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Nombre d'erreurs non critiques par patient

B. Documentation diagnostique

Soixante-deux pour cent des malades recevaient un médicament inhalé pour la prise en charge thérapeutique d’une maladie respiratoire chronique de diagnostic certain. Inversement, 38% des individus utilisaient un médicament inhalé dans le cadre d’une pathologie respiratoire présumée (19%) ou absente (19%). Il est important de souligner que 4 des patients inclus, qui bénéficiaient donc par définition de thérapeutiques inhalées au long court, avaient eu une expertise (dont une EFR) attestant de l’absence de maladie respiratoire obstructive. Ces données interrogent à la lumière de la description la mauvaise qualité technique de l’utilisation des médicaments inhalés dans notre travail et dans la littérature.

L’EFR permettant de valider l’existence d’une anomalie respiratoire obstructive est potentiellement difficile à réaliser dans une population âgée. Cette difficulté pourrait expliquer qu’un certain nombre de malades dans notre étude aient un diagnostic présumé de maladie obstructive basée sur des éléments cliniques. Une étude incluant prospectivement 113 sujets âgés de 84 ans en moyenne, mettait en évidence qu’un peu moins de la moitié des patients pouvaient réaliser une spirométrie de bonne qualité. Lorsque le MMSE® était inférieur à 24 alors seulement 10 % des malades réalisaient une spirométrie interprétable. Lorsque les individus avaient des troubles visuo-constructif et échouaient à la copie de figure présente dans le MMSE®, ils n’étaient jamais en mesure de réaliser correctement la spirométrie (59). Le sous-groupe d’individus n’ayant pas eu de spirométrie dans notre travail avait un âge médian de 85 ans et un MMSE® médian de 18/30 pouvant contribuer à expliquer l’absence de spirométrie. Une étude suggère que pour cette population âgée et présentant des troubles neurocognitifs, le diagnostic devrait se faire en tenant compte de l’histoire clinique et des symptômes uniquement (60). Malgré tout, ces éléments d’âge et de cognition sont les mêmes qui réduisent la

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qualité de la prise de médicaments inhalés (44) (50–52) (59), ainsi que l’observance (51,52). Ensuite, certains symptômes respiratoires (toux, crachats, sifflement) sont fréquents et pourtant pas nécessairement synonymes de maladie respiratoire obstructive (61,62). Il s’agit ensuite d’une population où la prévalence de l’insuffisance cardiaque estimée à environ 30% est élevée. L’insuffisance cardiaque peutt être responsable de symptômes respiratoires. Compte-tenu des anomalies vis- à-vis de la qualité de prise des médicaments inhalés discutées auparavant, la prise en charge adaptée de malades de plus de 80 ans présentant des symptômes respiratoires, notamment des sibilants dans un contexte de dyspnée, pose une réelle question de stratégie médicale, thérapeutique et d’économie de santé.

La problématique est d’ailleurs double : une difficulté à définir un diagnostic objectif de maladie respiratoire à l’aide d’une spirométrie, mais aussi le risque de surévaluer le diagnostic d’obstruction lorsque la spirométrie est réalisée. Pour rappel, le seuil spirométrique pour diagnostiquer un trouble ventilatoire obstructif est le suivant : VEMS/CV < 70%. Le vieillissement physiologique de la fonction respiratoire en dehors de toutes pathologies respiratoires chroniques débute dès l’âge de 20 ans avec une diminution du VEMS de 200 à 300 ml tous les 10 ans jusqu’à l’âge de 70 ans. La capacité vitale diminue de 20 % entre l’âge de 20 ans et de 70 ans. Cela donne de façon physiologique un VEMS/ CV aux alentours de 74% à l’âge de 70 ans, chiffre qui s’approche de la valeur spirométrique seuil du trouble ventilatoire obstructif (60), posant un réel défi diagnostique chez des sujets âgés. Cela serait à l’origine de 15 % de surdiagnostic de TVO au-delà de 65 ans (63). Rappelons malgré tout que les pathologies respiratoires obstructives de type BPCO ou asthme sont généralement diagnostiquées avant l’âge de 70 ans.

La population ayant un diagnostic présumé ou aucun diagnostic de TVO était plus âgée, et moins performante sur le plan cognitif. Malheureusement dans notre travail,

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le faible effectif n’a pas permis de dégager l’ensemble des facteurs pouvant affecter la documentation diagnostique ou le fait de bénéficier d’un traitement apparemment sans la pathologie le justifiant. Cependant, on notait qu’un suivi pneumologique était un élément primordial de cette problématique.

C.

