• Aucun résultat trouvé

DOCTORANT À L’ÉCOLE D’ÉCONOMIE DE PARIS

Dans le document N 87 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE (Page 41-59)

(mercredi 29 mai)

M. François Pillet, président. – Dans le cadre de cette commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières, nous allons commencer par l’audition de Jézabel Couppey-Soubeyran, suivie de celle de Gabriel Zucman.

La commission d’enquête a ses usages ainsi que ses obligations juridiques, dont la première, et la plus importante, est de faire prêter serment à ceux qu’elle auditionne. Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, prêtez serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites « je le jure ».

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Je le jure.

M. François Pillet, président. – M Gabriel Zucman, prêtez serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites « je le jure ».

M. Gabriel Zucman, Doctorant à l’École d’économie de Paris. – Je le jure

M. François Pillet, président. – Nous allons vous donner quelques minutes afin que vous vous présentiez, puis je donnerai la parole au rapporteur Eric Bocquet. Ensuite, le débat sera nourri par les questions de mes collègues. Le dernier mot ira au rapporteur, et je vous laisserai un temps à la fin de votre audition pour d’éventuelles précisions.

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Lors de l’élaboration du rapport réalisé en collaboration avec mon collègue Gunther Capelle-Blancard pour le Conseil des Prélèvements Obligatoires, j’ai été amenée à étudier les implantations des banques européennes et françaises à l’étranger et plus précisément dans les centres offshores. Nous souhaitions

trouver des explications à la faiblesse relative des banques françaises face au prélèvement obligatoire.

Afin d’examiner la présence des banques françaises à l’étranger, nous avons pu nous appuyer sur une base de donnée commerciale appelée Bankscope, mais pas sur celles de l’ACP ou de la Banque de France.

Bankscope, nous a permis de dénombrer des filiales de grandes banques européennes à l’étranger et plus spécifiquement dans les centres offshores.

Pour notre sélection de banques européennes, nous nous sommes limités aux filiales de premier rang (filiales détenues à au moins 25 %). De la sorte, nous avons considérablement restreint le champ d’étude. Les filiales de ces grands groupes se comptent par centaines ou milliers. Le pourcentage de filiales étrangères implantées dans les paradis fiscaux est de l’ordre de 20 %, voire 30 % pour certains groupes.

Nous sommes allés au-delà des filiales de premier rang pour trois groupes bancaires français. Ainsi, nous avons pu dénombrer 256 à 331 filiales pour la BNP selon la liste des paradis fiscaux que l’on retient, 104 à 150 filiales pour le Crédit Agricole et entre 75 et 91 filiales pour la Société Générale.

Les études qui abordent ces questions sont rares car les données manquent. Aux Etats-Unis, le Government Accountability Office de décembre 2008, ou encore l’ONG Action Aid en Grande-Bretagne ont notamment recensé les filiales dans les paradis fiscaux des 100 plus grandes entreprises américaines cotées. Les résultats de leurs rapports sont annexés au rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires.

Deux problèmes compliquent le recensement de ces données. Le premier porte sur l’exigence de reporting à laquelle les banques doivent se plier. Elles ne communiquent en effet que les données pour lesquelles elles sont contraintes. Cependant, les exigences de reporting vont croissant, y compris sur l’activité des banques dans les paradis fiscaux. Ce premier problème donc est en voie de résolution.

La deuxième source de problème, très importante et insuffisamment mentionnée, porte sur la rétention de données par les autorités bancaires et financières. Ni la Banque de France ni l’ACP en effet n’ont donné suite aux demandes que nous leur avions adressées dans le cadre du rapport pour le Conseil des Prélèvements Obligatoires. Nous souhaitions obtenir des éléments relatifs à l’implantation des banques françaises à l’étranger, ainsi que sur les comptes de bilan. Ces données sont tout à fait publiques, et nous aurions pu les collecter une par une dans les rapports annuels bancaires.

