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Dynamique du carbone et de l’azote dans les sols suite à un apport de Mafor . 33

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Chapitre 1 : Synthèse bibliographique

1.3. Minéralisation de la MO des Mafor dans les sols

1.3.2. Dynamique du carbone et de l’azote dans les sols suite à un apport de Mafor . 33

La prévision de la dynamique du carbone et de l’azote dans les sols suite à des apports de Mafor est nécessaire à une bonne gestion agronomique des Mafor. Le carbone fait référence au potentiel de stabilisation de la Mafor dans les sols et à sa capacité à contribuer au maintien ou à l’augmentation des teneurs en matières organiques dans les sols (effet amendant).

L’azote fait référence au potentiel de minéralisation de la Mafor et à sa capacité à mettre à disposition de la culture des éléments minéraux nécessaires à son développement (effet engrais). De ce fait, lorsque l’on s’intéresse au cycle de l’azote, le caractère facilement décomposable de la Mafor est particulièrement intéressant et relié aux formes labiles présentes dans la Mafor. Lorsque l’on s’intéresse au cycle du carbone, ce sont plutôt les processus de stabilisation mettant en jeu des formes plus récalcitrantes de la Mafor qui vont être intéressantes.

Concernant l’azote, les trois principales étapes de la transformation microbienne de l’azote des Mafor dans le sol sont les suivantes :

• L’ammonification, qui est la formation d’azote ammoniacal à partir de la matière organique :

− − NH2 + H2O → NH3+ −

↑NH3 + H2O → NH4++ OH

-• La nitrification, qui est la formation de nitrates à partir de l’ammonium. Elle se décompose en deux étapes, la nitritation et la nitratation :

2 NH4+ + 3 O2 → NO2- + 2 H2O + 2 H+ 2 NO2- + O2 → 2 NO3-

• La dénitrification, qui est la transformation des nitrates en azote gazeux : 2 NO3- + 10 e-+ 12 H+ → N2+ 6 H2O

Les deux premières étapes correspondent au processus de minéralisation. En même temps qu’a lieu la minéralisation, un processus d’immobilisation de l’azote correspondant à l’assimilation de l’azote minéral par les microorganismes, se produit également et on en mesure généralement la minéralisation nette, qui est la différence entre ces deux flux bruts.

Lorsque l’on s’intéresse à la dynamique de l’azote, on s’aperçoit que le compost se comporte comme une matière fertilisante à relargage lent (Berner et al., 1995). Amlinger et al. (2003)

34 ont réalisé une synthèse de plusieurs études sur la minéralisation de l’azote issu de composts et ont observé que la première année suivant l’application du compost, moins de 15 % (5 à 15

%) de l’azote total fourni par le compost est mis à disposition pour les cultures. Ensuite cette valeur est de 2 à 8 % de l’azote restant par an. En effet, généralement la plupart (plus de 90

%) de l’azote total d’un compost reste sous forme organique dans le sol.

Ainsi, en comparaison à d’autres formes de Mafor (ex : boues d’épuration, fumiers, lisiers), les composts peuvent conduirent à une augmentation plus forte des teneurs en azote organique des sols (Amlinger et al., 2003). Or cette augmentation, même si elle présente des avantages en termes de propriétés physico-chimiques des sols, peut impliquer une augmentation du potentiel de minéralisation de l’azote, et donc des risques de lixiviation des nitrates vers les eaux (Gerke et al., 1999) lorsque l’usage et le devenir de l’azote dans le sol est mal maîtrisé.

Les études concernant l’effet de l’application au sol d’un digestat sont plus rares, mais Bruun et al. (2006) précisent que l’on peut probablement s’attendre à des effets similaires à ceux des composts. Tambone et al. (2009) concluent que les propriétés amendantes des digestats et leurs impacts potentiels nécessitent d’être étudiés par des expérimentations en plein champ pour évaluer les effets sur les nutriments du sol (effet engrais) et sur la balance humique (effet amendant). Dans une autre étude, les auteurs indiquent que, contrairement aux composts ou aux boues d’épuration, les propriétés des digestats ne sont pas bien connues et que leur usage agricole reste inexploré (Tambone et al., 2010).

Cependant, des éléments indiquent que les digestats peuvent avoir des propriétés agronomiques intéressantes (Sorensen & Eriksen, 2009). Par exemple, en comparaison aux lisiers, les digestats issus de la méthanisation contiennent une grande proportion d’azote minéral, principalement ammoniacal, et une faible part de MO décomposable. Or cela est particulièrement intéressant si on considère que la capacité fertilisante en azote d’un produit similaire aux lisiers est reliée à sa teneur en ammonium et que la lixiviation de l’azote (à partir de la minéralisation de l’azote organique) dépend de la teneur en MO du produit, mais conduit à des risques importants de pertes azotées du fait de la volatilisation de l’ammoniac et de la conversion rapide de l’ammonium en nitrates, forme très mobile de l’azote dans les sols.

