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Déplacement longitudinal (mm)

III. COMMENT AMELIORER L ’INTERFACE

III.2. A DJUVANTER SPECIFIQUEMENT LE LIANT ?

Effectuer une adjuvantation spécifique du liant s’apparente être la solution la plus simple en terme de procédé industriel. De nombreux accélérateurs de prise ont d’ailleurs été testés sur des mélanges bois/ciment [MOS 83, ZHE 85, WEI 00] et ont permis des améliorations notables en terme de vitesse de prise et de propriétés mécanique des composites. A notre connaissance, l’utilisation d’adjuvants spécifiques aux mélanges chaux/particules lignocellulosiques n’a pas fait l’objet de publications scientifiques. De plus nombreux travaux existent en revanche sur l’adjuvantation des mortiers pour lesquels les propriétés d’adhésion avec les supports poreux sont de première importance [BEN 09, PAV 10, POU 10, IZA 10].

III.2.1. Quelles propriétés rechercher pour le liant?

III.2.1.a. Une solution très employée : accélérer la prise

La principale stratégie ayant été mise en œuvre pour améliorer les propriétés des bétons de ciments/bois concerne des accélérateurs de prise. Elle découle des observations faites dans les années 80 concernant les retards de prise du ciment en présence de végétaux lignocellulosiques (cf. §II.1.2). Dès 1983, Moslemi et al. [MOS 83] effectuent des ajouts de 5% de CaCl2, NaOH, MgCl2 et Ca(OH)2 dans le ciment. Ils observent une nette diminution du temps de prise (t2) de prise de mélange pin/ciment. En 1985, Zhengtian et al. [ZHE 85] testent 30 accélérateurs organiques et inorganiques. Ils remarquent que de forts ajouts de SnCl2, FeCl3 et AlCl3 permettent une augmentation notoire de la température maximale d’hydratation du ciment TMAX.

Néanmoins, ces travaux n’étudient pas les corrélations entre les propriétés mécaniques du composite final et les caractéristiques de la prise (TMAX, t2). Wei et al. [WEI 00] observent une augmentation du module de rupture (MOR) allant jusqu’à 400% de composites bois/ciment et bois/ciment de laitier avec des ajouts de 4% de CaCl2 et Al2(SO4)3, SnCl2 ou FeCl3. Les auteurs concluent à une bonne corrélation entre la qualité de la prise et le MOR des composites.

D’autres sources et travaux sont cités dans le travail de synthèse sur les bétons ciment/bois réalisé par Frybort [FRY 08].

III.2.1.b. L’expérience des mortiers appliqués sur support poreux

Emmons et al. [EMM 96] décrivent la compatibilité entre un mortier et un élément poreux comme le bilan entre les propriétés physiques, chimiques et électrochimiques ainsi que des variations dimensionnelles. Cette compatibilité en terme de déformation est dépendante du module élastique, des capacités de retrait/gonflement et de fluage des matériaux [EMM 96, MOR 96]. Emmons et al. soulignent qu’en terme de

Chapitre II: Diagnostiquer et comprendre l’interface liant/bois

choix de mortier de réparation, il est préférable de s’orienter vers un mortier ayant une faible capacité de retrait, un faible module d’élasticité et une grande capacité de fluage.

Pavia et al. [PAV 10] effectuent une analyse allant dans le sens de Emmons et al. Ils étudient l’influence de l’hydraulicité, de la rétention en eau et de la quantité d’eau du mortier sur la résistance en flexion d’assemblages de briques poreuses avec des chaux naturelles NHL2, NHL3,5 et NHL5. Ils concluent que le paramètre le plus important est la rétention en eau du mortier suivi de la quantité d’eau puis l’hydraulicité. Les résistances atteintes sont équivalentes à celles d’assemblages utilisant du ciment Portland.

III.2.2. Vers une gestion de l’eau contenue dans le liant

Les bilans effectués sur les processus d’adhésion (cf. §I.6) et les problèmes générés par l’association d’un liant minéral et de particules lignocellulosiques poreuses (cf. §II.3) désignent la gestion de l’eau comme le problème central qu’il convient de résoudre. Comme pour améliorer l’adhésion entre une brique poreuse et un mortier de chaux [PAV 10], la solution la plus adaptée à ce problème désigne les adjuvants rétenteurs d’eau. La famille de rétenteurs d’eau la plus utilisée dans les ciments ses dernières années, souvent en complément de plastifiant, est sans doute celle des éthers de cellulose (EC). Ces substances font l’objet de nombreux travaux de recherche [KHA 98, BOH 01, POU 06, POU 06-2, BEN 09, POU 10, PAT 11, BRU 11].

