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CHAPITRE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

C. Données d’exposition interne humaine

De nombreuses publications décrivent les niveaux d’exposition au BPA retrouvés au sein de cohortes. Outre par la population observée (homme/femme, patients sains/hospitalisés) et la matrice biologique analysée, ces études se différencient par la nature même de l’analyte mesuré. En effet, au sein de l’organisme, le BPA peut subir principalement des biotransformations de phase II et être métabolisé en BPA-glucuronide (BPA-G) sous l’action de la glucuronotransférase ou en BPA-sulfate (BPA-S) sous l’action de la sulfotransférase (Figure 23). Ainsi, certaines techniques analytiques mesurent séparément le bisphénol A non-conjugué et ses métabolites conjugués tandis que d’autres méthodes mesurent conjointement l’ensemble des composés (BPA total : BPA non-conjugué et BPA conjugué) généralement suite à une étape de déconjugaison enzymatique. Cette information est à prendre en compte dans l’interprétation des données d’exposition puisque les métabolites du BPA, en particulier le BPA-G (principal métabolite formé chez l’homme), sont considérés comme biologiquement inactifs pour l’organisme 160. Ils constituent néanmoins une information importante car ils sont le reflet d’une

exposition de l’organisme à la molécule parent.

Figure 23 : métabolisation chez l’homme du bisphénol A (1) en bisphénol A glucuronide (2) et en bisphénol A sulfate (3) 177

1. Données urinaires

Les données urinaires obtenues dans les études d’épidémio-surveillance humaine correspondent le plus souvent aux concentrations de BPA total puisque seule une très faible fraction de la dose d’exposition au BPA est retrouvée sous forme de BPA non-conjugué dans les urines, la majorité étant sous forme de BPA-G.

La détection de BPA total dans les urines de 93% des participants de la cohorte américaine NHANES témoigne du caractère ubiquitaire de l’exposition humaine au BPA 178. Ceci est en accord avec la

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détection de BPA total dans les urines de respectivement 75 - 82 et 96% des participants de cohortes d’hommes coréens 174, de femmes enceintes 172 et d’étudiants américains consommant des boissons

contenues dans des conditionnements en polycarbonate 179. La Figure 24 décrit les concentrations

urinaires moyennes de BPA total ainsi que les concentrations maximales mesurées dans différentes études d'épidémio-surveillance humaine américaines, européennes et asiatiques menées entre 2001 et 2012. La concentration moyenne de BPA total est généralement comprise entre 1 et 5 ng/mL 155. De

très fortes concentrations (parfois supérieures à 100 ng/mL) sont reportées dans certaines études, toutefois de façon assez anecdotique 180,181.

En théorie, la mesure des concentrations urinaires permet de calculer l’exposition externe des individus au BPA en raison d’une élimination du BPA quasi exclusivement urinaire chez l’homme. Néanmoins, la cinétique d’élimination du BPA étant particulièrement rapide, les concentrations urinaires mesurées au cours de la journée varient considérablement au sein d’un même individu. Par conséquent, l’estimation de l’exposition humaine au BPA à partir d’un seul prélèvement journalier d’urine peut être très imprécise. L’estimation peut être améliorée lorsqu’elle est basée sur la concentration en BPA mesurée sur des urines collectées pendant 24 heures.

Figure 24 : concentrations urinaires en BPA total rapportées dans la littérature pour des études publiées entre 2001 et 2012 155

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2. Données sanguines chez l’adulte

Si les données urinaires permettent d’estimer l’exposition globale, la mesure des concentrations sanguines en BPA apporte un élément essentiel dans l’analyse du risque. En effet, d’après un principe fondamental en pharmacodynamie / pharmacocinétique, ce sont les concentrations circulantes d’un composé qui déterminent les effets observés.

De nombreuses études d'épidémio-surveillance se sont focalisées sur l'évaluation de l'exposition interne au cours de la grossesse. Les récentes études menées sur des cohortes de femmes enceintes décrivent des concentrations sanguines maternelles en BPA non-conjugué allant de plusieurs centaines de pg/mL (voire des valeurs indétectables) 182 à 4,8 ± 1,6 ng/mL (moyenne ± SD) 183 (Tableau 4). Il est

à noter que des concentrations sanguines très élevées ont été mesurées. Néanmoins, ces fortes concentrations sont à prendre avec précaution puisqu'il pourrait s'agir de contaminations dues au relargage de BPA depuis les dispositifs médicaux 184.

