de renforcer la logique de chaque élément du système : « feedback loops that strengthen some

components of the model at every iteration » (Casadesus-Masanell et Ricart 2010 : 199).

La perspective dynamique intra-BM au niveau d’une entreprise focale nous livre quatre principaux enseignements. Tout d’abord, cette approche permet de faire ressortir la cohérence globale du BM, et notamment la cohérence entre ses principales composantes. Cette

cohérence est renforcée par l’analyse des relations entre ces différentes composantes et en particulier leur capacité à se nourrir mutuellement. Ensuite, cette approche met en lumière les principaux mécanismes par lesquels les différentes composantes se renforcent ou s’inhibent. La représentation des interactions intra-BM fait apparaître la logique vertueuse ou vicieuse dans laquelle s’insèrent les composantes. Au-delà de l’interaction entre les composantes, la représentation dynamique intra-BM met en relation les différentes sources de coûts et de revenus ainsi que leurs éventuelles interdépendances. Dans le cas de Ryanair par exemple, nous observons que le renouvellement de la flotte induit par la rotation élevée des avions est en partie facilité par la réduction des coûts fixes liés à cette même rotation des avions. Nous comprenons donc que cette rotation est à la fois sources de coûts à long terme et source de revenus à court et moyen terme. Cette représentation permet de déterminer la relation entre le BM et la construction d’un avantage concurrentiel (Teece, 2007), dont la pérennisation dépendra de son caractère difficilement imitable pour les concurrents (Brown, 2001). Enfin, la représentation dynamique intra-BM permet aux praticiens de prendre des décisions pertinentes à un niveau intermédiaire entre la stratégie et l’opérationnel pour la redéfinition, le réajustement ou le renforcement de la logique de création de valeur. Cette prise de décision à un niveau méso offre une certaine flexibilité dans le processus décisionnel sans pour autant perdre de vue les grandes orientations stratégiques traduites dans la logique globale du BM. Dans le cadre de notre projet de recherche, l’analyse intra-BM nous semble pertinente pour mettre en lumière l’évolution d’un BM. Au-delà des changements relatifs aux différentes composantes du BM sur une période donnée, la mise en lumière d’une nouvelle logique de création de valeur permet d’appréhender de manière plus fine le degré de changement du BM. Si le nombre et la nature des composantes impactées par le changement sont des variables intéressantes pour apprécier le degré de changement de BM, nous considérons que l’identification d’une nouvelle logique de création de valeur peut compléter l’analyse.

1.1.2 Les interactions inter-BM : la notion de portefeuille de BM

La perspective dynamique inter-BM au niveau d’une entreprise focale implique l’existence d’au moins deux BM au sein de cette entreprise et l’existence de relations entre une ou plusieurs composantes de ces BM. Cette approche peut être mobilisée dans le cas d’une entreprise diversifiée possédant au moins deux domaines d’activités stratégiques, autrement dit un portefeuille d’activités. Chaque activité correspond à une combinaison particulière de facteurs clés de succès et donc à une logique de création de valeur spécifique. Par conséquent,

la présence de plusieurs activités suppose l’existence d’un BM spécifique pour chacune d’elles. Nous pouvons ainsi parler de portefeuille de BM (Sabatier et al., 2010). La fréquence et la densité des interactions seront plus importantes dans le cadre d’une diversification liée, permettant l’activation de synergies entre activités et donc entre BM.

La figure 14 ci-après représente deux BM (BM 1. et 2.) d’une entreprise quelconque composés de six (6) composantes chacun (A, B, C, D, E et F ; et A’, B’, C’, D’, E’ et F’). La perspective dynamique inter-BM au sein d’une entreprise focale consiste à appréhender les différentes interactions entre les différentes composantes respectives de deux BM. Par exemple, il s’agit d’étudier les interactions entre la composante A et la composante A’ et/ou la composante B’, etc. Il se peut qu’il n’existe aucune interaction entre deux composantes des deux BM de l’entreprise focale. Par exemple, la composante B peut n’avoir aucune interaction avec les composantes du BM 2.

Figure 14. Dynamique inter-BM au sein d’une entreprise focale

Certains chercheurs ont étudié les interactions entre différents BM au sein d’une entreprise focale (Casadesus-Masanell et Tarziján, 2012 ; Casadesus-Masanell et Ricart, 2007 ; Sabatier et al., 2010). Sabatier et al. (2010) introduisent le concept de portefeuille de BM qu’ils définissent comme : « the range of different ways a firm delivers value to its customers to

ensure both its medium term viability and future development » (Sabatier et al., 2010 : 432)

ou encore comme : « a way to articulate and finance the firm’s activities in the medium run

and to ensure idiosyncrasy to protect its future health » (Sabatier et al., 2010 : 432). Une

entreprise peut détenir différentes logiques de création de valeur pour assurer sa viabilité à moyen et long terme.

