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III. Le droit de Hong-Kong

a. L’approche stricte du one share one vote

Au jour où le présent mémoire est rédigé, la place financière de Hong-Kong vit possiblement un tournant majeur dans son histoire. En effet, le HKEx de consort avec la SFC a émis un document de consultation au mois de février 2018 concernant diverses modifications à apporter à son règlement de cotation, dont l’autorisation d’émettre des actions à droit de vote privilégié sur le marché du SEHK96. Avant de nous intéresser aux raisons pour lesquelles l’HKEx s’ouvre aux structures à double classe d’actions97, nous débuterons par une analyse des règles auxquelles sont soumises les entreprises cotées au SEHK. Conséquemment, nous analyserons les potentielles modifications qui devraient, en toute vraisemblance, être implémentées au cours de cette année.

Les actions à droit de vote privilégié sont régies par le chapitre 622 du CO-HK. Celui-ci permet aux entreprises incorporées à Hong-Kong d’émettre plusieurs classes d’actions98. En effet, le principe de base, en application de §588 ch. 1 CO-HK, demeure celui du one share one vote99, toutefois il est possible d’y déroger librement100.

95 BERGER/DAVIDOFF SOLOMON/BENJAMIN, p. 319 ss ; EDELMAN/JIANG/THOMAS,p. 16 ss.

96 HKEx consulting paper of February 2018 – A listing regime for companies of emerging and innovative sectors, p. 30 ss.

97 Cf. Infra III/b.

98 JUNZHENG, p. 478.

99 §588 ch. 3 let. a CO-HK.

100 BARKER/CHIU,p. 32 ; JUNZHENG, p. 478 ; XIAO HUANG, p. 8 ; §588 ch. 4 CO-HK.

Il n’en est cependant pas de même lorsque les sociétés décident de se coter en bourse.

Encore à ce jour, le principe du one share one vote demeure une règle fondamentale du SEHK101. Le HKEx fonde ses règlements sur six principes généraux qui doivent être respectés dont l’art. 2.03 ch. 4 HKLR selon lequel tout détenteur d’actions cotées doit être traité « fairly and equally »102. En concordance avec l’art. 2.03 ch. 4 HKLR, l’art.

8.11 HKLR prohibe l’émission d’actions à droit de vote privilégié103 par les termes « the share capital of a new applicant must not include shares of which the proposed voting power does not bear a reasonable relationship to the equity interest of such shares when full paid »104. La position actuelle du HKEx et de la SFC est donc strictement opposée à l’approche prise aussi bien en droit américain105 qu’en droit suisse106.

L’art. 8.11 HKLR dispose toutefois de deux exceptions au régime strict du one share one vote. La première exception, à la lecture de l’art. 8.11 ch. 1 HKLR, réside dans la marge d’appréciation du HKEx, celui-ci pouvant exceptionnellement faire entorse à son règlement et permettre l’émission de nouvelles classes d’actions107. Cette exception n’a, à ce jour, jamais été invoquée avec succès par une entreprise cotée au SEHK108. La seconde exception, en application de l’art. 8.11 ch. 2 HKLR, est le maintien d’une structure à double classe d’action si celle-ci était préétablie avant l’entrée en vigueur du chapitre 8 HKLR109. La seule entreprise bénéficiant de cette deuxième exception, Swire Pacific Limited, ayant intégrée le SEHK avec une structure à double classe d’actions en 1972110.

À la vue des rares exceptions ayant été octroyées par la SFC et le HKEx, il demeure apparent que le HKEx, de par ses règlements actuels, n’octroie pas de réelle opportunité

101 CHAN/HO, p. 172.

102 XIAO HUANG, p. 8.

103 CHAN/HO,p. 172.

104 Art. 8.11 HKLR ; JUNZHENG, p. 479 ; voir aussi art. 11.25 Growth Entreprise Market Listing Rules (GEM Listing Rules), reprenant en les mêmes termes que le HKLR l’interdiction de l’émission d’actions à droit de vote privilégié pour les petites et moyennes entreprises cotées auprès du SEHK.

105 Cf. supra II/a.

pour une entreprise d’émettre plusieurs classes d’actions111. Il est dès lors opportun d’analyser les modifications potentielles que le HKEx, d’un commun accord avec la SFC, pourrait dans un futur proche implémenter dans son règlement de cotation112.