Depuis quelques années, de nombreuses études ont montré que la minéralisation du carbone et de l’azote des Mafor dans les sols pouvait être prédite à partir des fractions biochimiques Van Soest. Par une compilation de la littérature et à partir d’une large gamme de produits organiques, incluant des Mafor, Lashermes et al. (2009) prédisent le potentiel de

35 biodégradation des Mafor à partir des fractions SOL (soluble), HEM (dite « hemicellulose »), CEL (dite « cellulose »), LIC (dite « lignine ») ainsi que du carbone minéralisé après 3 jours d’incubation du produit organique dans le sol. La limite de cette méthode est qu’elle fait intervenir ce coefficient de minéralisation qui n’est pas une caractéristique biochimique de la MO et qui nécessite de mettre en place des incubations. Ce coefficient permet de préciser la quantité de carbone rapidement biodégradable de la Mafor. En effet, Peltre et al. (2010) montrent que la fraction SOL, traditionnellement considérée comme facilement biodégradable dans des produits organiques d’origine végétale (Trinsoutrot et al., 2000a), peut contenir des molécules récalcitrantes dans les composts. L’analyse de la littérature montre donc qu’il est nécessaire de développer des techniques analytiques, autres que le suivi de la minéralisation du C pendant trois jours d’incubation, permettant d’estimer la part de molécules facilement biodégradables dans la fraction SOL des Mafor, et pouvant être développées en routine dans les laboratoires d’analyse.

La teneur en azote et les fractions organiques ont aussi été montrées déterminantes dans l’estimation du potentiel de minéralisation de l’azote des Mafor (Lashermes et al., 2010;

Morvan & Nicolardot, 2009). Cependant, à la différence de la minéralisation du carbone, la minéralisation de l’azote n’est pas quantitativement prédite à partir des fractions biochimiques, seule une typologie des produits basée sur leur potentiel de minéralisation a été proposée.

Ces relations statistiques montrent bien que des liens forts existent entre la minéralisation du carbone et de l’azote des Mafor et leurs caractéristiques biochimiques. Cependant une prédiction quantitative dynamique nécessite le recours à des modèles plus mécanistes (Morvan & Nicolardot, 2009).

1.3.3. Les modèles de dynamique du C et de N dans les sols suite à un apport de Mafor

Les modèles les plus souvent utilisés pour simuler la dynamique de la MO des sols sont des modèles semi-mécanistes (Burke et al., 2003). Il existe de nombreux modèles de ce type, qui se distinguent en particulier par les compartiments de MO considérés, les pas de temps, ainsi que le transfert ou non à des conditions au champ. Nous nous intéressons ici aux modèles semi-mécanistes qui simulent la minéralisation potentielle de Mafor à court terme (quelques

36 mois à une année) et considèrent donc la minéralisation en conditions contrôlées de température et d’humidité (basés sur des incubations en laboratoire) (Stanford & Smith, 1976).

Comme l’indiquent Gerke et al. (1999), les approches par modélisation de la dynamique de la MO dans les sols considèrent le plus souvent des apports de produits organiques classiques (ex : fumier, résidus de culture) mais plus rarement de composts, et a fortiori de digestats.

Pour la simulation de la dynamique de l’azote, initialement un seul compartiment d’azoté était considéré (Stanford & Smith, 1976). Actuellement, la majorité des travaux définit au minimum deux compartiments d’azote organique : un pool « labile », facilement minéralisable (généralement relativement petit, avec une vitesse de minéralisation élevée) et pool « stable » ou plus résistant (plus grand, avec une vitesse de minéralisation faible) (Molina & Smith, 1998; Wang et al., 2004). De plus, la plupart des modèles qui ont une base mécaniste couplent la dynamique du C et de N (Pansu & Thuries, 2003). Ce couplage s’effectue au travers du ratio C/N des fractions organiques de la MO, généralement considéré constant au cours de la biodégradation.

Ces modèles sont basés sur la prise en compte d’un nombre variable de compartiments de la matière organique apportée et de la matière organique du sol. Chacun de ces compartiments est caractérisé par sa taille, son rapport C/N et sa constante de décomposition. L’initialisation peut être une étape complexe, particulièrement dans le cas des modèles à multiples compartiments conceptuels (Sleutel et al., 2005). Une autre difficulté est de déterminer les coefficients de vitesse de dégradation de chacun des compartiments, qui peuvent être des cinétiques du premier ordre, d’ordre zéro, de type Monod ou Michaelis-Menten. Ces coefficients sont souvent pondérés par des fonctions liées à la température et à l’humidité, notamment pour simuler les conditions au champ.

Considérons trois modèles utilisés dans la littérature pour simuler la décomposition d’une gamme variée de Mafor dans les sols : le modèle NCSOIL, le modèle CANTIS et le modèle TAO.

