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CHAPITRE 1 : DESCRIPTION DU MILIEU ET PRÉSENTATION DES DONNÉES DE

2. Constitution de la banque de données

2.3. Constitution des grilles de données spatialisées

2.3.3. Construction des grilles " sols"

2.3.3.3. Données CRU

Une troisième série de données, obtenue auprès du CRU, se compose de valeurs de capacité en eau du sol estimées à partir de la carte des sols de la FAO suivant la méthode décrite par Dunne et Willmott (1996), qui tient compte de la couverture végétale pour définir la profondeur racinaire. La capacité en eau du sol, selon les auteurs, est la quantité d'eau qui peut être extraite du sol afin de satisfaire la demande évaporatoire. Classiquement, cette quantité est généralement considérée comme géographiquement invariante dans les modèles à grande échelle et elle est souvent fixée à 15 cm. Selon les auteurs, cette simplification est incorrecte en raison de la grande influence de la capacité en eau du sol sur les termes du bilan hydrologique. Une étude sur l'ensemble des continents (Milly et Dunne, 1994) révèle qu'une augmentation de 4 à 60 cm de la capacité en eau du sol entraîne une augmentation de 36 % de l'évapotranspiration continentale, une diminution de 35 % du ruissellement et une augmentation de 12 % des précipitations continentales. De nombreuses études ont examiné l'influence de la capacité en eau du sol sur l'atmosphère et en ont déduit des effets importants sur les variables climatiques telles que la température, l'évapotranspiration et les précipitations.

La capacité en eau du sol est obtenue grâce à la capacité en eau utile du sol exprimée en centimètres d'eau de sol et représentant la différence entre la capacité au champ et la capacité

au point de flétrissement. La capacité au champ est la quantité d'eau contenue dans un sol initialement saturé après une période de ressuyage de 2-3 jours ; le point de flétrissement permanent correspond à la quantité d'eau en dessous de laquelle les racines ne peuvent plus extraire l'eau du sol. Ces capacités sont fonction des pourcentages de sable, d'argile et de matière organique du sol. L'intégration de la capacité en eau utile du sol sur toute la profondeur du sol permet d'obtenir la capacité en eau du sol. À la différence des données FAO, celles proposées par Dunne et Willmott intègrent la teneur en matière organique du sol, estimée empiriquement à partir du ratio précipitation/évapotranspiration potentielle et la profondeur racinaire fonction de la couverture végétale. La profondeur racinaire a une influence majeure sur la capacité en eau, la texture du sol présente une influence moindre mais non négligeable et la teneur en matière organique a peu d'influence sauf en zones de fortes concentrations.

Ainsi, pour chaque bassin versant étudié, nous possédons cinq grilles de capacité en eau des sols : FAOmin, FAOmoy, FAOmax, Saxton et CRU (Figure 1.8).

Bakelw -10 - 1 0 - 20 20 - 60 60 - 100 100 - 150 150 - 200 200 - 300 300 - 500 500 - 1000

W HC Cru

Bassin de Bakel

Saxton Smin

Smoy

Smax

Les valeurs de ces capacités en eau sont fixes dans le temps. Nous estimons cependant que ces grilles ne reflètent pas correctement la réalité du terrain puisqu'elles font abstraction de tous les facteurs extérieurs, anthropiques ou climatiques, qui peuvent par forte pression sur l'environnement modifier l'occupation des sols et donc influencer considérablement les valeurs de capacité de rétention en eau des sols et, à terme, les coefficients de ruissellement. Albergel (1987) et Pouyaud (1987) ont montré que les coefficients de ruissellement et les écoulements annuels ont augmenté sur des petits bassins versants en zone sahélienne, en liaison avec l'évolution de la végétation (défrichements, augmentation des surfaces cultivées) et la dénudation des sols. Des investigations récentes ont montré que des bassins de taille supérieure pouvaient aussi être concernés par cette augmentation des coefficients de ruissellement. Sur le bassin du Nakambé à Wayen au Burkina Faso, les écoulements ont augmenté malgré la diminution des pluies observées depuis 1970 (Mahé et al., 2003). Cette augmentation des débits a été reliée à l'augmentation de surface de sols cultivés et de sols nus, aux dépens des surfaces en végétation naturelle sur le bassin depuis 30 ans. La même observation a été faite dans le sud-ouest nigérien où on constate une remontée continue de la nappe phréatique depuis quatre décennies qui ne peut s'expliquer en définitive que par l'anthropisation du paysage (Favreau et al., 2001).

Dans ce contexte, une étude a été menée sur l'impact d'une évolution de la capacité en eau en intégrant les modifications de l'occupation des sols sur le bassin versant du Nakambé au Burkina Faso (Dray, 2001 ; Mahé et al., 2002). L'hypothèse émise est qu'une révision à la baisse des valeurs de capacité en eau permettrait lors de simulations d'écoulement de rendre compte du phénomène d'augmentation du ruissellement dans un contexte de diminution de la pluviométrie. L'évolution proposée est fonction des taux d'occupation des trois classes identifiées, végétation naturelle (qui inclut les jachères supposées se comporter identiquement), surfaces cultivées et sols nus, entre 1965 et 1995. Quatre cartes ont pu être établies pour 1965, 1975, 1985 et 1995 en combinant cartes historiques, images satellites et photos aériennes. Entre chaque période, on considère une évolution linéaire de l'occupation des sols. Entre 1965 et 1995, la végétation naturelle a diminué de 25 %, les surfaces cultivées ont augmenté de plus de 40 % et les sols nus ont augmenté d'un facteur trois (Tableau 1.4).

Tableau 1.4 – Variation décennale (%) d'utilisation des sols exprimée en pourcentage de surface pour le bassin du Nakambé et impact résultant sur la capacité en eau

(d'après Mahé et al., 2002) Année Végétation

naturelle Cultures Sol nu

Réduction capacité en eau État initial 100 0 0 0 1965 43 53 4 21 1975 34 58 8 25.1 1985 15 75 10 32.2 1995 13 76 11 33.1

L'impact sur la capacité en eau moyenne du bassin est une réduction d'un tiers de la capacité en eau en 30 ans. Du point de vue de la modélisation des écoulements, l'utilisation des fichiers de capacité en eau évolutifs permet d'augmenter la performance des modèles de 2 % à 7 % en phase de calage (1965-1975) et de 2 % à 14 % en phase de validation (1976-1995) (Mahé et al., 2002). Ceci montre bien que la performance des modèles est sensible aux variations des caractéristiques physiques des bassins versants, comme les capacités en eau des sols suite aux modifications de l'utilisation de ces mêmes sols.

Cette méthodologie n'a pu être appliquée ici. En effet, il a fallu près de trois mois pour collecter les images satellites et les photographies aériennes auprès de divers organismes, et la plupart des démarches entreprises se sont révélées infructueuses. Dray (2001) s'est trouvée en outre confrontée à des problèmes d'échelle (pays, bassin versant, province) et d'hétérogénéité dans les données (légendes particulières et couverture partielle du bassin), nécessitant un long travail d'uniformisation de classes d'utilisation des sols pour obtenir une légende de référence. Devant l'ampleur de la tâche, rappelons que notre plus grand bassin étudié couvre 600 000 km², au regard des 20 800 km² du Nakambé, et la "modération" des résultats obtenus avec cette méthode, nous nous sommes restreints à l'utilisation des grilles de valeurs fixes de capacité en eau des sols. Mais nous sommes conscients de ce qu’il y a là une voie de recherche à explorer pour améliorer les résultats.