Cependant, cette méthode n’est pas propice aux travaux de recherches. Nous avons donc dû nous contenter, pour la base de données à l’étranger, de Bankscope, un outil très utilisé par les universitaires mais qui ne bénéficie pas du sceau du régulateur. Par ailleurs, nous avons utilisé des comptes de bilan agrégés publiés par l’OCDE.

Le cas de la France en matière d’accès aux données bancaires est très préoccupant. Hier, j’ai participé à un jury de thèse. Le candidat avait travaillé sur le secteur bancaire de la Corée du Sud. Un de ses rapporteurs lui a fait remarquer que les données en provenance de la Banque centrale de Corée du Sud n’auraient pu être transmises par la Banque de France.

M. Eric Bocquet, rapporteur. – Comment l’expliquez-vous ?

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – La Banque de France ou de l’ACP font de la rétention. La production des données est un premier problème, qui peut toutefois se résoudre avec le temps. Leur accessibilité en est un second. Il me semble qu’un chercheur français s’intéressant au sujet d’aujourd’hui doit n’avoir aucune stratégie de publication, ou bien faire preuve d’une grande ingéniosité.

Quoi qu’il en soit, l’internationalisation des groupes bancaires et leur présence massive dans les paradis fiscaux nous apparaissent faire partie des facteurs expliquant pourquoi les banques françaises contribuent relativement peu aux recettes fiscales, ou, en tout cas, n’y contribuent pas à la hauteur du dynamisme de leur activité.

M. François Pillet, président. – Je vous remercie. Nous avons compris les difficultés.

M. Gabriel Zucman, Doctorant à l’École d’économie de Paris. – Je suis en train de finir ma thèse de doctorat consacrée aux paradis fiscaux. En effet, je m’intéresse notamment aux inégalités de patrimoine. J’estime ainsi que s’il est impossible de taxer le capital et le patrimoine, les fortunes risquent de se concentrer de manière importante. Aujourd’hui, les paradis fiscaux permettent aux entreprises et aux particuliers d’éviter ou de frauder les différents impôts qui existent sur le capital. J’ai donc voulu comprendre quelles actions permettraient de s’y opposer. Existe-t-il ainsi des politiques pour faire en sorte que la fraude à l’impôt sur le patrimoine soit plus difficile ? Au préalable, j’ai souhaité essayer de mesurer la fraude.

Nous manquons terriblement de littérature au sujet de la fraude, et ce manque devient caricatural en ce qui concerne les paradis fiscaux. Il est lié au manque de données, et, plus fondamentalement, au manque d’intérêt des économistes académiques pour les questions appliquées. Cet état d’esprit est toutefois en train de changer au sein de la profession.

J’ai voulu tout d’abord connaître le montant des fortunes détenues par les particuliers dans les paradis fiscaux, lesquelles sont méconnues. Des rapports existent toutefois, mentionnant des ordres de grandeur allant de 5 000 milliards de dollars à 35 000 milliards de dollars. Ensuite, je me suis demandé si les politiques utilisées actuellement pour lutter contre la fraude fiscale offshore fonctionnent.

Après recherche, j’estime qu’au niveau mondial, 8 % du patrimoine financier des ménages est détenu dans les paradis du monde entier, soit à peu près 6 000 milliards d’euros. Je parle ici d’argent détenu par des ménages fortunés, directement ou par le biais de sociétés-écrans. Un gros quart de cet argent serait en Suisse, soit 2 000 milliards d’euros. Ce chiffre est officiel et provient de la Banque Nationale Suisse. 4 000 milliards d’euros sont logés dans d’autres paradis fiscaux tels que Singapour, le Luxembourg, Hongkong, les îles Caïmans, et les Bermudes.

