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CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

3. Durabilité des résistances chez les plantes

Une résistance durable a été définie pour la toute première fois par Johnson (1981, 1984) comme étant une résistance qui reste efficace durant une longue période de temps, alors qu’elle est utilisée sur de grandes surfaces cultivées, en présence de l’agent pathogène et dans des conditions favorables au développement de la maladie. Cette définition reste relativement abstraite car chacun peut avoir une vision différente de la notion de temps et d’espace qu’elle engendre. Ainsi, on peut considérer qu’une résistance est durable si elle reste efficace tout au long de la durée d’exploitation d’une variété qui la porte (van den Bosch et Gilligan, 2003), ce qui est critiquable car un même gène de résistance est souvent exploité dans de nombreuses variétés successives. En effet, cette période peut être très variable d’une variété à une autre chez une même espèce, vis-à-vis d’un même pathogène (tableau 1). Alors qu’une résistance peut être contournée peu de temps après son utilisation, une autre peut s’avérer très durable dans le temps. Par exemple, des porte-greffes de vigne, qui portent une résistance vis-à-vis du phylloxera sont utilisés avec succès depuis plus de 150 ans (Pouget, 1990). Ces différences de durabilité entre variétés végétales ont certainement comme principal fondement une origine génétique.

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Cultivars de blé années Cultivars d'orge années

Tadorna

1

Ramona

3

Clement

1

Mazurka

4

Heines VII

4

Sultan

5

Felix

15

Belfor

8

Arminda

18

Minerva

20

Tableau 1: Nombre d’années pendant lesquelles la résistance des cultivars de blé (Triticum aestivum) à la rouille jaune, et des cultivars d’orge (Hordeum vulgare) au mildiou

est restée efficace en Hollande (1955-1994), d’après Vale et al., 2001

3.2 Lien entre durabilité et type de résistance

Un gène majeur de résistance exerce une forte pression de sélection sur le pathogène. Cependant, si ce dernier réussit à le contourner, suite à une mutation, sans que cela n’entraîne un trop gros coût de fitness, il a toutes les chances de se maintenir par la suite. Ceci est d’autant plus vrai qu’une fois qu’un variant virulent est apparu, si la même source de résistance est employée, les pathogènes avirulents vont être contre-sélectionnés, laissant le champ libre à la multiplication des virulents. A contrario, ce problème se pose moins avec les résistances quantitatives car elles exercent une pression moins importante sur le pathogène de par leur effet partiel qui maintiendrait la compétition entre individus virulents et non virulents au sein de la population. De plus, étant polygéniques, elles diminuent le risque de contournement par un seul et unique individu qui devrait acquérir plusieurs mutations pour devenir virulent. Ainsi, plus il y a de facteurs impliqués dans une résistance partielle, plus la probabilité qu’un pathogène possède toutes les mutations correspondantes est faible et plus les coûts de virulence peuvent augmenter (Fabre et al., 2009). L’impact majeur des deux paramètres - nombre de mutations requis pour l’acquisition de la virulence et coûts de ces mutations - ont été démontrés expérimentalement sur différents pathosystèmes (Vera Cruz et al., 2000; Ayme et al., 2007; Janzac et al., 2010) et sont également exploitables pour le choix du gène de résistance majeur autant que pour la combinaison de gènes exploitables (Fabre et al., 2009). Pour toutes ces raisons, les résistances quantitatives sont considérées plus durables que les résistances qualitatives (Lindhout, 2002; Parlevliet, 2002; van der Plank, 1968).

Bien que chaque interaction entre une plante et pathogène soit unique, et qu’elle fasse intervenir des mécanismes différents, il existe néanmoins des caractéristiques communes qui

39 ont permis d’établir un certain nombre de stratégies visant à améliorer la durabilité des résistances dont on dispose.

