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CHAPITRE 2 : CARACTÉRISATION DE LA VARIABILITÉ HYDROCLIMATIQUE EN

2. Analyse climatique diagnostique de la variabilité hydroclimatique de l'Afrique de l'Ouest et

2.2. Mousson ouest africaine et hydrologie de surface

2.2.1. Définitions des outils diagnostiques

Nous avons utilisé un certain nombre de méthodes statistiques fréquemment employées en climatologie diagnostique (Sneyers 1975 ; Der Megreditchian, 1992 ; von Storch et Zwiers, 1999). Il est impossible de décrire en quelques lignes l'ensemble des méthodes utilisées. Cette section donne un aperçu rapide des principes essentiels des techniques d'analyse employées, les fondements théoriques étant présentés dans tous les grands traités de statistiques (Snedecor et Cochran, 1967 ; Lebart et al., 1982). Les méthodes statistiques présentées dans cette partie ont été sélectionnées afin d'atteindre les objectifs suivants :

— définir les indices hydrologiques, à la fois cohérents dans l'espace (région homogène) et dans le temps (variabilité intra et interannuelle homogène) ;

— sélectionner les signaux régionaux, qui dans le système océan-atmopshère-continent, renseignent sur la qualité de la mousson ouest-africaine.

2.2.1.1. Détermination des structures de variabilité

L'Analyse en Composantes Principales, ou ACP, facilite l'analyse conjointe d'un grand nombre de données, en tenant compte de leur caractère multidimensionnel, particulièrement

dans le cas d'étude de la variabilité spatio-temporelle de paramètres climatiques et hydrologiques. Cette méthode, particulièrement robuste, permet d'identifier des modes cohérents de variabilité interannuelle pour les paramètres considérés. Elle permet d'extraire le maximum d'information sous forme de représentations graphiques ou d'indices simplifiés, permettant leur interprétation, telle que la mise en évidence de relations entre les variables et/ou l'opposition entre les observations.

Réaliser une ACP revient à remplacer n variables x1…xi corrélées entre elles, par de nouvelles variables c1 … ci, appelées composantes principales. Ces composantes principales sont des combinaisons linéaires non corrélées entre elles et de variance maximale des variables initiales (Saporta, 1990). Lorsque les variables représentent l'espace et les observations le temps, une ACP permet de mettre en évidence les ressemblances et les oppositions en terme de variabilité temporelle des unités géographiques considérées.

Lorsque plusieurs séries hydrologiques représentent les différentes composantes d'un même signal reconnu ou supposé, il peut être intéressant de les synthétiser plutôt que de n'en conserver qu'une seule : le choix d'un indice unique est subjectif et incomplet. L'intérêt d'appliquer une ACP sur de telles séries est évident : la première composante explique la majeure partie de la variance de départ. Ici, les séries de débits moyens annuels des n stations de chaque unité hydrographique ont été considérées comme des variables à part entière. Chaque matrice sur laquelle est appliquée l'ACP (une par unité hydrographique) possède donc

y années x n stations (Tableau 2.2). Comme il est nécessaire de travailler sur une période

homogène, les séries de débits moyens annuels pour les stations du Logone et du Chari ont été découpées en deux périodes.

Tableau 2.2 – Descriptions des variables et des individus retenus pour l'application de l'ACP. Unité hydrographique Période étudiée Nb d'années (individus) Nb de stations (variables) Sénégal Gambie Sassandra Logone Chari 1904-1998 1971-1996 1953-1998 1954-1980 et 1982-1994 1952-1979 et 1983-1994 95 26 46 27 et 13 28 et 12 12 7 8 10 6

Sur la zone soudano-sahélienne où se produit l'alternance d'une saison sèche et d'une saison des pluies, les anomalies de débit traduisent les variations d'intensité et de pénétration des flux de mousson et de l'activité des lignes de grain au pas de temps interannuel, puisque les débits intègrent les précipitations de leur bassin versant (De Felice, 1999). Sur une unité hydrographique, les stations aval présentent un débit supérieur aux stations amont. Travailler avec des anomalies standardisées permet de donner le même poids à toutes les stations. Nous appliquons donc l'ACP sur les anomalies de débits standardisées pour chaque groupe de stations d'une unité hydrographique.

La première composante principale issue d'une telle ACP explique le maximum de variance et est documentée par une chronique annuelle d'anomalies standardisées de débits. Cette chronique décrit bien la variabilité interannuelle des débits moyens de chaque unité hydrographique. Nous présentons seulement la chronique obtenue pour les stations du fleuve Sénégal, puisqu'il s'agit de la plus longue série disponible (Figure 2.5).

Figure 2.5 – Chronique de la composante principale de l'anomalie standardisée du débit moyen

annuel pour les bassins versants du Sénégal, entre 1904 et 1998.