Les politiques mises en place actuellement pour lutter contre la fraude sont inefficaces. Pour l’instant, l’essentiel de la lutte contre la fraude se fait par l’intermédiaire de traités sur l’échange d’informations bancaires à la demande. Pendant de nombreuses années, l’OCDE a promu ce standard, et le G20 l’a repris à son compte en 2009 lors du Sommet de Londres. En 2009, les paradis fiscaux ont signé de nombreux traités sur l’échange d’informations à la demande avec les pays de l’OCDE. Quatre ans après, ces traités semblent n’avoir quasiment servi à rien. En effet, au total les sommes dans les comptes offshores des paradis fiscaux n’ont pas bougé. Des fortunes offshores ont quitté les paradis fiscaux ayant signé de nombreux traités d’échange d’informations et se sont dirigées vers des juridictions en ayant signé peu. Mais au niveau mondial, ce jeu est à somme nulle.

Que faudrait-il faire ? Il est important de comprendre que ce problème a une solution simple qui s’appelle l’échange automatique d’informations bancaires. Aujourd’hui, les banques françaises ont l’obligation de communiquer au fisc les listes de leurs clients, et les revenus perçus par ces derniers. Ces revenus apparaissant directement sur les feuilles d’impôts, de telle sorte qu’aucune fraude n’est possible. Cette mesure doit être étendue aux banques domiciliées dans les paradis fiscaux.

Techniquement, cette mesure est très simple. L’échange automatique d’information fonctionne déjà à l’intérieur des grands pays. Etendu aux paradis fiscaux, il mettrait un terme à la fraude puisque les montants apparaîtraient directement dans les feuilles d’impôts pré-remplie.

M. Eric Bocquet, sénateur. – Monsieur Zucman, j’ai lu un document que vous avez produit en février 2011 où vous faisiez état de chiffres légèrement différents de ceux que je viens d’entendre. Vous évoquiez ainsi 73 000 milliards de dollars, parmi lesquels 31 000 milliards de dollars seraient gérés en offshore. De plus, 42,5 % de cette somme seraient détenus par 0,1 % de la population. 5 800 milliards de dollars seraient également gérés offshore dont les quelque 2 000 milliards de dollars que vous venez de citer. Confirmez-vous ces chiffres ?

M. Gabriel Zucman, Doctorant à l’École d’économie de Paris. – 73 000 milliards de dollars correspondent au total du patrimoine financier des particuliers à l’échelle mondiale. 50 à 60 % de cette somme appartiennent à 1 % des ménages les plus fortunés. Une fraction des 73 000 milliards de dollars est placée offshore – environ 5 8000 milliards de dollars à l’époque

de l’étude que vous citez, environ 6 000 milliards d’euros aujourd’hui. Tous ces chiffres sont parfaitement cohérents.

M. Eric Bocquet, sénateur. – Je vous remercie. Madame Couppey-Soubeyran, la Commission des finances du Sénat vous avait entendue en début d’année concernant l’élaboration de la réforme bancaire, sur laquelle je vous demanderai un avis en fin d’entretien. Quelles sont selon vous les motivations de la présence des filiales de banques françaises dans les paradis fiscaux ?

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Il ne s’agit évidemment pas de diaboliser l’internationalisation des banques, pas plus que la présence de filiales étrangères. L’implantation importante dans les paradis fiscaux facilite l’optimisation fiscale des banques. Ces dernières souhaitent ainsi bénéficier de réglementations et de dispositions fiscales avantageuses. C’est sans doute un motif parmi d’autres. De même, les banques justifient leur présence dans les paradis fiscaux par des motifs commerciaux et les pressions concurrentielles qu’elles subissent. Il ne s’agit pas de considérer que l’internationalisation des banques ne répond qu’à une recherche d’optimisation fiscale. Elle a en effet largement reposé sur une volonté politique qui consistait à promouvoir des champions nationaux capables de résister à la concurrence internationale. Même s’il est impossible de déterminer avec précision la part des filiales implantées à l’étranger pour des motifs fiscaux, nous pouvons légitimement considérer qu’elles en facilitent l’optimisation.

M. Eric Bocquet, sénateur. – Quelle analyse avez-vous faite des écarts entre vos données et celles publiées par l’ACP ?

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Il est difficile de répondre à votre question. Nous nous sommes uniquement appuyés sur les données de la base Bankscope puisque nous n’avons pu accéder à celles de l’ACP, pourtant peut-être plus précises.