3.3 Stratégies de gestion des résistances

Une des premières stratégies qui a été proposée afin de lutter efficacement vis-à-vis des bioagresseurs, sans compromettre leur intégrité, consiste à pyramider plusieurs gènes majeurs (McDonald et Linde, 2002; Pink, 2002). Elle repose sur le principe que plus une plante possède de gènes R, plus il sera difficile pour le pathogène d’acquérir toutes les mutations nécessaires à leur contournement. Cependant, s’il y parvient, cela s’avère dramatique en termes de gestion des résistances. D’une part, cela restreint d’autant plus vite le stock de gènes de résistance disponibles. D’autre part, cela permet l’émergence de pathogènes multi- virulents contre lesquels la lutte s’avère d’autant plus problématique. Or, ce type de pathogène a déjà été mis en évidence. C’est par exemple le cas de races virulentes du champignon

Cladosporium fulvum qui sont capables de rendre inefficaces simultanément deux gènes

majeurs de résistance chez la tomate, à savoir Cf-4 et Cf4E (Lindhout, 2002). Néanmoins, le pyramidage d’un gène majeur avec des résistances partielles s’est avéré prometteur. Ainsi, il a été démontré qu’un gène de résistance majeur chez le riz se comporte différemment suivant le fond génétique dans lequel il est introgressé (Cao et al., 2007; Zhou et al., 2009), de même que l’association d’un gène majeur de résistance et d’un fond génétique partiellement résistant permet d’augmenter très sensiblement la durabilité du gène majeur (ou de diminuer la vitesse et la fréquence de son contournement) dans les interactions piment-potyvirus et colza-phoma (Palloix et al., 2009; Brun et al., 2010). Il a été ensuite montré que cet effet de protection dépendait bien de l’action des QTL de résistance partielle présents dans le fond génétique dans lequel était introgressé le gène majeur (Quenouille et al., 2014).

D’autres stratégies proposées afin d’augmenter la durabilité des gènes R reposent sur la gestion spatio-temporelle des variétés porteuses de résistance. Dans cette optique, il a été proposé d’alterner les gènes majeurs de résistance d’une saison à l’autre de manière à ce que les populations de pathogènes ne soient pas soumises à des pressions de sélection constantes et n’évoluent pas trop vite vers la virulence (Jones et al., 1967; Van der Plank, 1968). Une autre idée repose sur l’utilisation, sur une même parcelle, de variétés en mélange, c’est-à-dire ne portant pas les mêmes gènes de résistance, ou de lignées isogéniques qui ne diffèrent que pour leur gène de résistance (Kiyosawa, 1982; Wolfe, 1985; Mundt et al., 2002; McDonald et

40 Linde, 2002; Pink, 2002). Ces différentes stratégies ont été comparées les unes aux autres, ce qui a permis d’établir une certaine hiérarchisation. Trois composantes importantes des systèmes culturaux, à savoir la durabilité intrinsèque des résistances, leur efficacité et leur viabilité dans les rotations culturales ont été pris en compte. A partir de ces critères, il a été établi que la meilleure stratégie de gestion était le cumul de gènes R dans une même variété. Suivent par ordre d’efficacité l’alternance de gènes R et leur emploi en mélange dans différentes variétés. L’utilisation à répétition d’un gène R introgressé dans une variété sensible était fortement déconseillée (Djian-Caporalino et al., 2014). Ainsi, on retrouve des similitudes entre la gestion des gènes R avec la gestion des pesticides et des antibiotiques (Consortium REX, 2013). Enfin, certains auteurs préconisent de ne pas raisonner la gestion des résistances sur le plan de la parcelle, mais d’avoir une gestion beaucoup plus large, en raisonnant au niveau de la structure du paysage et des variétés qui s’y trouvent (Lannou et al., 2013).

Ainsi, outre les caractéristiques intrinsèques à chaque plante et à chaque bioagresseur, la durabilité des résistances chez les plantes dépend notamment de l’efficacité des modes de gestion mis en place afin d’assurer leur pérennité. Dans cette optique, le pathosystème piment/nématodes à galles s’avère un modèle d’étude intéressant de par les résistances qui existent chez la plante et des caractéristiques particulières de ce pathogène.

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