Le HKEx propose dans son document de consultation d’intégrer un nouveau chapitre 8A traitant exclusivement des droits de vote privilégiés113. L’art. 8.11 HKLR sera conséquemment modifié afin d’y ajouter une troisième exception (art. 8.11 ch. 3 new Hong Kong Main Board Listing Rules ci-après : nHKLR) en les termes « as permitted by Chapter 8A of these rules ». L’art. 2.03 ch. 4 HKLR sera quant à lui modifié afin de rappeler qu’un traitement équitable et égal est nécessaire vis-à-vis de tous les actionnaires mais aussi au sein d’une même classe d’action114.

Le chapitre 8A nHKLR distingue les conditions propres à l’éligibilité de la société émettant des actions à droit de vote privilégié des conditions que les bénéficiaires de telles actions doivent remplir pour être reconnus par le HKEx.

Concernant la société émettrice, celle-ci est soumise à plusieurs volets de conditions aussi bien qualitatifs que quantitatifs.

Quantitativement, la société émettrice devra remplir une des deux conditions alternatives de l’art. 8A.06 nHKLR115. A l’aune de l’entrée en bourse, la capitalisation boursière de la société émettrice devra être d’au moins HK$ 40 milliards (environ CHF 5 milliards) ou de HK$ 10 milliards (environ CHF 1,25 milliards) à la condition d’avoir comptabilisé un chiffre d’affaire sur la dernière année fiscale de HK$ 1 milliard (environ CHF 125 millions)116.

111 XIAO HUANG, p. 8.

112 À titre préliminaire, nous rappelons que les modifications aux règles de cotation ci-après analysées sont sujettes à de potentiels changements, certains acteurs économiques ayant encore la possibilité de se prononcer sur le sujet. Cf. HKEX consultation paper, par. 5.

113 HKEx consultation paper, par 103.

114 Idem, appendice I, p. 2.

115 Idem, consultation paper, par. 110.

116 Art. 8.06 ch. 1 et 2 nHKLR.

Au-delà des exigences quantitatives, de multiples conditions qualitatives devront être respectées. Par soucis de grandeur, le présent travail se concentrera sur les conditions fondamentales117.

Dans un premier temps, le HKEx ne permettra une telle structure d’action que pour les sociétés effectuant leur première capitalisation boursière (art. 8A.05 nHKLR). Cette condition fût imposée par la SFC redoutant que les dirigeants des entreprises d’ores et déjà cotées ne profitent du nouveau règlement pour accroitre leur contrôle118. L’art.

8A.05 nHKLR sera à cette fin couplée d’une note contenant une provision antifraude permettant au HKEx de sanctionner toute société cotée sur le SEHK tentant d’outrepasser la présente mesure119. La condition fixée à l’art. 8A.05 nHKLR se fonde en partie aussi sur le fait que le HKEx impose aux sociétés adoptant une telle structure qu’elles démontrent le « caractère innovant » de leur exploitation120.

Dans un second temps, le HKEx, adoptant une position similaire au droit suisse, a proposé à son art. 8A.10 nHKLR une limitation du ratio des droits de vote à 1 : 10121. À cela s’ajoute, dans une approche encore une fois semblable au droit suisse, l’obligation pour certains votes de la société d’être effectués selon le principe du one share one vote122. Il nous apparaît intéressant de relever que les décisions soumises au principe du one share one vote selon l’art. 8A.25 nHKLR comprennent un champ plus large que l’art. 693 al. 3 CO. En effet, celui-ci s’appliquera aussi aux modifications des proportions de vote, à la modification du certificat d’incorporation et à la désignation d’un directeur indépendant123.

117 Pour une analyse détaillée de l’intégralité des mesures présentées par le HKEx voir HKEx consultation paper.

118 HO,p. 33.

119 Art. 8A.05 nHKLR cum art. 8A.03 nHKLR ; HKEx consultation paper, par 112.

120 Art. 8A.05 nHKLR cum art. 8A.04 nHKLR ; cf. notamment HKEx consultation paper, par 106 auquel paragraphe le HKEx considère que le caractère innovant d’une entreprise est à apprécier dans chaque cas d’espèce et en conjonction avec les avancées des marchés, de la concurrence et de la technologie.