III.2.2.a. Les éthers de cellulose

Les éthers de cellulose (EC) sont des composés employés comme agents de viscosité, gélifiant ou stabilisants dans de nombreux domaines tels que l’industrie l’agroalimentaire, l’industrie pharmaceutique ou plus récemment l’industrie de la construction. Il s’agit de polymères dérivés de la cellulose dont la spécificité est d’être extrêmement hydrophile. Pour y parvenir, une synthèse par alcalisation et alkylation des groupements hydroxyles est nécessaire et permet le remplacement de ces radicaux par des groupes méthoxyle, hydroxyéthoxyle (spécifique aux EC de type MHEC) ou hydroxypropoxyle (spécifique aux EC de type MHPC).

Figure I. 35. Structure moléculaire des éthers de cellulose de type MHEC. Groupes

méthoxyles Groupe

Les éthers de cellulose de type MHEC (cf. Figure I. 35) et MHPC sont les plus utilisés dans le domaine de la construction. On caractérise généralement les éthers de cellulose trois grandeurs :

 Le degré de substitution (DS) : il correspond au nombre moyen de groupes hydroxyles substitués par unité d’anhydroglucose.

 Le module de substitution (MS) : il s’agit du nombre moyen de moles de radicaux greffés par rapport au nombre de moles d’anhydroglucose.

 Le degré de polymérisation moyen (DP) : il correspond au nombre d’unités monomères qui constituent en moyenne la chaine du polymère.

Les éthers de cellulose (EC) de type MHEC et MHPC sont des polymères hydrosolubles dits associatifs présentant une chaîne principale hydrophile (et des groupements hydrophobes. Lorsqu’une concentration critique est atteinte, en milieu aqueux, les chaînons hydrophobes s’associent pour former un réseau réticulé qui limite leur contact avec l’eau [POU 06], d’où leur dénomination de polymères associatifs. Enfin, la liaison de molécules d’eau aux chaînes hydrophiles et la structuration du réseau entrainent son gonflement. Le réseau gélifié (cf. Figure I.36 a et b) ainsi formé est à la base des modifications importantes, notamment rhéologiques, que peuvent apporter les EC lorsqu’ils sont associés au ciment.

III.2.2.b. Action des éthers de cellulose dans un mortier

Plusieurs travaux ont démontré la grande aptitude des éthers de cellulose à améliorer la rétention en eau des ciments et des mortiers monocouches [POU 06, BRU 11, PAT 11], propriété directement liée à l’aptitude du mortier à éviter la filtration de son eau de constitution soumise à pression capillaire. Comme rappelé par plusieurs auteurs [KHA 98, PAT 11, BRU 11], la rétention en eau R d’un mortier est fortement liée à la viscosité µ du fluide interstitiel qui le compose. Selon la loi de Darcy (cf. §I.4.1.b), la vitesse de filtration du liquide interstitiel soumis à un gradient de pression est en effet inversement proportionnelle à µ. L’aptitude de mortiers adjuvantés à résister à la succion exercée par un support poreux a été mise à jour par Patural [PAT 11] qui a étudié par RMN le transfert d’eau entre un mortier et un support poreux en plâtre. A des niveaux de concentration de 0,27% en masse par rapport aux poudres (mortier CeREM), l’auteur montre toutefois que les transferts aqueux sont juste déphasés dans le temps.

Par ailleurs, le caractère amphiphile des molécules d’éthers de cellulose fait d’elles des molécules tensioactives, conduisant ainsi à une réduction de la tension superficielle γLG du liquide interstitiel pouvant descendre jusqu’à 42mN.m-1 [BUL 12]. Or, la loi de Kelvin-Laplace montre que la diminution de la tension superficielle d’un liquide diminue réciproquement la pression capillaire PC (cf. §I.4.1.a). Cette diminution de la pression capillaire induirait par ailleurs des capacités accrues de résistance à la filtration et de rétention en eau de la pâte considérée.

Chapitre II: Diagnostiquer et comprendre l’interface liant/bois

Les récents travaux de Bentz et al. [BEN 09] ont également montré l’aptitude de certains viscosants à réduire la diffusion ionique, notamment les ions calcium Ca2+, et particules en suspension dans le liquide interstitiel. Ils jouent là un rôle de barrière de diffusion. Le principe physique de base sur lequel repose ce phénomène, détaillé au §I.4.2.b, est la loi de la cinétique de Einstein-Smoluchowski qui définit le mouvement Brownien. Les lois qui en découlent induisent qu’une augmentation de la viscosité du fluide interstitiel est à l’origine d’une diminution inversement proportionnelle de la diffusion particulaire [EIN 05]. C’est cette propriété qui explique notamment l’intérêt porté aux molécules d’EC, ou d’autres viscosants, pour limiter la diffusion des chlorures et ainsi augmenter la durabilité des bétons [BEN 09, RAM 12].