Les autres chroniques présentent les mêmes variations. Cette chronique montre l'alternance de périodes excédentaires et déficitaires déjà évoquée par certains auteurs (Dione,

1995 ; Bricquet et al., 1997). De plus, elles mettent très nettement en évidence la décroissance des débits sur la période récente, décroissance initiée dans les années 70, avec des minimums records en 1982-1984. Cette chronique, ainsi obtenue, est utilisée comme indice hydrologique à partir duquel sont déterminés les composites.

2.2.1.2. Les analyses composites

Les méthodes d'analyses composites sont des méthodes adaptées pour rechercher les signaux de la qualité de la mousson ouest-africaine dans les champs océano-atmopshériques et continentaux. Ces analyses sont fréquemment utilisées en climatologie diagnostique pour mettre en évidence les connexions (lien statistique) ou les téléconnexions entre variables (rapport à des régions éloignées avec propagation de certaines fluctuations par des processus physiques). Les dépendances statistiques sont alors évaluées par des analyses composites assorties du test t de Student.

La méthode des composites est utilisée pour voir si un signal préalablement identifié dans un premier paramètre z (ici, les débits moyens annuels) apparaît dans un second paramètre v (von Storch et Zwiers, 1999). Deux échantillons (les composites) contenant les valeurs prises par v quand z connaît respectivement des anomalies marquées négatives (composant sèche, notée DRY) et positives (composant humide, notée WET) sont construits. On conclut ensuite à l'existence statistique du signal dans v en testant la différence des moyennes des échantillons grâce au test t de Student. On calcule donc :

t = ) (d d σ d = v1-v2 et σ(d) = σv × n 2

avec v1 et v2 deux échantillons (composites) de la série chronologique v ;

n nombre d'observations ;

σv écart-type estimé sur l'ensemble de l'échantillon.

L'un des avantages des composites par rapport, notamment, à la méthode des corrélations linéaires est qu'aucune hypothèse n'est faite sur le type de relation entre les deux paramètres z et v étudiés : cette relation peut tout aussi bien être linéaire que non linéaire. Par contre, on suppose que les anomalies de z sont toujours associées ou dues aux mêmes types d'anomalies

dans v. D'autre part, la composite, fondée sur la comparaison des moyennes, est plus robuste, moins sensible aux valeurs extrêmes. Leur utilisation permet également de localiser les zones d'affaiblissement ou de renforcement des phénomènes.Les autres avantages et limites des composites sont plus amplement rappelés dans Sun et al. (1999) et Ward (1992). L'analyse composite possède deux qualités majeures : simplicité de calcul et souplesse d'utilisation.

Les années composites ont donc été définies d'après les chroniques issues de l'ACP mais uniquement entre 1968 et 1998. En effet, les composites sont utilisées pour rechercher les signaux de la qualité de la mousson ouest-africaine dans les champs océano-atmopshériques et continentaux. Ces données atmosphériques sont issues des réanalyses, et nous avons vu précédemment qu'il était plus prudent de les utiliser sur la période 1968-1998 (Poccard, 2000). De plus, cette méthode nécessite des séries complètes sur la période d'observation. Étant donné l'importance des lacunes pour le Logone et le Chari, générant des périodes d'observations complètes mais courtes (12 ans en moyenne), les résultats ne sont pas significatifs et ne peuvent être exploités ici. Compte tenu de la fenêtre d'observations, les huit années correspondant aux plus forts déficits et excédents hydrologiques enregistrés pendant la période 1968-1998 pour les quatre unités hydrographiques retenues ont été sélectionnées pour le calcul des composites. Ces années sont présentées dans le tableau 2.3. Par ailleurs, nous avons identifié les années ENSO et LNSO en nous basant sur la classification proposée par Ropelewski et Halpert (1996).

Tableau 2.3 – Années prises en compte pour le calcul des composites des paramètres atmosphériques sur l'Afrique de l'Ouest et Centrale sur 1968-1998 ; en gras : années ENSO ;

souligné : années LNSO (d'après Ropelewski et Halpert, 1996)

Composites Années WET ou humide 1968, 1969, 1970, 1971, 1974, 1975, 1994, 1995

DRY ou sec 1983, 1984, 1985, 1986, 1987, 1990, 1992, 1993

Nous remarquons que certaines années sèches (débit moyen déficitaire par rapport à la normale) sont associées à des ENSO ; de même, certaines années humides (débit moyen excédentaire) coïncident avec des LNSO, à l'exception de 1969, année ENSO. Néanmoins, près de la moitié des années retenues, ayant enregistré des excédents ou des déficits hydrologiques, ne correspondent pas à des évènements LNSO ou ENSO.

Afin de caractériser les évolutions saisonnières, nous avons choisi de travailler à partir de :

— la période d'étiage, correspondant à une situation de pré-mousson. Nous avons retenu les mois de mars et avril (noté MA) pour caractériser cette période ;

— la période de crue, correspondant à une situation de mousson en fin de saison des pluies. Nous avons retenu les mois d'août, septembre et octobre (notés ASO) pour caractériser cette période.