M. Eric Bocquet, sénateur. – Comment comprendre qu’il soit difficile d’obtenir de l’information de la part de l’ACP, un organisme censé assurer la supervision ? Quelles conclusions en tirez-vous ?

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Je pense que nous sommes face, effectivement, à un problème d’accès aux données bancaires, et particulièrement aux données bancaires détaillées à haute fréquence. Nous ne disposons ainsi d’aucune donnée trimestrielle sur l’activité des banques, leur implantation à l’étranger, la part de l’activité réalisée dans tel ou tel

pays, et les rémunérations versées. Toutes ces données sont conservées par les institutions qui les produisent.

M. Eric Bocquet, sénateur. – Estimez-vous que des lacunes existent dans les postes de supervision ou qu’il s’agit d’une rétention délibérée de l’information ?

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Exiger plus d’information de la banque et du régulateur ne suffit pas. Ces éléments devraient être transmis à la communauté citoyenne et scientifique dans un format adapté. Il ne s’agit pas uniquement de produire un rapport dans un format PDF mais de ²faire en sorte que ces fichiers de données soient exploitables par les chercheurs qui veulent réaliser des travaux sur ces questions.

M. Eric Bocquet, sénateur. – Considérant les difficultés évoquées, quelle méthode avez-vous utilisée afin de rassembler les chiffres de votre étude ?

M. Gabriel Zucman, Doctorant à l’École d’économie de Paris. – Deux grandes sources de données m’ont permis d’aboutir au taux de 8 % du patrimoine des ménages détenu dans les paradis fiscaux, et tout d’abord, les statistiques de la Banque Nationale Suisse sur les fortunes offshore détenues en Suisse.

M. Eric Bocquet, sénateur. – Sont-elles absolument fiables selon vous ?

M. Gabriel Zucman, Doctorant à l’École d’économie de Paris. – Elles ont des défauts mais sont exhaustives et fiables. Je ne pense pas que les banques suisses communiquent de fausses informations. Ce type de données n’avait pas été utilisé jusqu’à présent, notamment parce qu’elles sont difficiles à interpréter. En effet, la Suisse est le seul pays à publier ce genre d’informations sur les fortunes offshores. Par ailleurs, la plupart des comptes en Suisse sont détenus par des sociétés écrans, à hauteur de 60 %. Ceux-ci se reflètent dans les statistiques par des montants considérables d’actifs enregistrés au Panama, aux Iles Caïmans, ou aux Iles Vierges Britanniques.

J’ai ensuite utilisé des anomalies dans les statistiques d’investissements internationaux des pays, consécutives à la détention par des particuliers de comptes offshores. Cela crée des problèmes dans les statistiques. Prenez un particulier français qui a un compte en Suisse. Il y investit cet argent en achetant des actions. Imaginez que ce Français achète des actions américaines depuis son compte en Suisse. Les Etats-Unis enregistrent un passif, car ils savent qu’un investisseur étranger détient des actions américaines. Les statistiques suisses n’enregistrent rien car ces actions n’appartiennent pas à la Suisse. Quant aux statisticiens français, ils n’enregistrent rien, car ils n’ont pas moyen de savoir que ce ménage français

détient un portefeuille d’actions américaines en Suisse. Au niveau mondial, vous allez avoir plus de passifs que d’actifs enregistrés. C’est pour cette raison que les portefeuilles d’actions, d’obligations et de parts de fonds d’investissement qui sont détenus dans des comptes offshores par des particuliers ne sont nulle part enregistrés comme actifs. La différence entre les actifs et les passifs est très importante au niveau mondial. J’utilise cette anomalie pour avoir un ordre de grandeur du total des fortunes offshore détenues par des particuliers. Toutes les sources disponibles sur les investissements internationaux sont utilisées.

M. Eric Bocquet, sénateur. – Madame Couppey-Soubeyran, vous avez cité pour les trois premiers groupes français des fourchettes de nombre de filiales. Si je prends la BNP, comment vous arrêtez-vous au nombre de 256 ou 358, soit une différence de 100 ?