Tableau 4 : Concentrations sanguines en BPA non-conjugué dans différentes études d’épidémio-surveillance menées chez des femmes enceintes

Référence Cohorte Méthode n

% détection LOD (ng/mL) Intervalle (ng/mL) Moyenne ± SD ng/mL) 182 Etats-Unis LC/MS/MS 48 25 0.045- 0.35 0.25 – 0.51 183 Etats-Unis HPLC-MS 80 0,02 ND – 96,43 4,8 +/- 1,6 185 Italie GC-MS 50 0.01 0.22 – 0.50 0.36 +/- 0.08 186 Canada GC-MS 61 97 0.01 ND – 4,46 1,36 +/- 1,18 187 Inde GC-MS 40 70 0,52 ND– 22,49 4,62

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3. Données sur le sang de cordon et le liquide amniotique

En raison de la sensibilité accrue du fœtus aux perturbateurs endocriniens, le transfert placentaire du BPA a particulièrement été étudié.

In vitro, le BPA est capable de transférer rapidement et de façon bidirectionnelle à travers la

monocouche de cellules BeWo (lignée cellulaire de choriocarcinome placentaire humaine) 188.

Similairement, il a été montré dans des études ex vivo, sur des placentas humains à terme collectés au moment de l'accouchement, que le BPA diffuse passivement à travers le placenta dans les sens materno-fœtal et fœto-maternel 188,189.

Dans des études d'épidémio-surveillance, le BPA non-conjugué et le BPA total ont été dosés dans le liquide amniotique de femmes aux 2ème et 3ème trimestres de grossesse. Avec une limite de détection

analytique de 0,1 ng/mL, le BPA total a été détecté dans 16 des 20 échantillons du 2ème trimestre

(médiane de 0,47 ng/mL ; [ND ; 0,75 ng/mL]) et le BPA non-conjugué dans 9 des 20 échantillons (médiane de 0,38 ng/mL ; [0,31 – 0,43] ng/mL) 190. Sur les 20 prélèvements du 3ème trimestre, le BPA

total a été détecté sur 2 échantillons et le BPA non-conjugué sur 1 échantillon (0,42 ng/mL). Sur une cohorte de 40 femmes indiennes, le BPA non-conjugué a été détecté (LOD 0,52 ng/mL) respectivement dans 70 et 65% des prélèvements de sang maternel et de liquide amniotique avec une moyenne géométrique de 4,6 et 4,8 ng/mL 187.

Les concentrations de BPA (total ou non-conjugué) ont également été mesurées dans le sang de cordon (Tableau 5). Ces différentes études confirment que le BPA est capable de franchir la barrière placentaire. Une corrélation positive a été mise en évidence entre les concentrations de BPA total mesurées dans le sang de cordon et le sang maternel 191. Malheureusement, la relation entre les

concentrations de BPA non-conjugué dans le sang de cordon et le sang maternel n’a été que très peu étudié. On peut toutefois noter que les concentrations en BPA non-conjugué mesurées dans le sang de cordon sont du même ordre que les concentrations sériques décrites dans la population générale.

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Tableau 5 : concentrations en BPA (non-conjugué ou total) mesurées dans le sang de cordon ombilical

Référence Cohorte Méthode n

Sexe du fœtus BPA total ou non- conjugué LOD (ng/mL) Intervalle (ng/mL) Moyenne ± SD ng/mL) 192 Allemagne GC-MS 37 m Non- conjugué 0.01 0,2 – 9,2 2,9 ± 2,5 193 Japon HPLC-FD 9 m et f Non- conjugué 0.04 0,45 – 0,76 0,62 ± 0,13 191 Corée du Sud HPLC-FD 300 m et f Total 0.625 0,65 ± 1,06

194 Taïwan HPLC-UV 97 m et f Non-

conjugué 0,13 1,1 ± 2,2

173 France RIA 106 m Non-

conjugué 0.08 0,14 – 4,76 1,12 ± 0,86 195 Canada GC-MS 12 m et f Total 0,026 ND-2,57 1,82 196 Etats-Unis HPLC-MS 84 m et f Non- conjugué ND-52,26 0,16 197 Chine GC-MS 262 m ef f 1,81 – 5,54 2,77

198 France RIA 128 m Non-

conjugué 0,08

1,14 ± 1,47

183 Etats-Unis HPLC-MS 80 m et f Non-

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