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PARTIE III LES APPORTS DE LA GÉNOMIQUE ET DE LA METAGÉNOMIQUE EN

III.3. L’entrée dans l’ère de la métagénomique ciblée

III.3.2 Un champs en pleine mutation

La SCG a été rendue possible par un grand nombre d’évolutions technologiques. Néanmoins, ces techniques restent difficiles à mettre en œuvre et demande une préparation rigoureuse de l’échantillon. Indépendamment de l’organisme ciblé, l'approche SCG se compose (1) d’une étape d’isolement, (2) d’une lyse cellulaire permettant de libérer l’ADN qui (3) sera amplifié par amplification de génomes complets (WGA) avant (4) de fabriquer une banque en vue (5) du séquençage.

III.3.2.1. Isoler les microorganismes d’intérêt

Les techniques d’isolement cellulaire peuvent être divisées en deux catégories : la micromanipulation et la microencapsulation. Contrairement aux techniques d’encapsulation, la micromanipulation permet d’identifier la cellule d’intérêt avant de procéder à son isolement. Les techniques de micropipettage ont été les premières techniques utilisées pour l’isolement de bactéries ou d’archées (Raghunathan et al., 2005; Ishoey et al., 2006; Kvist et al., 2007; Hongoh et al., 2008; Woyke et al., 2010; Grindberg et al., 2011). Dans le même temps, des techniques de microfluidique ont été développées dans le laboratoire de Stephen Quake, mais en raison de la grande complexité de ces dernières, leur utilisation reste restreinte (Ottesen et al., 2006; Marcy et al., 2007). La microfluidique présente néanmoins l’avantage de diminuer les volumes dans lesquels les celules sont isolées, diminuant ainsi les possibilités de contamination des échantillons pour la SCG (Marcy et al., 2007; Youssef et al., 2011; Leung et al., 2012). Récemment d'autres technologies très sophistiquées, et encore peu répandues, ont également été appliquées pour des applications SCG, utilisant des pinces optiques ou optoélectroniques. Ces deux méthodes permettent l’isolement dans des volumes extrêmement faibles, de l’ordre du femtolitre, de particules colloïdales (comme les cellules). Les pinces optiques utilisent l’énergie de photons généré par des lasers pour maintenir les cellules (Ashkin et Dziedzic, 1987; Ashkin et al., 1987) et ont été utilisées en combinaison avec de la microfluidique pour de la SCG à partir de bactéries (Blainey et al., 2011; Youssef et al., 2011; Marshall

et al., 2012; Pamp et al., 2012). Permettant une meilleure conservation des cellules, les pinces optoélectroniques n’ont pas été à ce jour utilisées pour des approches SCG. Le fonctionnement de ces méthodes est décrit dans une revue récente (Blainey, 2013).

Tableau 4 : Méthodes d’isolement utilisées pour des approches génomique à partir d'une cellule (SCG). Les

pinces optoelectroniques n’ont pas été utilisées à ce jour en SCG. Modifié d'après Blainey (2013).

Technique Technologie Critières d’isolement Volume échantillon Débit (# cellules) Vol. réactif (coût WGA) Remarques Encap sul at ion

Dilution manuelle Pipettage aléatoire Aucun Microlitre Dizaine Microlitre (élevé)

Aléatoire

Puce microfluidique Chambres microfabriquées

Fluorescence et observation microscopique possible

Nanolitre Centaine Nanolitre (faible)

Simple, rapide

Cytométrie en flux Microgouttes en phase aqueuse

Propriétés optiques, intensité de fluorescence

Nanolitre Centaine Nanolitre (faible)

Rapide, nécessité d’un grand nombre de cellules, experience nécessaire Microgouttes en émulsion Microfluidique passive Fluorescence et observation microscopique possible

Picolitre Milliers Picolitre (faible)

Excellent rendement, mais non standardisée M icr o m ani pul at ion

Micropipettage Pipettage précis Fluorescence et observation microscopique possible

Nanolitre Dizaine Microlitre (élevé) Requiert plateforme Microfluidique en flux Microfluidique active Fluorescence et observation microscopique possible

Picolitre Dizaine Nanolitre (faible)

Contrôle fu flux nécessaire

Pinces optiques Microscopie laser Fluorescence et observation microscopique possible

Femtolitre Dizaine Microlitre (élevé)