Éducation thérapeutique

Dans notre étude, un quart des patients recueillis n’avaient jamais reçu de formation à l’usage de leur(s) dispositif(s). Parmi les trois-quarts restant, 66,7% n’avait reçu une formation qu’une seule fois plus de 6 mois avant l’inclusion, 20,5% avait eu une formation plus de 6 mois avant l’inclusion mais plusieurs fois. Seulement 5 patients (12,8%) avaient reçu une formation moins de 6 mois avant l’inclusion. Nous avions déjà souligné l’éducation thérapeutique comme un point essentiel de l’utilisation des dispositifs inhalés puisque le niveau d’éducation thérapeutique était un élément explicatif de prévalence d’erreurs différente entre notre étude et d’autres. Ce travail d’éducation thérapeutique s’impose en général dans les travaux scientifiques comme primordial. Par exemple, dans le travail de V. Giraud, où les malades de la cohorte avaient bénéficié d’une démonstration physique (84%) et d’une évaluation de la qualité technique préalable à celle de l’étude, ceux qui avaient bénéficié de cette éducation thérapeutique avaient significativement moins d’anomalies dans l’utilisation (66,5%) que ceux n’ayant eu ni démonstration ni évaluation (86,4) (50). Le risque d’erreur critique en l’absence d’éducation thérapeutique est multiplié significativement par 2,22 dans un autre travail intéressant une cohorte néerlandaise (48) et par 2,28 dans une cohorte italienne (43). La mauvaise éducation thérapeutique est donc un facteur de risque d’erreurs critiques mais se pose la question des modalités. Un intéressant travail d’une équipe chinoise illustrait l’impact

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de la méthode d’éducation thérapeutique. Cent trente patients de plus de 40 ans, sans pathologie respiratoire chronique et sans connaissance des médicaments inhalés essayaient 3 types d’IPS différents. Ils avaient initialement reçu des instructions d’utilisation écrites (manuel d’utilisation du médicament) uniquement puis des instructions verbales et visuelles. Lorsque la démonstration est physique (verbale et visuelle), le nombre d’erreurs critiques faites diminuait de plus de deux tiers (64).

L’éducation thérapeutique est donc essentielle et efficace pour optimiser la bonne utilisation des dispositifs d’inhalation individuels sous réserve qu’elle soit réalisée sous la forme de démonstration physique, et non simplement écrite, et sous réserve également qu’elle soit répétée et la technique évaluée très régulièrement. On rappellera le taux majeur d’erreurs critiques des malades irlandais de I. Sulaiman dans le mois suivant leur inclusion, alors qu’ils avaient été formés au préalable jusqu’à obtenir une réalisation technique de bonne qualité (52). Une revue de la littérature rappelle et justifie les critères d’une éducation thérapeutique optimale que nous venons de décrire (53).

Les données d’une étude italienne abordent le sujet des formateurs. Dans un groupe de malades suivis en centre spécialisé, la première source de formation à l’usage d’un dispositif d’inhalation individuel était le pneumologue (58%) suivie par le médecin généraliste (18%), l’infirmière (15%) et enfin le pharmacien dans seulement 3 % des situations. Le risque d’erreur critique était significativement diminué de 29% (OR : 0,71 ; p < 0,03) lorsque les malades avaient reçu une formation par leur pneumologue. La position du pneumologue comme acteur principal de la formation à l’usage des dispositifs d’inhalation est légitime. En France, en dehors de centres spécialisés comme dans l’étude abordée précédemment, le médecin pneumologue semble ne pas pouvoir répondre seul aux exigences de formation et d’évaluations

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répétées des utilisateurs. L’implication des professionnels de santé (Médecin généraliste, IDE, pharmaciens) en contact avec des malades atteints de pathologie chronique semble nécessaire pour assurer les besoins. Parmi ces professionnels, le pharmacien tient une place prometteuse dans ce rôle, favorisé par le maillage des pharmacies en France et le faible nomadisme des malades vis à vis de celles-ci. Un travail évaluant l’impact d’une formation à l’usage d’un traitement médicamenteux inhalé en 2011 montrait une amélioration significative de la qualité technique de 24 à 79%. La durée médiane de la formation était de 6 min [1 – 30 min]. L’amélioration technique contribuait à l’amélioration du contrôle de l’asthme dont souffraient les patients et de l’observance (65). Par ailleurs, la promotion des programmes d’éducation thérapeutique pourrait idéalement compléter l’implication des différents professionnels. Enfin, l’usage de dispositifs d’entraînement aux modalités d’inhalation spécifique aux différents dispositifs d’inhalation semble pertinent pour maîtriser cette phase au rôle majeur (53). Par exemple le In-Check Dial® est un dispositif d’entraînement simulant la résistance des différents dispositifs inhalés disponibles sur le marché et permettant de vérifier si le débit inspiratoire de pointe de l’utilisateur est adapté.

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