Le modèle NCSOIL (Molina et al., 1983) est divisé en huit compartiments organiques conceptuels (quatre pools, divisés chacun en un compartiment facilement biodégradable et un compartiment lentement biodégradable) (Figure 3). Le pool de matière organique apportée par la Mafor, en se décomposant, alimente la biomasse microbienne (représentée par deux pools), qui, elle-même alimente un pool potentiellement minéralisable de la matière organique du sol.

37 Les pools 0 et I correspondent à deux biomasses microbiennes. Leur dégradation alimente le pool II de matière organique du sol.

Figure 3 : Schéma de principe du modèle NCSOIL. Source : Antil et al. (2011). Les traits pleins représentent les flux de d’azote et les pointillés les flux de carbone.

Chacun des compartiments est caractérisé par une quantité de carbone, une constante de décomposition du premier ordre, un coefficient d’assimilation microbien et un ratio C/N. Les cinétiques de l’azote sont calculées à partir de celles du C et des ratios C/N des fractions dégradées et alimentées, auxquelles ont été ajoutées des équations régissant la transformation des formes minérales de l’azote.

Bien que les pools de matières organiques modélisés soient conceptuels, Hadas et al. (2004) ont montré qu’une initialisation à partir des fractions organiques mesurées expérimentalement par la méthode Van Soest permet de simuler correctement la minéralisation du carbone et de l’azote de résidus de culture. Cependant, Antil et al. (2011) ont montré que sur divers composts, l’initialisation du compartiment facilement biodégradable nécessite une étape d’optimisation, puisque la fraction expérimentale soluble à l’eau n’a pas permis d’estimer ce compartiment.

Le modèle CANTIS a été développé en 2001 par Garnier et al. (2001). Plusieurs versions du modèle existent et diffèrent par les fractions considérées et des paramètres de limitations considérés (Chalhoub et al., 2013; Garnier et al., 2003; Garnier et al., 2001; Iqbal et al., 2014).

Dans la version proposée par Chalhoub et al. (2013) (Figure 4), adaptée pour les composts, la matière organique apportée est caractérisée par ses fractions soluble facilement biodégradable (SOLf), soluble lentement biodégradable (SOLs), HEM+CEL et LIC, qui sont exprimées en pourcentage du carbone et de l’azote. Les trois premières fractions sont déterminées expérimentalement par le fractionnement de type Van Soest (AFNOR, 2009), cependant

38 l’estimation des fractions SOLf et SOLs a été montrée problématique et a nécessité une étape d’optimisation statistique (Chalhoub et al., 2013). Dans les différentes publications du modèle, certains coefficients de dégradation des compartiments organiques présentent des gammes de variations importantes (ex : le coefficient de dégradation de CEL de 0.028 à 0.51 jour-1) qui rendent la simulation prédictive de nouvelles Mafor difficile, puisque nécessitant des étapes d’optimisation et donc de disposer de données expérimentales de minéralisation.

Cette matière organique, lorsqu’elle se décompose, alimente une biomasse microbienne zymogène qui alimente une matière organique humifiée puis une biomasse autochtone du sol.

Figure 4 : Schéma de principe du modèle CANTIS. Source : Chalhoub et al., 2013.

Ces deux modèles ont été développés à partir d’incubations de mélange de sol et de produit organique en conditions contrôlées de laboratoire. Ils nécessitent, au prélabale, une calibration des coefficients impliqués dans la dynamique des compartiments de matières organiques du sol utilisé dans chacune des études.

Le modèle TAO (Pansu & Thuries, 2003) a été spécifiquement développé pour prédire la minéralisation de Mafor dans les sols à partir uniquement de leurs caractéristiques biochimiques (Kabore et al., 2011). Il est moins mécaniste que les deux précédents et n’intègre qu’une cinétique du premier ordre parallèle pour la décomposition du carbone. La matière organique apportée est divisée en trois compartiments expérimentaux, respectivement facilement biodégradable, récalcitrant et stable, avec des constantes du premier ordre propres (Figure 5). Thuries et al. (2002) montrent que l’initialisation de ces fractions carbonées peut être directement obtenue à partir de régressions statistiques réalisées à partir du carbone contenu dans chacune des fractions expérimentales Van Soest. La part d’azote apporté

39 dégradée est déduite du C/N des fractions Van Soest, puis est divisée en azote organisé ou minéralisé à travers un coefficient de partage. Une partie de l’azote organisé peut être reminéralisée et une partie de l’azote minéral est volatilisée selon des cinétiques du premier ordre. Ce modèle, bien que plus simple que les précédents, présente l’avantage de prendre en compte la volatilisation, processus important pour les Mafor riches en azote ammonical (ex : lisiers, digestats). Sa forte base statistique induit que la prédiction ponctuelle d’une Mafor particlulière peut être en décalage avec les données expérimentales et que l’extrapolation à des données qui n’ont pas servies à la calibration peut nécessiter des ajustements (Kabore et al., 2011).

Figure 5 : Schéma de principe du modèle TAO. Source : Pansu & Thuries, 2003.

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