Madame Jézabel Couppey Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – La différence provient de la liste des paradis fiscaux que l’on utilise. Nous utilisons deux types de listes, l’une établie par le FMI et une autre plus restrictive.

Mme Marie-Hélène des Zsgaulx, Sénateur. – Vous avez dit que les banques ont un nombre de filiales extrêmement important. Je voudrais essayer de comprendre. Que ces banques s’installent dans des paradis fiscaux, à l’étranger, afin de faire de l’optimisation fiscale, on peut le comprendre. Pourquoi le font-elles ainsi, par un nombre si important de filiales ? Quel est l’avantage procuré d’être non seulement présent mais également d’avoir de nombreuses filiales, lesquelles ne sont pas seulement des sociétés-écrans ? Je pense que le mécanisme juridique nous échappe en plus du mécanisme financier.

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Vous pointez un problème important. Les filiales créent une complexité organisationnelle au travers d’une structure capitalistique très complexe, qui rend le groupe difficile à superviser.

M. François Pillet, président. – Vous voulez dire que cette organisation crée volontairement une opacité ?

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Je crois qu’elle rend la supervision des grands groupes bancaires plus difficile, en particulier lorsque l’organisation des dispositifs de supervision est telle que des autorités nationales doivent encore superviser des groupes présents à une très large échelle. Cela montre que l’organisation de la supervision n’a pas évolué suffisamment vite.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, sénateur. – On peut se demander s’il ne faut pas limiter cette possibilité de création de filiales. Certains doutent de l’utilité de cette mesure et je peux comprendre, mais en matière bancaire, des règles pourraient s’imposer. Ainsi, la liberté totale pour une banque de créer 200 ou 300 filiales pour une banque est-elle normale ?

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Je crois que les dispositions relatives aux mécanismes de résolution, qui vont être décidés dans le cadre de l’Union bancaire ou de la Loi bancaire française, sont de nature à réduire les complexités organisationnelles. Demander aux établissements bancaires de fournir un plan préventif les obligera à simplifier cette organisation. Les plans préventifs auront donc un impact.

M. Francis Delattre, Sénateur. – Vous indiquez que vos études ont commencé par le constat de la sous-fiscalisation de l’ensemble des banques françaises. Par rapport à d’autres pays comparables, peut-on avoir une idée de cette sous-fiscalisation ? Pour autant, nous avons reçu, voici quelques mois, l’OCDE, dont l’appréciation était optimiste sur l’échange d’informations fiscales entre les pays, y compris les paradis fiscaux bien connus. Je voudrais que vous m’expliquiez la différence entre le système OCDE et le vôtre.

La rétention de données nous étonne beaucoup et nous allons agir auprès de la Banque de France avec le rapporteur. La Loi de finance a par ailleurs essayé de séparer les activités de marché et de dépôt des banques. 1 à 2 % du chiffre d’affaires serait concerné, ce qui est relativement modeste.

Pensez-vous que ces chiffres correspondent à la réalité ou sont-ils sous-évalués ?

Les banques, quant à elles, nous ont dit qu’il leur était vital d’être présentes dans les paradis fiscaux, qui sont des carrefours financiers. Pensez-vous que les banques sont dans ces paradis fiscaux exclusivement pour des clients ou pour elles-mêmes ? Pensez-vous qu’en dehors de la fiscalité, les banques ont un autre intérêt d’être dans les paradis fiscaux ?

Madame Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en économie à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique auprès du Conseil d’analyse économique. – Concernant les impôts payés par les banques, nous avons essayé de mettre en avant un décalage important entre l’évolution des impôts payés par les banques et celle de leur activité mesurée, notamment par les profits réalisés. Les impôts payés par les banques ont augmenté mais beaucoup moins vite que leurs profits. Pour les banques françaises, sur la période qui court du milieu des années 1990 à la veille de la crise, les impôts ont été multipliés par 1,5 et les profits par 10. Nous nous sommes efforcés de calculer des taux d’imposition implicites.

Dans le document N 87 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE (Page 41-59)