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Dualité projective

Dans le document Michèle Audin GÉOMÉTRIE (Page 196-200)

GÉOMÉTRIE PROJECTIVE

VI.4. Dualité projective

La dualité projective est l’expression géométrique des propriétés des sous-espaces vectoriels d’un espace vectoriel et de son dual. Commençons donc par quelques rappels d’algèbre linéaire.

Soit F un sous-espace vectoriel d’un espace vectoriel E. Considérons le sous-espace F du dual E (espace vectoriel des formes linéaires sur E) défini par

F ={ϕ∈E |ϕ|F = 0}.

C’est l’ensemble des formes linéaires qui s’annulent sur F. C’est bien un sous-espace vectoriel deE (c’est clair ?) de dimension

dimF = dimE−dimF

(voir au besoin l’exercice VI.1). Par exemple, si E est de dimension 3, une droite F de E définit un plan du dual E, un plan de E définit une droite deE.

Les deux tableaux suivants résument le profit que l’on peut espérer tirer de cette remarque en géométrie projective plane. Le premier résume les points de vue sur les espaces. Le second parle des relations d’incidence, conséquences du fait plus ou moins évident suivant :

F ⊂G⇐⇒F ⊃G.

Il utilise les notations du premier... sauf qu’on y a supprimé les et lesE devenus inutiles.

P(E) E E P(E)

a∈P(E) a⊂E a ⊂E P(a) =A⊂P(E) point droite vectorielle plan vectoriel droite projective D=P(d)⊂P(E) d⊂E d ⊂E d∈P(E)

droite projective plan vectoriel droite vectorielle point apoint de P A droite de P

D droite deP dpoint de P

a∈D A∋d

trois points alignés trois droites concourantes

dansP dansP

droiteab point A∩B

La figure 10 montre, par exemple, ce qu’il advient(3) de trois droites concou-rantesP,Q,Rpassant par les trois sommetsa,b,cd’un triangle (plan de gauche)

(3)Cette traduction est appelée « métamorphose » dans [49].

A B C

a

b

c

P R Q

p

q r

Figure 10

par dualité : trois points alignés p,q etr situés sur les trois côtésA,B etC d’un triangle (plan de droite).

Ces propriétés sont une machine à multiplier les théorèmes par2: tout énoncé dans le planP fournit un autre énoncé dans le planP... qui est un plan projectif tout aussi ordinaire queP. Par exemple, il existe un énoncé « dual » du théorème de Pappus, qui est un autre théorème (et qui s’est trouvé démontré lorsque nous avons démontré ce premier théorème), voir l’exercice VI.33.

Examinons ici le théorème de Desargues.

Démonstration de la réciproque du théorème de Desargues

On utilise ici les mêmes notations que dans l’énoncé du théorème VI.3.3. Com-mençons par métamorphoser la figure 7.

– Les trianglesABC etABC du planP deviennent les triangles de côtésA, B,C etA,B,C du plan dual P.

– Appelons abc, abc ces triangles, en nommant leurs sommets de façon que a=B∩C,etc. Ainsi le point ade P est dual de la droiteBC deP.

– Les points α, β et γ de P deviennent des droites dans P. Comme α = BC∩BC, la droiteα contient les points aeta, doncα =aa,etc.

– Les droitesAA,BB etCC deP deviennent des pointsa,b etcdeP. Par définition, a=A∩A=bc∩bc,etc.

Nous avons démontré (ce que nous avons considéré comme le « sens direct » du théorème VI.3.3) que, étant donnés deux trianglesABC etABC d’un plan P, si les trois pointsα,β etγ d’intersection de leurs côtés sont alignés, alors les trois droitesAA,BB etCC sont concourantes. Appliquons ce résultat aux triangles

abc et abc dans le plan P : nous savons donc que si les trois points a, b etc sont alignés, alors les trois droites aa,bb etcc sont concourantes.

Traduisons maintenant cet énoncé de P à P (toutes ces traductions sont ré-sumées dans le tableau ci-dessous).

– D’abord l’hypothèse. Dire que les trois pointsa,betc sont alignés, c’est dire que les trois droitesAA,BB etCC sont concourantes.

– Puis la conclusion. Dire que les trois droitesaa,bb etcc sont concourantes, c’est dire que les trois points α,β etγ sont alignés.

Nous avons donc montré, par ce tour de passe-passe, que, si les droites AA, BB et CC sont concourantes, les points α, β et γ sont alignés, c’est-à-dire la réciproque du théorème de Desargues. Plus précisément, nous avons simplement constaté que la réciproque était l’énoncé dual de l’énoncé direct (et inversement !).

DansP DansP

triangle de sommetsA,B etC triangle de côtésA,B etC triangle de sommetsA,B etC triangle de côtésA,B etC

côtéBC du triangleABC sommet adu triangle ci-dessus a=B∩C

etc. etc.

le point α=BC∩BC la droiteα =aa

idem idem

la droiteAA le point A∩A c’est-à-direa=bc∩bc

... ...

les points α,β etγ les droitesaa,bb etcc

sont alignés sont concourantes

les droitesAA,BB etCC les pointsa,b etc

sont concourantes sont alignés

VI.5. Homographies

SoientE etE deux espaces vectoriels,p:E− {0} →P(E) etp :E− {0} → P(E) les deux projections.

Une homographie g : P(E) → P(E) est une application telle qu’il existe un isomorphisme linéairef :E→E tel quep◦f =g◦p, en d’autres termes tel que le diagramme

E− {0} f

−−−→ E− {0} p



"



"p P(E) g

−−−→ P(E) soit commutatif.

Très concrètement, l’image pargd’un pointℓdeP(E)(droite vectorielle deE) est la droite vectorielleℓ =f(ℓ) de E (point de P(E)).

Remarque VI.5.1. Attention, une application linéaire quelconque f : E → E ne définit pas toujours une application de P(E) dans P(E) : en général, l’image de E − {0} n’est pas contenue dans E − {0}. Dit autrement, l’image d’une droite vectorielle par une application linéaire peut très bien ne pas être une droite vectorielle, être réduite à 0. Une application linéaire f définit une application P(E)−P(Kerf) → P(E) et rien de plus. On ne considérera donc ici que des isomorphismes.

L’image d’un plan vectoriel par un isomorphisme linéaire est un plan vectoriel.

En traduction projective : l’image d’une droite projective par une homographie est une droite projective.

Groupe projectif Considérons maintenant le groupe des homographies de P(E).

Proposition VI.5.2. Les homographies de P(E) dans lui-même forment un groupe pour la composition des applications, noté GP(E) (groupe projectif de E).

L’application qui, à un isomorphisme linéaireE →E, associe une homographie de P(E) est un homomorphisme surjectif de groupes, dont le noyau est le groupe des homothéties deE.

Remarque VI.5.3. En particulier,GP(E)est isomorphe àGL(E)/{homothéties}. On le note souvent aussiPGL(E),PGL(n,K)pourE=KnetP(E) =Pn−1(K).

Démonstration. Il est clair par définition que, si g et g sont des homographies, provenant d’isomorphismes f etf d’espaces vectoriels, g◦g est l’homographie provenant de f ◦f, que l’identité de P(E) est une homographie provenant de l’identité deE et queg−1 est une homographie provenant de l’isomorphismef−1.

Dans le document Michèle Audin GÉOMÉTRIE (Page 196-200)