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ARTICLE I : DIVERSITÉ, ABONDANCE ET DISTRIBUTION DES DIFFÉRENTS TYPES

IV. DONNÉES SUPPLÉMENTAIRES A CETTE ÉTUDE

Cette approche de métagénomique ciblée a été utilisée pour la fabrication d'un certain nombre de librairies de fosmides à partir d'échantillons environnementaux sélectionnés pour les différences de régime trophique et correspondant à 4 régions océaniques distinctes (Tableau 5) : la Mer du Nord, l'Océan Atlantique Nord ainsi que les eaux oligotrophes et côtières de Méditerranée (Fig. 50). Tout comme pour la station Astan, ces librairies ont été criblées par hybridation au CNRGV et par PCR au laboratoire. Le choix des fosmides d'intérêt, qui seront envoyés prochainement au Génoscope, est actuellement en cours.

Figure 50 : Localisation géographique des différentes stations échantillonnées. Les échantillonnages

provenant de la campagne océanographique BOUM sont indiqués en orange, les sites côtiers de Méditerranée en vert, ceux du site Astan et de la campagne CEFAS (Sortie 811) en bleu et enfin ceux d'une campagne réalisée en Atlantique Nord en violet.

Une approche par pyroséquençage ciblant le gène petB a été retenue dans le but d'établir des corrélations entre la diversité pigmentaire qui sera déterminée dans ces échantillons par séquençage des régions PBS et la diversité génétique des Synechococcus marins composant ces échantillons. Le traitement a été réalisé comme décrit précédemment. L'ensemble des séquences obtenues appartiennent à des clades ou sous-clades déjà décrits dans la littérature (Fig. 51). De manière similaire à l'échantillon SOMLIT-Astan prélevé au large de Roscoff, la dominance du sous-clade Ib a été confirmée en Mer du Nord.

Tableau 5 : Paramètres physico-chimiques et abondances des cellules phytoplanctoniques dans les différents échantillons environnementaux analysés

Cruise Sample Region Station Lat (Dec N) Station Lon (Dec E) Date Time (GMT) Sample depth (m) Temperature (°C) Salinity (psu) DCM (m) Synechococcus cells mL-1 Prochlorococcus cells mL-1 Picoeukaryotes cells mL-1

SOMLIT Astan English Channel 48.7778 -3.9375 29-May-12 14:40 1 12.55 35.242 - 8.41E+02 - 3.44E+03 CEFAS (811) Station 3 North Sea 54.2053 -0.0133 08-May-11 17:08 6 10.76 30.82 - 3.30E+05 - 3.29E+05 CEFAS (811) Station 7 North Sea 55.6795 2.2694 10-May-11 5:40 6 11.10 31.31 - 1.32E+06 - 1.49E+06 CEFAS (811) Station 13 North Sea 54.7717 2.9985 11-May-11 5:40 7 11.28 30.98 - 3.96E+05 - 5.92E+05 BOUM Station C Mediterranean Sea 33.7125 32.6527 28-Jun-08 12:45 100 17.614 39.405 108 1.32E+04 3.35E+04 3.65E+02 BOUM Station C Mediterranean Sea 33.7125 32.6527 29-Jun-08 12:45 75 17.914 39.41 108 4.48E+03 - 5.26E+02 BOUM Station B Mediterranean Sea 34.1252 18.4555 04-Jul-08 09:00 12.5 24.948 38.436 141 6.89E+03 - 5.53E+02 BOUM Station A Mediterranean Sea 39.2543 5.1592 10-Jul-08 14:40 90 15.145 37.617 88 1.76E+03 4.91E+04 2.38E+03 - Villefranche (pointB) Mediterranean Sea 43.6833 7.3167 02-Jun-09 09:00 40 15.68 37.85 - 3.38E+04 4.33E+03 1.32E+03 - Villefranche (pointB) Mediterranean Sea 43.6833 7.3167 02-Jun-09 09:00 30 17.326 3775 - 3.32E+04 - 1.61E+03 - Nice (Boussole) Mediterranean Sea 43.3667 7.9000 16-Jun-09 n.d. 45 n.d. n.d. - 1.80E+04 - 3.95E+03 - Marseille (Frioul) Mediterranean Sea 43.2417 5.2917 04-Jun-09 07:00 40 15.17 37.8513 - 3.49E+04 1.87E+03 2.09E+03 - Marseille (Frioul) Mediterranean Sea 43.2417 5.2917 04-Jun-09 07:00 10 19.71 37.78 - 1.89E+04 - 3.37E+03 Atlantic transect Station 5 Atlantic Ocean 45.9897 -20.0014 21-Jul-11 18:30 Surf 16.64 35.79 43 5.35E+04 1.51E+04 1.95E+04 Atlantic transect Station 8 Atlantic Ocean 43.0030 -19.9911 22-Jul-11 22:00 25 16.9 35.89 35 n.d. n.d. n.d. Atlantic transect Station 10 Atlantic Ocean 41.0009 -20.0086 24-Jul-11 16:30 86 14.37 35.92 55 n.d. n.d. n.d. Atlantic transect Station 28 Atlantic Ocean 23.3423 -27.1358 31-Jul-11 12:40 Surf 24.13 37 113 n.d. n.d. n.d.

Il est intéressant de noter que dans tous ces échantillons, aucune séquence appartenant au clade IV n'a été obtenue, alors que la codominance de ces clades a été rapportée de manière quasi-systématique, notamment dans les eaux froides de l'Atlantique Nord (Zwirglmaier et al., 2008; Mazard et al., 2012a). Une étude précédente menée au site SOMLIT-Astan avait également rapporté la présence du clade IV dans la Manche, mais en plus forte proportion que dans notre étude ( 20%; Mazard, 2008), suggérant l'existence des variations saisonnières des proportions relatives de ces clades, comme cela a été rapporté dans les eaux côtières du Pacifique (Tai et Palenik, 2009).