Moingeon et Lehmann-Ortega (2010) ont étudié l’émergence et le déploiement d’un nouveau BM au sein d’une entreprise existante, nommée Axytrans, dans le secteur du transport de fonds. L’émergence du nouveau BM n’a pas impliqué la suppression de l’ancien. Par conséquent, deux BM co-existent au sein de l’entreprise. L’entreprise possède ainsi un portefeuille de BM. Les auteurs proposent une méthode qui vise à démontrer le caractère effectivement novateur du BM émergent. Il s’agit d’analyser les différences entre les composantes respectives des deux BM. Les auteurs retiennent trois principales composantes du BM, à savoir la proposition de valeur, l’architecture de valeur et l’équation de profit. Leur méthode se décline en trois étapes. La première étape consiste à identifier les différences entre les propositions de valeurs respectives des deux BM. Moingeon et Lehmann-Ortega (2010) mobilisent un outil d’analyse stratégique (cf. figure 15, ci-après) proposé par Kim et Mauborgne (2005) appelé « courbe de valeur ». Cet outil « représente sous une forme

schématique la performance relative de l’entreprise par rapport à tous les critères autour desquels la concurrence se joue dans son secteur. » (p.33). A l’aide de la courbe de valeur,

les auteurs déterminent le caractère radical d’une modification en fonction du degré d’atténuation, du degré de renforcement, de la suppression ou de la création d’un critère à forte valeur ajoutée pour le client.

Figure 15. Comparaisons des courbes de valeur du nouveau et de l’ancien BM d’une entreprise de transport de fonds (d’après Moingeon et Lehmann-Ortega, 2010 : 273)

Nous observons des différences significatives entre les deux propositions de valeur. Non seulement il existe des phénomènes d’atténuation ou de renforcement de certaines variables

clés de la proposition de valeur (niveau de prix, de simplicité du système et de flexibilité), mais nous constatons la création de deux nouvelles caractéristiques (absence d’armes et la facilité de respect du décret). Il y a donc bien la création d’une nouvelle proposition de valeur. La deuxième étape consiste à identifier les différences entre les architectures de valeur respectives des deux BM. Dans ce cadre, Moingeon et Lehmann-Ortega (2010) mobilisent la chaîne de valeur de Porter (1985). D’après Lehmann-Ortega (2006), la nouveauté peut provenir de la création ou la suppression de plusieurs maillons, la modification de l’ordre des maillons, et/ou la modification de plusieurs maillons.

Nous observons des différences significatives entre les deux architectures de valeur présentes dans cette entreprise de transport de fonds (cf. tableau 13, p.80). Non seulement il existe des modifications de plusieurs maillons de la chaîne de valeur (tournée réalisée par un seul homme dans une voiture banalisée et sans armes), mais nous constatons également la création ou la suppression de plusieurs maillons (Installations d’infrastructures, formation externalisée du personnel, programmation informatique des tournées). Il y a donc bien la création d’une nouvelle architecture de valeur. La troisième étape consiste à apprécier l’influence combinée de la nouvelle proposition et de la nouvelle architecture de valeur sur l’équation de profit. Dans cette optique, les auteurs analysent d’une part l’évolution du chiffre d’affaires de l’entreprise en volume et en valeur, et d’autre part les modifications en termes de structure de coûts et de capitaux engagés.

Tableau 13. Eléments justifiant l’analyse de l’architecture de valeur du nouveau BM chez Axytrans (d’après Moingeon et Lehmann-Ortega, 2010 : 274)

Caractéristiques  générales  

de  la  radicalité   Présence  dans  l’utilisation  du  nouveau  BM  

Création  ou  suppression  de   plusieurs  maillons  

- Installation  de  socles  de  réception  et  éventuellement  de  SAS   spéciaux  chez  les  clients  

- Formation  du  personnel  chez  le  client  

- Programmation  informatique  de  la  tournée  et  des   conteneurs  

Modification  de  l’ordre  des  

maillons   - (Pas  d’occurrence)   Modification  de  plusieurs  

maillons  

- Tournée  réalisée  par  un  seul  homme  au  lieu  de  trois   - Tournée  réalisée  en  voiture  banalisée  et  sans  armes  

L’ensemble des composantes de l’équation de profit a été impacté sous l’effet de l’introduction du BM innovant (cf. tableau 14, p.81). Le chiffre d’affaires et la structure des

coûts ont évolué. Il existe bien une nouvelle équation de profit. Nous observons des différences significatives entre l’ensemble des composantes respectives des deux BM. Nous sommes donc en présence de deux BM différents.