121 HKEx consultation paper, par 125.

122 Art. 8A.25 nHKLR ; HKEx consultation paper, par 128.

123 HKEx consultation paper, par 128.

Finalement, afin de remédier à un des risques inhérents aux actions à droit de vote privilégié à savoir l’alignement des intérêts économiques et du pouvoir décisionnel au sein de la société, le HKEx a proposé à son art. 8A.14 nHKLR d’imposer aux bénéficiaires d’actions à droit de vote privilégié de détenir au minimum 10 % mais pas plus de 50 % des valeurs nominales au moment de l’IPO124. Afin toutefois de ne pas discriminer les entreprises ayant un capital important, le HKEx au cas par cas pourra autoriser la détention d’une proportion inférieure à 10 % mais demeurant importante en valeur absolue125.

Concernant les conditions propres aux bénéficiaires de telles actions, nous nous limiterons à relever que le HKEx, par son art. 8A.19 nHKLR, limitera le cercle des détenteurs de telles actions aux seuls directeurs au jour de la cotation126. De facto, le règlement imposera un sunset impératif sur les actions émises, celles-ci se convertissant en actions ordinaires lorsque le directeur en cause cesse d’exercer ses fonctions au sein de l’entreprise pour toute raison127.

b. Un revirement de pratique imprévisible ?

La prise de position de la SFC et du HKEx en faveur de la modification du règlement de cotation du HKEx en matière d’actions à droit de vote privilégié peut apparaître comme atypique à la lecture des deux précédents chapitres. En effet, aussi bien en Suisse qu’aux États-Unis, les actions à droit de vote privilégié sont vivement critiquées par une majeure partie des acteurs économiques, certains allant jusqu’à demander leur interdiction. Il apparaît dès lors opportun d’analyser les raisons pour lesquelles un tel changement de politique a été entrepris.

Les premiers débats concernant l’adoption d’une politique en faveur des actions à droit de vote privilégié remontent au cas Jardine Matheson. En effet, ce conglomérat anglais était plus communément connu sous la dénomination de « hong » à savoir l’une des

124 HKEx consultation paper, par 116.

125 Idem, par 117.

126 Idem, par 118.

127 Idem, par. 118 et 122.

trois entreprises les plus influentes dans le développement financier de Hong-Kong128. À la fin du 20ème siècle, Jardine Matheson représentait environ 12 % de la capitalisation boursière du HKEx et était le plus important employeur129. Avec une telle influence, l’autorisation du HKEx afin de permettre au groupe de se restructurer avec une double classe d’action en 1987130 apparaissait comme une formalité. Le HKEx et l’ancienne SFC ne furent pas de cet avis, émettant leur veto en application de l’art. 8.11 HKLR131. La conséquence de ce veto fût le déplacement à la fois de la cotation principale de Jardine Matheson de Hong-Kong à Londres en 1991132 et de Hong-Kong à Singapour pour le reste de ses filiales en 1994133. Suite au refus d’autoriser la restructuration du plus important conglomérat coté sur son marché, l’art. 8.11 HKLR ne fût plus remis en cause jusqu’au cas Alibaba en 2013134.

Suivant une voie semblable aux entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies, Alibaba se présenta en 2013 devant le HKEx avec pour structure actionnariale une double classe d’actions. La structure avait pour but de permettre à un groupe restreint de partenaires d’élire la majorité des membres de la direction de la société, ce indépendamment de leurs droits de vote135. Une telle structure étant fondamentalement opposée au principe du one share one vote énoncé à l’art. 8.11 HKLR, le HKEx soutenu par la SFC refusa le plan d’Alibaba136. Toutefois, ce refus réveilla de nombreuses critiques depuis longtemps endormies suite au cas Jardine Matheson. En effet, la cotation au NYSE d’Alibaba se résuma par une perte estimée à 300 millions de dollars de frais de conseils pour les banques et avocats de la place

Au-delà des conséquences financières, les acteurs financiers se sont aussi focalisés sur les effets collatéraux de la décision. Effectivement, par cette dernière, le caractère compétitif du SEHK vis-à-vis d’autres places boursières a été remis en cause à l’air de l’effervescence des entreprises spécialisées dans le domaine des technologies139. À l’image de Google, Facebook ou encore Snap ayant toutes adoptées des structures à multiples classes d’actions, il apparaît vraisemblable que de futures entreprises du domaine en question adoptent cette structure. Or, cela placerait le SEHK en position de faiblesse vis-à-vis de bourses telles que le NASDAQ ou le NYSE140. Pour certains au contraire, l’impassibilité du HKEx et de la SFC démontre une accroche forte au droit aux dépens de l’intérêt commercial et à l’égalité de traitement entre les actionnaires141. À notre sens et poursuivant un avis doctrinal similaire, la crainte d’introduire une telle structure actionnariale émane en partie d’une faille procédurale propre au droit hongkongais. Celle-ci réside dans l’hypothèse que la majeure partie des entreprises cotées au SEHK soit sous le contrôle d’actionnaires sis en Chine continentale ou ayant des liens étroits avec la Chine continentale142.