La prévalence du clade III, incluant les sous-clades IIIa et IIIb, dans les eaux oligotrophes du bassin Est Méditerranéen confirme les résultats que nous avions obtenu en utilisant d'autres approches moléculaires, telles que les Dot-Blot ou librairies de clones ciblant la région intergénique située entre l'ARNr 16S et 23S (voir Mella et al., 2012 en Annexe A). Le clade I domine en profondeur au niveau de la station A, présentant un régime déjà assez oligotrophe.

Figure 51 : Abondance relative des différents clades de Synechococcus, en se basant sur l'analyse du gène

petB à une résolution taxonomique de 94% d'identité. Le nombre de séquences utilisées pour la détermination des indices de diversité sont montrées à droite.

La composition en clades des communautés retrouvée au niveau de l'océan Atlantique Nord est par contre un peu plus surprenante. En effet, des clades pour lesquels aucun représentant en culture n'est actuellement disponible, dénommés Env, ont été rapportés. Le clade EnvA est retrouvé en forte proportion en surface au niveau de la station B (campagne BOUM) et de la station 5 (Atlantique). La présence de ce clade au niveau de la zone de transition entre les eaux mésotrophes

et oligotrophes, où il représentait environ 1/3 de la communauté totale de Synechococcus, avait déjà été rapportée (Mazard et al., 2012a). De plus, des données non publiées de l'équipe de David Scanlan montrent le clade EnvA domine spécifiquement en surface dans les régions tempérées, suggérant que les représentants de ce clade pourraient être adaptés aux fortes intensités lumineuses (Fig. 51).

Nos résultats soulignent une large distribution du clade CRD1. Ce clade, initialement décrit au niveau des remontées d'eaux froides du Costa Rica, très riches en nutriments (Saito et al., 2005), a ici été retrouvé dans tous les échantillons de l'océan Atlantique Nord analysés au cours de cette étude. De manière intéressante, ce clade domine également dans les environnements ultra-oligotrophes de l'Océan Pacifique Sud (Ostrowski, M. & Scanlan, D., comm. pers.) et sa présence avait également été rapportée dans l'Océan Atlantique (Mazard et al., 2012a). Ce profil de répartition suggère que ce clade pourrait être ubiquiste et ainsi posséder une grande versatilité métabolique (Fig. 52). Par ailleurs, l'aspécificité des sondes ciblant les clades V/VI/VII utilisées pour des analyses Dot-Blot ou la mauvaise résolution taxonomique entre le clades CRD1 et VII pourraient être à l'origine de la vision biaisée de la biogéographie décrite dans les études précédents (Zwirglmaier et al., 2007; Zwirglmaier et al., 2008; Mella-Flores et al., 2011; Huang et al., 2012).

De très nombreuses études se sont attachées à la description de la diversité génétique de

Synechococcus, en utilisant un grand nombre de marqueurs génétiques (voir Chapitre I). Au cours de

cette thèse, nous avons également utilisé le gène marqueur l'ITS 16S-23S, et mis en évidence de nouveaux clades au niveau du sub-cluster 5.1 (MS1 et MS2) et du sub-cluster 5.3 (MS3 et MS4; Annexe A). Parallèlement à cette étude, Huang et collaborateurs ont également décrit de nouveaux clades en utilisant également l'ITS 16S-23S (Huang et al., 2012). Les analyses phylogénétiques que j'ai réalisé, regroupant des représentants de l'ensemble des clades actuellement décrits dans la littérature en utilisant ce marqueur génétique (Chapitre I Figs. 13 et 14) montrent par ailleurs que le sub-cluster 5.3 pourrait présenter une diversité génétique beaucoup plus importante qu'on ne le pensait initialement. Le gène marqueur petB offre l'avantage d'une plus grande facilité d'analyse et permet de mettre en évidence des patrons de distribution bien distincts vis-à-vis des autres marqueurs précédemment utilisés (ARNr16S, ITS, rpoC1, etc.; Zwirglmaier et al., 2007; Zwirglmaier et al., 2008; Huang et al., 2012; Mazard et al., 2012a). La multiplication du nombre de gènes marqueurs (voir Tableau 1) et des environnements étudiés pose le problème de la comparaison des résultats obtenus dans ces différentes études. Dans ce contexte, il apparait nécessaire de mener une étude qui évaluerait la pertinence des résultats en comparant ces différents gènes marqueurs.

Figure 52 : Représentation schématique de la distribution écologique des différents clades de Synechococcus marins en relation avec les principaux gradients environnementaux.

Enfin, la disponibilité d'un grand nombre de génomes de Synechococcus et de métagénomes en milieu marin (CAMERA, TARA Oceans...) permet à présent d'étudier la distribution des différents clades, en s'affranchissant de tous les biais d'amplification liés à la PCR, utilisée de manière systématique dans les études de diversité. Ce travail, actuellement en cours au laboratoire dans le cadre de la thèse de Grégory Farrant, devrait permettre de fournir une vision précise de la biogéographie de cette cyanobactérie marine à l'échelle mondiale (Fig. 52), et ainsi de corréler ou non ces profils de distribution avec différentes variables environnementales. Les études de génomique comparative permettront ensuite d'expliquer les bases génétiques de cette différentiation écotypique chez le Synechococcus marins, en se focalisant sur les gènes accessoires de ces picocyanobactéries qui peuvent représenter une large partie des génomes picocyanobactériens. Par ailleurs, l'apparente abondance des représentants appartenant à des clades incultivés souligne la nécessite de poursuivre l'effort d'isolement qui avait été entrepris sur cette cyanobactérie marine.