Néanmoins, plusieurs auteurs ont montré que la capacité des molécules à agir comme barrière de diffusion dépend de leur taille [SHI 99, BEN 09]. Ils démontrent ainsi que seules les molécules présentant de faibles masses moléculaires (≈1000) permettent réellement au liquide interstitiel de suivre la loi de Stokes-Einstein. La mobilité ionique dans les solutions contenant des viscosants à plus fortes masses moléculaires serait en revanche indépendante de la viscosité de celle-ci. Shimizu et al. [SHI 99] présentent deux théories qui permettent d’expliquer que le viscosant à large chaîne ne joue pas le rôle de barrière de diffusion: les théories du volume libre et de l’obstruction. A très faible dosage, ces molécules possèdent en effet l’aptitude d’augmenter largement la viscosité mais les espaces laissés entre les chaines n’empêcherait pas la diffusion ionique.

Figure I. 36. Clichés au MEB en électrons secondaires montrant l’aptitude d’un MHEC sec (a) à gonfler lorsqu’il est placé à 60%HR (b) [BUL 12] et à lier entre eux des cristaux de

Portlandite dans un ciment (c) [KNA 09].

L’observation faite par Shimizu et al. n’a cependant été effectuée que dans des solutions aqueuses contenant des viscosants libres de s’agglomérer. Il s’agit donc d’un milieu non confiné, ce qui n’est pas le cas dans une pâte de ciment. Or plusieurs auteurs rapportent l’aptitude des grains de ciment à adsorber en surface des molécules d’éther de cellulose [BRU 11, PAT 11]. Brumaud [BRU 11] observe que généralement la quantité de polymère adsorbé en surface des particules de ciment est proportionnelle au dosage en EC. Pour les MHEC et MHPC qu’elle étudie, l’auteur mesure une proportion de molécules adsorbées sur les grains de ciment allant jusqu’à 20% pour un ciment à la

finesse Blaine de 3500cm2.g-1. Cette adsorption est possible du fait du caractère polaire des molécules d’EC qui peuvent se greffer sur les particules de ciments recouvertes d’ions calcium Ca2+ chargés positivement. L’auteur estime que le degré de substitution DS qui permet une polarité maximale de l’EC en solution est d’environ 1,2.

De la même manière que les EC polaire peuvent se greffer sur les cations Ca2+ présents en surface des grains de ciments, plusieurs auteurs [DUP 99, BOH 01] avancent une possible chélation des ions Ca2+ dans la structure des EC, au même titre que dans les pectines [SED 07-2] ou dans certains sucres [POU 06-2]. Pour Pourchez et al. [POU 06-2], cette fixation du calcium, si elle a lieu, est négligeable.

Knapen et al. [KNA 09] montrent enfin l’aptitude d’un éther de cellulose de type MHEC à assurer une liaison physique entre des plaquettes de Portlandite (cf. Figure I. 36c). Ces auteurs expliquent que le rôle d’agent liant joué par le MHEC permet une amélioration de la cohésion interne du ciment adjuvanté, et diminue notamment les fissures internes à la matrice.

III.2.3. Bilan sur l’approche consistant à adjuvanter le liant

Le récapitulatif des études menées sur l’adjuvantation des liants pour améliorer la qualité de prise des mélanges ciment/bois ont permis de tester un nombre important d’accélérateurs de prise. Dans ce travail, le liant qui est utilisé (cf. Chapitre V) mélange uniquement de la chaux et de la ponce. Il fait donc prise uniquement grâce à une réaction pouzzolanique lente pour laquelle quelques accélérateurs seront testés, toujours dans le Chapitre V. Néanmoins, une autre approche est possible en considérant que les échanges en eau entre le liant et les particules végétales sont à la base de la plupart des problèmes d’interface, comme nous l’avons vu au §I et II. Pour résoudre ces désagréments, une adjuvantation spécifique avec des éthers de cellulose (EC) représente une solution séduisante. Les travaux répertoriés orientent notre choix vers un EC de type MHEC et possédant un degré de substitution DS proche de 1,2. Les hypothèses de fonctionnement de ces molécules dans une pâte de liant cimentaire, basées sur la bibliographie, sont décrites dans la Figure I. 37.

Chapitre II: Diagnostiquer et comprendre l’interface liant/bois

Figure I. 37. Hypothèses de fonctionnement d’un EC en milieu cimentaire basé sur l’analyse de la bibliographie.

EC

TENSION SUPERFICIELLE Résistance à la succion CAPILLAIRE

,

à la FILTRATION RÉTENTIONEN EAU LIQUIDE INTERSTITIEL PÂTE

DIFFUSION des ions

et particules

H

YPOTHÈSES VISCOSITÉ LIQUIDE INTERSTITIEL CHÉLATIONDES IONS CA2+ ADSORPTIONDE L’EC