Intégrable avec microfluidique

Pinces optoélectroniques Opto-électrocinétique Fluorescence et observation microscopique possible Femtolitre Centaine - Milliers

Non appliqué Intégrable avec microfluidique

Parmi les méthodes d’encapsulation, la cytométrie en flux s’est imposée comme la méthode de choix en SCG. Cette technologie à haut débit permet l’isolement des cellules en se basant sur un certain nombre de critères physiques ainsi que le couplage à différentes techniques de marquage. La majorité des études SCG menées à ce jour utilisent la cytométrie en flux (Stepanauskas et Sieracki, 2007; Rodrigue et al., 2009; Woyke et al., 2009; Swan et al., 2011; Yoon et al., 2011; Dupont et al., 2012). Cette technique permet l’encapsulation de cellules en phase liquide dans un volume d’échantillon de l’ordre du nanolitre, augmentant la probabilité de contamination par rapport aux approches décrites précédemment (Blainey, 2013). Une encapsulation en microgouttes d’huile par mélange ou en système microfluidique permet de diminuer ce volume (Thorsen et al., 2001). Principalement utilisée pour des applications génomiques par PCR à haut débit (Tewhey et al., 2009; Agresti et al., 2010; Zeng et al., 2010), la viscosité du mélange pose le problème de la délivrance du matériel génétique et de la compatiblité avec les réactifs conventionnels de WGA (Abate et al., 2010), ainsi que le ciblage spécifique du microorganisme d’intérêt (Link et al., 2006). Enfin, dans une des premières études SCG, Zhang et collaborateurs ont utilisé la technique de dilution manuelle afin d’isoler les cellules, mais avec une très faible efficacité (Zhang et al., 2006).

III.3.2.2. Techniques de lyse cellulaire

La lyse cellulaire est une étape nécessaire permettant la libération du matériel génétique au sein du volume réactionnel. Le protocole de lyse doit à la fois permettre une lyse efficace et compatible avec les réactifs de WGA. Des procédés physiques (dénaturation thermique, choc thermique, sonication), l’utilisation d’enzymes hydrolytiques, de détergents ou de pH extrêmes peuvent être utilisés lors de cette étape (Marcy et al., 2007; Swan et al., 2011; Stepanauskas, 2012; Blainey, 2013). La lyse alcaline reste à ce jour la technique la plus utilisée (Raghunathan et al., 2005), mais son efficacité varie largement en fonction de l’organisme considéré et se situe typiquement en dessous 40% (Marcy et al., 2007; Swan et al., 2011).

III.3.2.3. Amplification de génomes complets : techniques et contraintes Depuis plus de 20 ans, plusieurs méthodes d’amplification de génomes complets (WGA) ont été developpées. Ces dernières sont toutes basées sur l’utilisation d’une ADN polymérase à faible taux d'erreurs mais diffèrent par le type d’amplification (synthèse par déplacement de brins ou séparation thermique), le type d’amorces, le biais d’amplification, la taille des produits amplifiés, ainsi que la disponibilité de kits (voir revue de Blainey, 2013). Parmi ces différentes méthodes, la DOP-PCR utilise des oligonucléotides hybrides de 15 bases, partiellement dégénérés (Telenius et al., 1992). L’amplification se déroule en deux étapes: la première consistant à favoriser l’extension des amorces, la seconde favorisant la réplication. Une récente variante, nommée D-DOP-PCR (displacement-DOP-PCR, commercialisée sous le nom PicoPLEX) a été développée pour permettre la synthèse par déplacement de brin lors de la première étape. Malgré ces progrès, l’utilisation de la DOP-PCR en SCG reste marginale (Leung et al., 2012).

L’amplification par déplacement de brin (MDA) est communément utilisée pour les approches SCG. La MDA utilise des hexamères protégés en 3’ afin d’éviter leur dégradation due à l’activité 3’ – 5’ exonuclease de l’ADN polymérase phi29, capable de synthèse par déplacement de brin en conditions isothermales (Fig. 48; Dean et al., 2001; Zhang et al., 2001). Cette enzyme possède une grande processivité et permet la synthèse de fragments de hauts poids moléculaire, jusqu’à 70 Kpb (Blanco et Salas, 1984; Blanco et al., 1989; Dean et al., 2001), ainsi qu’un biais de plusieurs ordres de magnitude plus faible que les autres techniques de WGA (Dean et al., 2002). La MDA permet d’obtenir des quantités d'ADN de l’ordre du microgramme à partir de quelques nanogrammes, et même d’une seule cellule. De nombreux kits sont proposés commercialement par GE Healthcare et Qiagen.