La doctrine, dans ce cas, craint qu’en cas de conflit entre les actionnaires majoritaires et minoritaires au sein de ces entreprises, les premiers ne rapatrient les actifs détenus par la société en Chine continentale. Cependant, par défaut de procédure uniforme entre Hong-Kong et la Chine continentale, les jugements prononcés à Hong-Kong ne sont pas contraignants en Chine continentale143 rendant l’opposition à l’expropriation des actifs de la société particulièrement difficile. À cela s’ajoute le fait que la doctrine demeure partagée concernant l’utilité aussi bien de l’action oblique prévue aux art. 731 ss CO-HK que l’action en pratique commerciale déloyale prévue à l’art. 724 CO-HK144. Ces deux

139 LIN,p. 466.

140 CHAN/HO,p. 174 ; WEI/YOUNG, p. 4, rappelant par la même occasion que neuf des dix dernières IPOs effectuées par des entreprises chinoises spécialisées dans les nouvelles technologies ont été effectuées aux États-Unis et non à Hong-Kong.

141 WEI/YOUNG, p. 4 et 6.

142 CHAN/HO, p. 177 ; CHEUNG/RAU/STOURAITIS, p. 345.

143 CHAN/HO, p. 177 ; CHEUNG/RAU/STOURAITIS, p. 345.

144 CHAN/HO, p. 177.

actions ne garantissant pas, selon elle, un degré de protection des actionnaires minoritaires suffisant145.

En tenant compte des intérêts en cause, le HKEx entrepris toutefois dès 2014 une série de consultations afin d’étudier l’autorisation des actions à droit de vote privilégié au sein de son marché, concluant à son avis favorable sur la mise en place d’un tel régime146. À l’instar du secrétaire de la trésorerie du gouvernement de Hong-Kong ouvert à un possible changement147, la SFC débouta le HKEx en 2015 par crainte que les mécanismes antifraudes proposés ne soient pas efficaces et permettent dès lors des abus148. La SFC est depuis revenue sur sa position149, collaborant désormais étroitement avec le HKEx à l’élaboration du futur chapitre 8A nHKLR.

Synthèse

Avant de conclure le présent mémoire, une synthèse reprenant, à notre sens, les questions essentielles apparaît appropriée. Nous profiterons de celle-ci pour apporter au-delà des divers aspects soulevés une critique personnelle.

Le premier aspect méritant à notre sens une clarification porte sur la question de la qualification du « one share, one vote » en Suisse. Comme nous l’avons précédemment abordé, un subtil débat porte sur la qualification du principe « one share, one vote » concernant les art. 692 et 693 CO150. En l’occurrence, contrairement à la doctrine soutenue par BÖCKLI, la doctrine soutenue par TRIGO TRINDADE/HERITIER LACHAT

considère que le principe « one share, one vote » doit servir à qualifier une construction actionnariale au sens de l’art. 693 CO. Nous émettons toutefois un avis nuancé sur la présente qualification.

145 CHAN/HO, p. 177 ; CHEUNG,p. 350.

146 HO,p. 32.

147 CHAN,p. 52.

148 Ho, p. 33.

149 JOHNSTONE/DAVIS/ARNER, p. 2.

150 Cf. supra I/a.

Effectivement, à la fin du 19ème siècle aux États-Unis, il était d’ores et déjà largement reconnu que chaque action détenue par un actionnaire lui donnerait droit à une voix151. Le principe « one share, one vote » fût utilisé afin de décrire une telle structure ayant pour objectif d’imposer un droit de vote proportionnel au risque économique lié à la détention des actions152. Or, une structure actionnariale au sens de l’art. 693 CO ne respecte pas ce concept sous-tendant au « one share, one vote », le nombre de voix pouvant varier grandement en présence d’investissements similaires.

Il nous apparaît de ce fait plus approprié de ne pas se limiter à une analyse littérale du

« one share, one vote ». Conséquemment, nous rallions la doctrine de BÖCKLI selon laquelle une structure actionnariale au sens de l’art. 692 CO doit être qualifiée de « one share, one vote »153.