Tableau 14. Analyse de l’équation de profit du système innovant chez Axytrans (Moingeon et Lehmann-Ortega, 2010 : 275)

Composante  de  l’équation  

de  profit   Evolution   Eléments  justifiant  l’analyse  

Chiffre   d’affaires  

Prix   Baisse   Les  prix  sont  inhérents  à  l’offre  du  nouveau  BM  (Axytrans)   Quantités   Hausse  

Augmentation  des  volumes  grâce  à  la  conquête  de   nouveaux  clients,  notamment  ceux  qui  souhaitent  éviter   les  travaux  de  sécurisation  (aménagements  rendus   obligatoires  par  le  décret  de  2000)  

Coûts   unitaires  de   la  tournée  

 

Baisse   − 1  seule  personne  au  lieu  de  3  − Véhicule  banalisé,  à  la  fois  moins  cher  à  l’achat  et  au   kilomètre  parcouru  par  rapport  à  un  fourgon  blindé   Capitaux  

engagés   Baisse   Equivalence  entre  coût  d’un  fourgon  blindé  et  équipement  en  système  Axytrans  d’un  véhicule  banalisé   Marge    

(en  %)   Hausse   Le  gain  est  en  partie  redistribué  au  client  sous  forme  de  baisse  des  prix   Marge    

(en  valeur)   Hausse   La  marge  en  valeur  est  plus  élevée  sous  l’effet  conjugué  des  volumes  et  de  la  marge  en  %   Profits    

(en  valeur)   Hausse   Résultante  des  analyses  précédentes  

Moingeon et Lehmann-Ortega (2010) n’explicitent que très partiellement les interactions entre les composantes des deux BM au sein de l’entreprise focale. Cela est dû au caractère conflictuel des deux BM (Markides et Charitou, 2004). Les BM sont conflictuels dans la mesure où ils reposent sur des visions totalement différentes, voire antagonistes, du métier de convoyeurs de fonds. En effet, l’ancien BM repose sur un système de sécurité ostentatoire et dissuasif tandis que le nouveau BM repose sur un système de sécurité basé sur la discrétion et l’absence de convoitise. Ces antagonismes génèrent des résistances au sein de l’entreprise et plus largement du secteur. Ces résistances sont liées à des phénomènes de « blocages cognitifs » (Chesbrough, 2010) et « d’orthodoxie sectorielle » (Hamel et Prahalad, 1994). Pourtant, le BM innovant est beaucoup plus performant que l’ancien, et pourrait théoriquement se substituer à lui. Deux raisons poussent l’entreprise à conserver l’ancien BM. D’une part, les transports en blindés permettent d’assurer le transport des pièces métalliques qui ne peuvent pas être maculées. D’autre part, la Banque de France, en situation de monopole, refuse de s’équiper du nouveau système. Ceci contraint les entreprises de transport

de fonds converties à la nouvelle technique de convoyage à conserver leurs blindés pour assurer le transport des billets jusqu’à ses dépôts, ainsi que pour le transport des pièces métalliques. En raison de ces contraintes, l’entreprise doit faire co-exister deux BM conflictuels et gérer une situation « d’ambidextrie » au sens de Burgelman (1985, 1991). L’ambidextrie peut se définir comme la recherche d’un équilibre entre les logiques d’exploration et d’exploitation. Dans le cas de BM conflictuels, certains auteurs plaident pour une séparation de l’ancien et du nouveau BM en deux entités bien distinctes (Bower, 1995; Burgelman et Sayles, 1986; Christensen et Overdorf, 2000). Dans des recherches plus récentes, d’autres auteurs privilégient l’idée d’une solution contingente (Foster et Kaplan, 2001 ; Gilbert et Bower, 2002; Govindarajan et Trimble, 2005; Iansiti et al., 2003 ; Markides et Charitou, 2004). Une approche contingente suppose la mise en relation des composantes respectives des deux BM afin qu’elles puissent se renforcer mutuellement et inscrire l’entreprise dans une situation d’ambidextrie.

Cette approche renvoie à la gestion du portefeuille d’activités d’une entreprise et notamment à la matrice BCG développée par le Boston Consulting Group à la fin des années 1960. Il s’agit d’un outil d'analyse utilisé en stratégie pour justifier des choix d'allocation de ressources entre les différentes activités d'un entreprise diversifiée, présente sur plusieurs domaines d'activité stratégique (DAS). La matrice BCG (cf. figure 16, ci-après) permet de classer les activités en fonction de leur aptitude à générer du cash, en prenant en compte la croissance du marché et leur part de marché relative. La matrice BCG distingue ainsi quatre (4) types d’activités : activités « dilemme », activités « star », activités « vache à lait », activités « poids mort ».

Les activités « dilemme » et « star » sont théoriquement les activités d’avenir. Les taux de croissance du marché sur ces activités sont élevés. Par conséquent, même si ces activités ne génèrent pas nécessairement beaucoup de cash, celles-ci réclament une allocation importante de ressources. Les activités « vache à lait » sont les activités qui génèrent le plus de cash mais qui se situent sur un marché mature. Ces activités permettent entre autres de financer les activités d’avenir. Enfin les activités « poids mort » sont les activités en déclin et qui seront théoriquement abandonnées au profit des activités en croissance. L’approche de Sabatier et al.

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