Figure 48 : Principe de la réaction d'amplification par déplacement de brins utilisant l'ADN polymérase phi29.

D'après Lasken (2012).

L’amplification par MDA est de type exponentiel et aspécifique, imposant que toute trace d’ADN contaminant soit en concentration suffisamment faible dans l’échantillon pour ne pas interférer avec les analyses ultérieures. La suppression de cette contamination reste un défi majeur en SCG (Blainey, 2013). La présence d’ADN contaminant provient (1) de l’échantillon lui-même, (2) de l’environnement (laboratoire instrumentation, pratiques de laboratoire, etc.) et (3) des réactifs utilisés pour la WGA. La réduction de la contamination provenant des deux premiers points peut-être réalisée par des pratiques de laboratoire très rigoureuses, ainsi qu’une attention particulière portée à la propreté et à la décontamination des instruments utilisés (Stepanauskas et Sieracki, 2007). Des procédés comme l’autoclavage, l’utilisation de détergents, le traitement aux UVs, l’utilisation de salles blanches ou de hottes HEPA sont autant de solutions proposées (Stepanauskas et Sieracki, 2007; Woyke et al., 2011; Stepanauskas, 2012). L’étape d’isolement cellulaire est critique, puisqu’elle conditionne autant la qualité que le volume final d’échantillon. La microfluidique présente l’avantage de travailler avec de faibles volumes réactionnels et de diminuer la susceptibilité de l’échantillon à la contamination (Marcy et al., 2007). L’ADN exogène, provenant de cellules lysées, présent dans un échantillon est également éliminé efficacement en utilisant deux étapes de tris cellulaires successives par cytométrie en flux (Rodrigue et al., 2009).

Les fournisseurs de kits de WGA préconisent l’utilisation de 10 ng d’ADN. Cette préconisation n’est pas une limitation technique, la reaction étant possible à partir de quantités beaucoup plus faibles, mais permet de s’affranchir des contraintes posées par la présence d’ADN dans les réactifs, estimée à 1 femtogramme pour 50 µL réactionnels (Woyke et al., 2009; Blainey et Quake, 2011). La décontamination de ces réactifs par traitement UV apparait comme une possibilité efficace, simple à mettre en oeuvre (Woyke et al., 2011).

Les premières tentatives de reconstruction de génomes à partir d’une seule cellule ont mis en évidence un biais d’amplification et l’apparition de séquences chimériques durant la réaction de MDA (Zhang et al., 2006). Le biais d’amplification se traduit à la fois (1) au niveau de la couverture du génome et (2) entre les différents taxons lors de l’amplification d’un échantillon complexe. Ce biais est principalement du à une hybridation stochastique des amorces lors des premières étapes de la MDA, conduisant à la sur-représentation de certaines régions génomiques (Dean et al., 2002; Hosono et al., 2003; Raghunathan et al., 2005; Zhang et al., 2006; Rodrigue et al., 2009; Woyke et al., 2009; Vaulot et al., 2012; Blainey, 2013). A partir d’un échantilon complexe, la structure des communautés peut ainsi être modifiée lors de la WGA, notamment lorsque que la quantité de matériel de départ est faible (Abulencia et al., 2006; Chen et al., 2008; Lepère et al., 2011). Des chimères provenant de réarrangements chromosomiques aspécifiques lors de l’étape d’amplification ont été rapportés (Zhang et al., 2006; Lasken et Stockwell, 2007; Chen et al., 2008). Ces chimères qui représentent entre 10% et 50% des produits synthétisés, sont des séquences hybrides formées par deux séquences qui n’étaient pas originellement liées (Zhang et al., 2006). Les progrès d’analyse in silico ont permis de s’affranchir partiellement des problèmes posés par le biais d’amplification pour la reconstruction de génomes (Rodrigue et al., 2009; Chitsaz et al., 2011; Swan et al., 2011; Bankevich et al., 2012). Un effort de séquençage supplémentaire pourrait constitué une des solutions possibles au problème de séquences chimériques (Rodrigue et al., 2009; Woyke et al., 2010).