Poursuivant sur une autre critique doctrinale propre au droit suisse, il a été relevé par TRIGO TRINDADE/HERITIER LACHAT que l’art. 693 al. 3 ch. 1 et 2 CO pouvait soulever un problème d’interprétation154. Afin de combler l’insécurité juridique résultant du seul terme

« désigner », nous pouvons nous attarder sur la solution apportée par le droit de Hong-Kong.

Le HKEx, lors de l’élaboration du nHKLR, a décidé de trancher le débat, le texte de l’art.

8A.25 nHKLR dans sa teneur actuelle traitant de « the appointment or removal of

… »155. Cette tournure de phrase apporte une clarté supplémentaire sur la détermination du droit de vote dans les deux hypothèses de l’art. 8A.25 let. c et d nHKLR, une telle clarté faisant défaut dans le texte légal de l’art. 693 al. 3 CO. Le législateur suisse devrait selon nous traiter de la désignation ainsi que de la révocation du réviseur et des experts chargés de vérifier tout ou partie de la gestion. L’analyse de TRIGO

TRINDADE/HERITIER LACHAT étant tout à fait pertinente, une part de la doctrine admettant à leur sens à tort qu’une décision prise par une majorité du capital par application de

151 MORAWETZ,§476a.

152 GROSSMAN/HART,p. 175.

153 BÖCKLI, §12 n° 370 ss.

154 Cf. supra I/a.

155 Art. 8A.25 let. c et d nHKLR ; HKEx consultation paper, par 128.

l’art. 693 al. 3 ch. 1 et 2 CO puisse être révoquée par une majorité des voix156, il serait dès lors inconvenant qu’un flou juridique demeure.

Finalement, nous pouvons nous attarder sur la viabilité du système suisse quant à l’émission indirecte d’actions à droit de vote privilégié. En effet, au-delà des limites légales fixées par l’art. 693 al. 3 CO concernant certains votes et de l’art. 693 al. 2 2ème phrase CO établissant le ratio de 1 : 10, les actions à droit de vote privilégié en droit suisse peuvent être limitées par des clauses d’agrément.

Concernant les sociétés cotées en bourse, sur lesquelles nous concentrons notre analyse dans le cadre du présent mémoire, celles-ci peuvent faire figurer dans leurs statuts des clauses d’agrément aux conditions des art. 685d ss CO. Outre l’utilité pratique de ces clauses permettant notamment d’éviter des prises de contrôle hostiles comme dans l’affaire Sika157, celles-ci ne permettent pas de répondre à certaines situations fâcheuses pouvant émerger dans le contexte des actions à droit de vote privilégié.

Effectivement, dans un premier temps la clause d’agrément ne permet notamment pas de refuser un acquéreur par succession, partage successoral ou du fait d’un régime matrimonial (art. 685d al. 3 CO)158. Or, comme le souligne à juste titre BÖCKLI,cela peut mener à une prise de contrôle par des héritiers inaptes à assumer la gestion d’une société159.

De plus, le droit suisse dans sa teneur actuelle ne connaît pas la suppression des actions à droit de vote privilégié de par le temps ou événement survenu, la suppression de telles actions étant soumise à un vote de l’assemblée générale160.

De telles difficultés pratiques pourraient être résolues par une modification de la méthode d’émission des actions à droit de vote privilégié en droit suisse. En adoptant

156 CoRo CO II-TRIGO TRINDADE/HERITIER LACHAT, art. 693 CO n° 39.

157 Cf. supra I/b.

158 MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, §16 n° 310.

159 BÖCKLI,§4 n° 135.

160 CoRo CO II-TRIGO TRINDADE/HERITIER LACHAT, art. 693 CO n° 67 ss.

une méthode d’émission directe (se focalisant sur le droit de vote propre aux actions en lieu et place de la valeur nominale de celles-ci), le droit suisse ouvrirait une voie aux clauses sunsets. De telles clauses permettraient une plus grande souplesse en ce qui concerne le cercle de bénéficiaires d’actions à droit de vote privilégié ainsi que dans la suppression de ces dernières161.

De surcroit, adopter un cadre légal propre aux émissions directes n’aurait aucune conséquence négative sur le cadre juridique propre aux actions à droit de vote privilégié sis en Suisse. Cela permettrait au surplus une suppression plus flexible de telles actions

De surcroit, adopter un cadre légal propre aux émissions directes n’aurait aucune conséquence négative sur le cadre juridique propre aux actions à droit de vote privilégié sis en Suisse. Cela permettrait au surplus une suppression plus flexible de telles actions

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